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Le droit d’auteur de nouveau à l’avant-scène dans l’attente de plusieurs décisions

Une poursuite et l’examen fédéral de la Loi canadienne sur le droit d’auteur pourraient avoir des retombées considérables sur les universités.

par ANQI SHEN | 21 SEP 16

De prochaines décisions juridiques et politiques pourraient changer la donne en matière de droit d’auteur au Canada. Dans la sphère juridique, tous les regards sont tournés vers la cour qui doit bientôt rendre sa décision concernant la poursuite d’Access Copyright, une organisation qui perçoit des redevances et les distribue aux auteurs et éditeurs, contre l’Université York. Outre la poursuite, le vieux débat sur les tarifs en matière de droit d’auteur persiste. De surcroît, le gouvernement fédéral entamera l’examen de sa Loi sur le droit d’auteur en 2017; des modifications à la Loi apportées en 2012 exigent en effet qu’elle soit examinée tous les cinq ans.

En juin ont été présentées les conclusions finales de la poursuite civile contre l’Université York. Le cas, qui met à l’épreuve les directives en matière d’utilisation équitable, servira de référence dans le domaine de l’éducation et pourrait avoir des retombées considérables sur les établissements d’enseignement et les sociétés de gestion de droit d’auteur au Canada. La poursuite a été divisée en deux parties. La première avait pour but de déterminer si le concept d’utilisation équitable dans les directives de copie de l’Université York – des directives aussi utilisées par de nombreuses autres universités au Canada – constitue bien une utilisation équitable en vertu de la Loi sur le droit d’auteur et si les pratiques de copie de l’Université York ont été assujetties à un tarif de 2011 à 2013. Selon le résultat, une deuxième phase pourrait avoir lieu afin que le tribunal se penche sur des questions plus précises, comme le montant dû. La Cour fédérale pourrait rendre une décision dans les prochains mois. Toutefois, la décision pourrait être portée en appel.

Avant le début du procès, Access Copyright demandait à la Commission du droit d’auteur du Canada (un organisme réglementaire qui examine les éléments de preuve et établit les tarifs en matière de droit d’auteur) qu’un tarif de 26 $ par étudiant équivalent temps plein (ÉTP) s’applique pour les périodes allant de 2011 à 2013 et de 2014 à 2017. Une audience a eu lieu en janvier, mais les discussions sur les tarifs ont commencé il y a de nombreuses années. La tarification proposée dans ce cas s’appliquerait aux établissements d’éducation postsecondaire hors Québec pour la copie d’œuvres faisant partie du répertoire d’Access Copyright et ne faisant pas l’objet d’utilisation équitable.

L’utilisation équitable à des fins éducatives est au cœur de la poursuite et des délibérations relatives au tarif. Access Copyright estime que les copies faites dans les universités, à l’Université York en particulier, enfreignent la loi sur le droit d’auteur. La Loi sur le droit d’auteur prévoit des exemptions pour utilisation équitable qui permettent l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur sans la permission du titulaire de ce droit et sans le versement de redevances si les documents sont utilisés à des fins de recherche, d’étude privée et d’autres motifs précis. Les modifications apportées à la Loi en 2012 ont inclus l’éducation comme motif d’exemption. La même année, la Cour suprême a déterminé, dans l’affaire de l’Alberta contre Access Copyright, que l’utilisation équitable permettait aux enseignants de photocopier de courts extraits d’œuvres et de les distribuer à leurs étudiants en tant que supplément à leurs manuels.

