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Ces universités qui transfèrent leurs investissements vers des placements plus verts

Pressées par leur communauté étudiante, de plus en plus d’universités se dotent d’objectifs pour améliorer l’empreinte carbone de leurs investissements.

par FLORENCE SARA G. FERRARIS | 20 JAN 20

Alors que la planète et les enjeux environnementaux font grand bruit depuis quelque temps dans le monde académique, de plus en plus d’administrations universitaires canadiennes, particulièrement au Québec, décident d’agir pour réduire leur empreinte écologique, notamment en revoyant leur politique d’investissements. C’est ainsi que la Fondation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) estime avoir été, en septembre dernier, la première à faire une vraie croix sur ses investissements dans les énergies fossiles, faisant, par le fait même, de l’établissement montréalais un pionnier au pays. « Sincèrement, on pensait que ça nous prendrait beaucoup plus de temps, lance en riant le directeur général de la Fondation, Me Pierre Bélanger. Mais finalement, le virage n’a pris que quelques mois ! On a pris un risque et ça s’est finalement avéré payant. »

Et l’UQAM n’est pas la seule. Déjà, la Fondation de l’Université Concordia a récemment signifié son intention de mettre fin à ce genre d’investissements d’ici 2025. Plus, la fondation s’est engagée à doubler ses placements dans des entreprises, des organismes et des fonds qui visent à engendrer un impact social et environnemental mesurable, en les faisant passer de 5 pour cent à 10 pour cent, tout en générant un rendement financier. Idem à Québec où l’Université Laval — qui était la première en 2017 à signifier son désir de couper les ponts avec les hydrocarbures — vient d’annoncer son ambition de réduire de 30 pour cent l’empreinte carbone de ses placements d’ici cinq ans, et de 50 pour cent d’ici 2030.

De même, en décembre, le conseil des gouverneurs de l’Université McGill a approuvé les recommandations d’un rapport « visant à réduire l’empreinte carbone de son portefeuille de placements » incluant « une diminution des placements à forte intensité de carbone – notamment ceux du secteur des combustibles fossiles – dans le portefeuille de dotation de l’Université ».

Souci de cohérence

À l’échelle du Canada, on remarque ainsi une tendance claire se dessiner, de plus en plus d’universités — tant par le biais de leur fondation que de leur fonds de placement de retraite — se dotant d’objectifs ambitieux de décarbonisation à court ou moyen terme. Tantôt incarnée par un arrêt complet des investissements dans les énergies fossiles, celle-ci peut également se traduire par une plus grande attention accordée aux types d’investissements dans le but précis de réduire les émissions de gaz à effet de serre qui y sont rattachés.

On peut ici penser, entre autres, à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) qui, début décembre, a annoncé un désinvestissement de 380 millions de dollars des énergies fossiles (sur un portefeuille de 1,71 milliard investi dans cette industrie). Autre exemple : l’Université Simon Fraser, qui vient tout juste d’adopter, via son conseil des gouverneurs, une motion afin que l’établissement réduise de 45 pour cent l’empreinte carbone de ses investissements (un portefeuille de 900 millions de dollars) par rapport au niveau de référence fixé en 2016, et à réaliser cette réduction d’ici 2025.

Des nouvelles dont se réjouit le directeur général de la Fondation de l’UQAM. « On l’a senti dès le début de notre virage que quelque chose de plus grand que nous était en train de se passer. On l’entend un peu partout au pays, c’est un mouvement de fond ! »

Il faut dire que les universités subissent, depuis quelques années, une pression grandissante, tant de la part de leurs communautés estudiantine et professorale, que du grand public. Une pression qui s’est d’ailleurs accentuée au Québec en 2019 avec l’essor du mouvement La Planète s’invite à l’université. Porté par des étudiants de tout horizon, ce dernier exige, entre autres choses, que les institutions d’enseignement fassent preuve d’une plus grande transparence concernant leurs investissements et que ceux-ci soient retirés des énergies fossiles.

« Les universités doivent donner l’exemple et, surtout, elles doivent être cohérentes », insiste Alizée Girard, qui agit à titre de co-porte-parole au sein d’UdeM sans pétrole, le regroupement qui demande à l’Université de Montréal la décarbonisation de ses placements. « Les établissements québécois ont adopté des déclarations d’urgence climatique cet automne, rajoute-t-elle. C’est très bien, mais maintenant, il est temps de passer de la parole aux actes ! La crise climatique ne se règlera pas avec des signatures, ça prend des gestes concrets. »

Un avis qui, bien que plus posé, est tout de même partagé par Me Bélanger. « Il est clair que les universités ont un devoir d’exemplarité, tant vis-à-vis de leurs étudiants que de la société en général, expose-t-il avec sérieux. Pour nous, ce serait difficile aujourd’hui de défendre ce genre d’investissements, au même titre que ceux dans l’industrie du tabac ou de l’armement, par exemple. Les gens s’attendent — et ils sont en droit de le faire — à ce que les établissements d’enseignement supérieur prennent ce genre de position. »

Obligation de rendement

Là où le bât blesse, c’est que certaines universités administrent des fonds faramineux. C’est le cas, entre autres, de l’Université de Montréal (UdeM), de McGill et de UBC qui, contrairement à l’UQAM, gèrent des portefeuilles de plusieurs milliards de dollars. « On ne désinvestit pas des millions du jour au lendemain, indique le vice-recteur adjoint aux finances de l’UdeM, Matthew Nowakowski. Les risques sont trop grands et comme université nous avons une obligation de rendement, notamment à l’endroit de professeurs ! Il ne faut pas oublier qu’une partie de ces sommes doit servir à payer leur retraite. »

À court terme, l’institution centenaire n’entend donc pas retirer ses billes du secteur pétrolier et gazier. « Nous avons tout de même signé les principes d’investissements responsables des Nations unies, précise le gestionnaire. Cela nous force à demeurer vigilants et à nous assurer que nos nouveaux investissements ont un impact social et durable — parce que, pour nous, la crise ne se limite pas aux bouleversements environnementaux. »

Pouvoir d’influence ?

En demeurant actives dans ces secteurs d’investissement, certaines administrations universitaires estiment d’ailleurs jouer un certain rôle, notamment en faisant entendre leur voix au sein de cette industrie. « Les gens ont tendance à sous-estimer le levier financier comme vecteur de changement, souligne pour sa part la vice-rectrice à l’administration et au développement durable de l’Université de Sherbrooke, Denyse Rémillard. Pourtant, notre capacité d’influencer les choses de l’intérieur est plus grande qu’on le croit. En demeurant autour de la table de cette industrie, on espère pouvoir être des acteurs de changements. »

À l’heure actuelle, l’Université de Sherbrooke n’a donc pas l’intention, elle non plus, de mettre fin à ses investissements dans les hydrocarbures tout de suite. L’établissement s’est cependant doté d’une stratégie d’investissements responsables l’an dernier et entretien un dialogue serré avec sa communauté, histoire de voir où les changements sont possibles à court, moyen et long terme. « L’idée, dans un premier temps, est d’évaluer quelle est l’empreinte carbone actuelle de nos placements, expose la gestionnaire. Ce n’est même pas une information que nous avons encore ! Alors avant de faire un virage à 180 degrés, on va d’abord s’assurer qu’on a toutes les informations pertinentes entre les mains pour bien le faire. Ensuite — et elles viendront ! —, on pourra se doter de cibles ambitieuses. »

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