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La méthode douce, pour protéger les enfants des sectes

Un nouveau modèle d’intervention vise à aider les enfants sans provoquer de drame.

par JEAN-FRANÇOIS VENNE | 30 JUILLET 15

Intervenir auprès d’un enfant en difficulté n’est jamais simple. Mais lorsqu’il est entre les griffes d’une secte, le défi s’en trouve décuplé. Lorraine Derocher, chercheuse postdoctorale au Centre de recherche sur l’enfance et la famille de l’Université McGill, a consacré sa thèse de doctorat, rédigée à l’Université de Sherbrooke, à établir un modèle pour aider les professionnels dans ce genre d’intervention. Avec succès semble-t-il, son ouvrage s’étant mérité le prix de la meilleure thèse de doctorat dans le secteur Lettres et sciences humaines de cette université.

Son dernier livre, Intervenir auprès de sectes religieuses en protection de la jeunesse – Un défi (Presses de l’Université du Québec) vient de paraitre et porte sur le même sujet.

« Le modèle fonctionne à l’intérieur du cadre législatif actuel, souligne la chercheuse. Il est axé sur la coopération avec les parents, plutôt que la confrontation. » Une telle démarche aiderait, selon elle, à surmonter les difficultés que pose une telle situation.

Des enfants isolés

Et des défis, il y en a ! À commencer par le « leader » qui règne sans partage sur son groupe, et qui souffre souvent lui-même de troubles de la personnalité narcissiques ou paranoïaques. Cela rend toute confrontation directe potentiellement explosive.

Encore faut-il pouvoir repérer les enfants. La Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) n’intervient qu’auprès des cas qui lui sont signalés. Or, les enfants des sectes sont isolés et n’ont pas d’entourage pour dénoncer une situation problématique. « Bien souvent, ce sont des familles sorties d’une secte qui dénoncent les abus y ayant lieu, indique Mme Derocher. Il n’est pas rare, dans de tels cas, que la DPJ se retrouve face à des abus généralisés, sur tous les enfants de la secte. Cela dit, il ne faut pas croire que toutes les sectes maltraitent les enfants. »

Une fois le signalement obtenu, il peut être très ardu de retrouver les enfants. Certaines sectes, lorsqu’elles se sentent visées par les pouvoirs publics, fuient ou envoient les enfants sous d’autres cieux. On l’a vu récemment lorsqu’une quarantaine de familles de la secte juive ultra-orthodoxe Lev Tahor, incluant près de 140 enfants et bébés, ont fui la DPJ en partant s’installer dans le sud de l’Ontario.

La méthode douce

Pour élaborer son modèle, Mme Derocher a rencontré plusieurs parents et enfants ayant fait l’objet de telles interventions. Elle a aussi discuté avec des enquêteurs, des agents de la protection de l’enfance, des juges, des avocats et des psychologues, qui sont tous intervenus dans des milieux sectaires.

Elle a constaté que les interventions basées sur une méthode compréhensive et un soutien de la famille fonctionnaient mieux. « Les parents sont souvent eux-mêmes en difficulté, explique-t-elle. Quelques années après être entrés dans un groupe fermé, ils se retrouvent sans argent, sans contact avec l’extérieur. Envisager d’en sortir est difficile. La DPJ peut alors servir, en quelque sorte, de porte de sortie. Ce ne sont pas nécessairement de mauvais parents, mais leur jugement est brouillé par des croyances religieuses extrêmes. Si on évite de les confronter sur leurs croyances, et que l’on mise plutôt sur leur rôle de parents, ils collaboreront mieux. »

C’est d’autant plus important que les enfants faisant l’objet d’une intervention réussie s’intègrent mieux à la société à l’âge adulte. Pour les autres, l’intégration peut prendre les allures d’un véritable chemin de croix.

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