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Les écoles et les universités canadiennes ont fréquemment recours à des recruteurs à l’étranger

Les universités francophones du Québec et les établissements du groupe U15 semblent cependant faire exception à la règle, révèlent deux récents rapports.

par ROSANNA TAMBURRI | 10 SEP 14

Alors que la concurrence entre établissements s’intensifie pour attirer les étudiants étrangers, les universités canadiennes s’inspirent de leurs homologues australiens et britanniques en faisant de plus en plus appel à des recruteurs à l’étranger rémunérés.

Les conseils des écoles publiques, les écoles de langues, les collèges et les universités du Canada ont de plus en plus recours aux agents d’éducation, ou recruteurs, selon un rapport (PDF) préparé pour le Conseil des ministres de l’éducation, Canada (CMEC).

Robert Coffey, candidat au doctorat à l’Université d’État du Michigan et coauteur de ce rapport, explique que le recours à de tels agents peut être un moyen rentable et peu risqué pour les établissements de percer de nouveaux marchés. Particulièrement pour les établissements de petite taille, peu connus, ne disposant pas du personnel nécessaire pour recruter des étudiants dans de nombreux pays. « C’est un marché basé sur la réputation, affirme-t-il. Il s’agit donc d’une option certainement intéressante pour les établissements qui ne sont pas très bien connus en dehors du marché local. »

L’étude repose sur une enquête menée en 2013 auprès de 145 administrateurs d’établissements scolaires canadiens et représentants d’agences gouvernementales canadiennes. Environ 78 pour cent des participants du secteur de l’éducation ont déclaré que leur établissement faisait appel à des agents. La seule exception était au Québec, où les administrateurs ont rapporté un faible recours aux agents, préférant tirer parti des relations déjà établies avec les autres pays francophones. Parmi les 37 universités publiques ayant participé au sondage, 23 ont affirmé faire appel à des agents, 13 ne jamais l’avoir fait et une a refusé de répondre à la question.

La majorité des participants disent que la fréquence à laquelle ils font appel à des agents de recrutement est restée la même ou a augmenté au cours des cinq dernières années, et 90 pour cent des participants sont convaincus que les agents donnent des renseignements exacts aux clients potentiels. Les agents recrutent principalement en Chine, en Corée du Sud, au Japon, au Mexique, en Arabie saoudite, à Hong Kong et en Inde.

« Nous ne pouvons pas être partout en même temps, explique Brett MacLean, gestionnaire du recrutement international à l’Université du Cap Breton (UCB). Lorsque nous quittons un pays, nous voulons avoir un représentant sur le terrain pour qu’il distribue des documents et donne de l’information sur nos programmes. » L’UCB emploie environ 50 agents dans 30 pays. Certains sont plus sollicités que d’autres, mais M. MacLean affirme que son université publie le nombre total d’agents auxquels elle fait appel, par souci de transparence.

De plus, les agents connaissent les coutumes locales et les traditions de leur pays et peuvent traduire les documents et aider les étudiants tout au long du processus de demande. « Ils sont les organisateurs de confiance des étudiants et de leurs parents, soutient Gonzalo Peralta, directeur général de Langues Canada. Imaginez si votre enfant voulait aller étudier en Chine. Comment trouveriez-vous le bon établissement et comment prendriez-vous les dispositions nécessaires avec des gens qui se trouvent à des milliers de kilomètres? » Il ajoute que les parents d’étudiants dans certains pays, comme la Colombie ou l’Italie, veulent faire affaire directement avec un agent local plutôt qu’avec un représentant universitaire au Canada.

Le rapport démontre toutefois que cette pratique comporte aussi des risques. Comme les agents outre-mer sont loin de leur établissement partenaire au Canada, la surveillance s’avère parfois difficile. L’étude révèle que les agents pourraient privilégier leurs propres intérêts financiers avant les besoins des étudiants et des établissements, ou compromettre la réputation d’une école en donnant des renseignements inexacts. On a signalé des cas où des agents, de mèche avec des étudiants, falsifiaient des documents ou faisaient des rédactions et des déclarations à leur place.

