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Impossible, disent les épidémiologistes, d’utiliser l’amiante en toute sécurité

Un comité international demande que l’extraction et l’exportation de cette matière soient bannies.

par ROSANNA TAMBURRI | 22 AOÛT 12

Un groupe d’organisations internationales de la santé demande au Canada et aux autres pays producteurs d’amiante de cesser l’exploitation minière et l’exportation de cette dangereuse matière utilisée dans les domaines de la construction et de la fabrication.

L’énoncé de position a été rendu public à la fin de juillet par le Comité mixte des politiques des sociétés d’épidémiologie, un consortium international d’organisations d’épidémiologie dont font partie entre autres la Société canadienne d’épidémiologie et de biostatistique ainsi que l’American College of Epidemiology. Plus de 180 individus et groupes de santé publique provenant de 21 pays ont appuyé l’énoncé.

Après un examen approfondi des preuves épidémiologiques disponibles, le Comité mixte des politiques a conclu que toute forme d’amiante est dangereuse et peut causer le cancer du poumon, des ovaires et du larynx, de même que l’amiantose, la mésothéliome et d’autres maladies pulmonaires. L’amiante comprend divers types de minerais fibreux utilisés dans les matériaux de construction destinés entre autres aux toitures, aux planchers et à l’isolation.

L’énoncé de position devrait mettre fin à toute ambiguïté concernant les risques de l’amiante pour la santé et chasser l’idée que certains types ne sont pas dangereux, affirme Colin Soskolne, professeur d’épidémiologie à l’Université de l’Alberta et membre du Comité mixte des politiques.

« Nous sommes confiants que l’énoncé réussira à écarter tout intérêt à mentir au sujet de l’utilisation potentiellement sécuritaire de ce produit, poursuit M. Soskolne, qui a joué un rôle important dans l’élaboration de l’énoncé. Il est impossible d’en faire une utilisation sécuritaire. »

Plus de 50 pays ont banni l’amiante, alors que d’autres nations industrialisées ont pratiquement cessé de l’utiliser. Plusieurs continuent cependant de l’exploiter et de l’exporter. L’utilisation de l’amiante totalise environ deux millions de tonnes par année; le Canada, la Russie, le Kazakhstan, le Brésil et la Chine en produisent ensemble plus de 90 pour cent.

Le débat portant sur l’utilisation sécuritaire de certains types d’amiante est controversé au Canada, particulièrement au Québec, où existe une longue tradition d’extraction de ce minerai. La controverse a même par moments tendu un piège aux chercheurs universitaires. La production d’amiante est actuellement suspendue au Québec mais on projette de rouvrir la mine Jeffrey à Asbestos. Le gouvernement du Québec a en effet annoncé en juin qu’il prêterait 58 millions de dollars pour relancer le projet.

M. Soskolne a accusé le Canada d’avoir deux poids, deux mesures. Alors que le gouvernement du Canada a dépensé des millions pour se débarrasser de l’amiante dans les édifices du Parlement et à la résidence du premier ministre, il refuse d’interdire la production du produit et son exportation qui se fait principalement dans les pays en développement où la réglementation est laxiste en matière de santé.

L’amiante est de plus en plus utilisé en Chine, en Inde et dans divers pays en développement. « Si elle se poursuit, l’utilisation continue et accrue de la fibre d’amiante se traduira inévitablement par un désastre de santé publique causé par les maladies liées à l’amiante et par des morts prématurées pendant des décennies à venir, répétant dans ces pays l’épidémie que l’on connaît aujourd’hui dans les pays développés où l’amiante a été utilisé dans le passé », prévient l’énoncé.

L’Organisation mondiale de la santé estime dans une étude que plus de 107 000 personnes par année mourront de maladies liées à l’amiante. L’étude souligne que de 1999 à 2008, 70 pour cent des morts causées par des maladies liées au travail au Québec ont été causées par l’amiante, et que l’amiante demeure la cause principale de ces maladies dans l’ensemble du Canda.
L’énoncé du Comité mixte des politiques pointe du doigt le rôle de l’industrie canadienne de l’amiante et de certains chercheurs universitaires qui se sont portés à la défense de l’utilisation de la fibre d’amiante. Il souligne que l’industrie canadienne de l’amiante est en grande partie responsable d’avoir répandu l’idée qu’il y a moyen d’utiliser la fibre chrysotile, produite au Québec, de façon sécuritaire. Une étude indépendante propageant cette idée, effectuée par des chercheurs de l’Université McGill et financée par l’Association minière d’amiante du Québec (QAMA), se révèle avoir été effectuée « selon des techniques douteuses de sélection, d’échantillonnage et d’analyse », poursuit le rapport.

« Le Canada a grandement contribué à semer l’ambiguïté et à nuire à l’avancement de la science ainsi qu’à la recherche de la vérité concernant l’usage de différents types d’amiante, explique M. Soskolne, ancien président de la Société canadienne d’épidémiologie et de biostatistique. C’est de la pure invention. Ces chercheurs, poursuit-il, étaient en fait à la solde de l’industrie. »

L’énoncé accuse les producteurs d’amiante d’adopter les mêmes tactiques que l’industrie du tabac pour promouvoir leur produit, y compris la manipulation de la recherche. « L’industrie de l’amiante a aussi utilisé la tactique de l’intimidation juridique auprès des scientifiques et des chercheurs pour entraver leurs écrits par rapport à la menace que présente l’utilisation de l’amiante chrysotile pour la santé. Une tactique qui est aussi utilisée en Inde, au Brésil et en Thaïlande », ajoute l’énoncé.

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