Depuis que ces décisions ont été rendues, les universités ont adopté des directives à l’intention de leurs étudiants et employés qui décrivent ce qu’est un court extrait et permettent de déterminer si l’utilisation est équitable. Cependant, Erin Finlay, directrice, affaires juridiques et gouvernementales, et avocate générale d’Access Copyright, a déclaré que l’organisation n’était pas d’accord avec l’interprétation qui est faite de l’utilisation équitable. « Les directives encouragent la copie gratuite, ce qui nuit à la création et au désir de créer du nouveau contenu de qualité, explique Mme Finlay, qui a toutefois refusé de commenter la poursuite contre l’Université York. La décision de la Cour suprême [en 2012] concernait le secteur de la maternelle à la 12e année. Les faits présentés à la Cour étaient totalement différents. »

Depuis 2012, bon nombre d’universités canadiennes, y compris l’Université York, ont décidé de ne pas renouveler leur entente de licence avec Access Copyright à la suite des réformes législatives et des décisions de la Cour suprême. « Je crois que les établissements d’enseignement supérieur et les bibliothèques ont simplement suivi les lignes directrices que leur ont données les tribunaux et les entités administratives du parlement, précise Robert Glushko, ancien responsable des communications scientifiques et des droits d’auteur des bibliothèques de l’Université de Toronto qui travaille maintenant comme adjoint au bibliothécaire en chef à l’Université Western. Le fait que l’éducation soit incluse dans les motifs d’utilisation équitable rend les choses plus claires pour nous. […] Il faut tenir compte de l’augmentation vraiment rapide et complètement insoutenable du coût des licences d’Access Copyright pour les établissements. »

En 10 ans, le coût d’une licence d’Access Copyright est passé de 3 $ par étudiant ÉTP plus 0,10 $ par page pour les recueils de textes, à un coût proposé de 45 $ en 2010. Au cours des dernières années, les universités et les bibliothèques canadiennes ont pris de nouvelles dispositions les autorisant à utiliser des œuvres telles que des contrats avec des répertoires de journaux, avec des éditeurs individuels et avec des consortiums. Bon nombre considèrent donc que la valeur d’une licence générale d’Access Copyright a diminué et que les universités paient plus d’une fois pour le contenu couvert par la licence. « On peut obtenir le même contenu de nombreuses façons ou utiliser d’autre matériel à libre accès », explique Michael Geist, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique à l’Université d’Ottawa.

Le processus d’établissement des tarifs à la Commission des droits d’auteur s’est avéré long et compliqué, ce qui accroît la complexité de la question. Une décision rendue par la Cour suprême en novembre dernier dans une poursuite de la CBC contre SODRAC, un collectif de droits d’auteur de l’industrie de la musique, a soulevé de nouvelles questions sur la façon dont le prix courant sera fixé considérant le principe de neutralité technologique. « La Cour suprême a notamment dit que la Commission du droit d’auteur allait devoir revoir complètement la façon dont elle arrive au montant, ce qui signifie qu’en pratique, l’incertitude est immense », souligne Adriane Porcin, professeure adjointe à la faculté de droit de l’Université du Manitoba.

L’année prochaine, le débat sur le droit d’auteur reprendra lorsque le gouvernement fédéral entamera son examen obligatoire de la Loi sur le droit d’auteur. Le gouvernement n’a pas encore dévoilé quand les consultations débuteront et comment l’examen sera mené, mais toutes les parties qui prennent part au débat ont très hâte d’en connaître l’issue. « Je crois que c’est une bonne chose, indique Ysolde Gendreau, professeure à la faculté de droit de l’Université de Montréal. Si je lis l’acte législatif et si je prends en considération le jugement de la Cour suprême, je me rends compte que la Loi penche en faveur des utilisateurs. […] L’équilibre ne peut être rétabli article par article dans la Loi. »

Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada, une organisation qui défend 97 universités membres et éditrice d’Affaires universitaires, affirme qu’il voit d’un œil favorable l’examen quinquennal « parce que l’environnement change et qu’il s’agit d’un débat mondial. D’une certaine manière, les enjeux n’ont pas changé; ce qui a changé au fil des années, c’est qu’un ensemble de dispositions juridiques ont été élaborées. Les dispositions préservent le droit des utilisateurs d’utiliser du contenu protégé par des droits d’auteur à des fins d’éducation, de recherche et d’étude privée. C’est une longue histoire, mais la question du droit d’auteur est importante pour les étudiants et les professeurs et aussi pour les établissements. »

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