M. Coffey relate que certains administrateurs lui ont mentionné travailler avec le même agent fiable depuis des années, et n’avoir aucun doute que leur établissement est représenté avec crédibilité et exactitude. Mais il a aussi entendu parler d’agents qui donnent l’impression d’être des « agents de voyage » et ne servent pas bien les étudiants. « C’est un environnement un peu sauvage », explique M. Coffey.

« Il existe toutes sortes d’agents », ajoute M. MacLean qui enquête sur chaque recruteur potentiel en lui demandant de fournir au moins deux répondants qui doivent répondre à un questionnaire sur l’expérience du recruteur. « J’ai reçu un de ces questionnaires ce matin d’une personne qui a produit un rapport accablant au sujet d’un recruteur », déclare-t-il. L’UCB communique régulièrement avec ses agents et les tient informés des changements apportés aux programmes et aux cours.

M. MacLean avoue quand même que le favoritisme fait partie du système. Comme les recruteurs représentent habituellement quelques universités seulement, ils ne donnent pas aux futurs étudiants un éventail complet des options offertes. De plus, les agents reçoivent généralement des commissions, ce qui signifie qu’ils seront probablement plus portés à recommander les écoles qui leur accordent de plus gros montants.

Selon le rapport du CMEC, la commission de l’agent représente habituellement un pourcentage des frais de scolarité de l’étudiant pour la première année. Les taux varient selon les établissements et le pays. Dans certains pays, comme la Chine, les agents imposent fréquemment des frais aux étudiants en plus. M. MacLean affirme que l’UCB dissuade ses agents de procéder ainsi.

Un récent rapport de l’Observatory on Borderless Higher Education (OBHE), comparant le recours aux agents dans sept pays, a révélé que le fait de faire appel à des agents entraîne un plus grand nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers, particulièrement pour le Canada.

Richard Garrett, directeur de l’OBHE pour l’Amérique du Nord, met toutefois en garde contre les dangers de comparer les « taux de conversion » (le nombre de candidats qui se renseignent sur un établissement par rapport au nombre de ces étudiants qui s’inscrivent), car les méthodologies utilisées et l’interprétation qui est faite des résultats divergent grandement d’un établissement à l’autre. Le rapport de l’OBHE précise aussi que l’échantillon de 37 établissements canadiens était dominé par des collèges et des universités ne faisant pas partie du groupe U15, composé d’établissements axés sur la recherche. Il souligne en outre qu’« il est étonnant de constater qu’aucun des établissements universitaires canadiens publics axés sur la recherche qui a participé au sondage n’a recours à un agent ».

Au Canada, aucune loi fédérale ne régit le recours aux recruteurs à l’étranger. Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada et le Consortium canadien de l’éducation internationale ont récemment lancé une formation en ligne gratuite à l’intention des agents qui porte sur le système d’éducation canadien. Ceux qui terminent le Cours sur le Canada pour les agents en éducation peuvent payer 350 $ afin de passer l’examen final, et ceux qui réussissent sont ajoutés au répertoire en ligne des diplômés du Cours sur le Canada. M. Peralta affirme que plus de 3 000 personnes se sont inscrites au cours et que 126 d’entre elles, de 41 pays, ont réussi l’examen depuis mai 2013. Il ajoute que certains établissements exigent maintenant que leurs agents passent l’examen à des fins de contrôle de la qualité.

L’Australie est l’un des premiers pays à avoir fait appel aux agents et à avoir instauré des processus réglementaires stricts pour prévenir les délits. En Grande-Bretagne, on a également couramment recours à des agents. Cette pratique demeure toutefois controversée aux États-Unis. L’année dernière, après un long débat, la National Association for College Admission Counselling a mis fin à son interdiction relative au recours aux agents à l’étranger et a accepté de permettre aux établissements d’adopter la pratique à condition de suivre certaines directives en matière de divulgation.

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