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Les étudiants luttent contre les dangers du perfectionnisme

Pour alléger la pression, au moins une université riposte par une campagne de sensibilisation

par VIVIEN FELLEGI | 07 JAN 15

Ceux qui la côtoient vous le diront, Alexandra Smithers a tout pour elle. Étudiante de troisième année en biochimie à l’Université Mount Allison qui se destine à une carrière de neurologue pédiatrique, elle obtient les meilleures notes, est bénévole auprès d’un enfant handicapé, coordonne des services bénévoles pour l’association étudiante et est capitaine de l’équipe d’Ultimate Frisbee. Sous cette allure de championne, Mme Smithers souffre de perfectionnisme, un trait de personnalité qui pousse une personne à être en tous points parfaite. « Je suis ma pire critique, je suis capable de me démolir », dit-elle. Son discours intérieur négatif lui cause de l’anxiété, pour laquelle elle est médicamentée.

Selon elle, l’université a empiré son état. « On nous dit d’en faire plus et toujours mieux. Mais on oublie notre santé mentale », lance-t-elle.

Gordon Flett, professeur de psychologie à l’Université York et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en personnalité et en santé, s’inquiète du fait que les universités sont un terrain propice au perfectionnisme. Il estime que deux étudiants sur cinq souffrent de ce trouble.

Dans un article publié récemment dans Review of General Psychology, il explique que les universités attirent les meilleurs élèves du secondaire et que ceux-ci ont du mal à répondre aux exigences accrues au niveau universitaire. Ils se fixent des objectifs incroyablement élevés et, lorsqu’ils ne les atteignent pas, pensent qu’ils sont stupides ou des ratés. Cette attitude sévère peut mener à la paralysie et à la procrastination, ce qui entraîne la remise des travaux en retard, la dépression et l’anxiété. M. Flett ajoute que puisque les perfectionnistes ont de la difficulté à admettre leurs défauts, ils ne chercheront pas à obtenir de l’aide et pourront même en venir au suicide.

L’automne dernier, Caroline Kovesi, étudiante de troisième année en sociologie à l’Université Mount Allison, a décidé de réagir à cette tendance inquiétante. « Le seul modèle d’excellence encouragé [à l’université] est celui de l’étudiant qui a les meilleures notes, qui s’engage dans toutes les activités et qui, en plus, sauve le monde », dit-elle. Les perfectionnistes intériorisent ces messages et imaginent que ces normes irréalistes sont suivies par les personnes qui les jugent. Avec l’aide de Thomas Williams, stagiaire itinérant en santé mentale à l’Université, Mme Kovesi a lancé une campagne de sensibilisation pour savoir ce que les professeurs pensent vraiment du perfectionnisme. Ensemble, ils ont demandé à des professeurs de chaque faculté ce qu’ils diraient à des étudiants aux prises avec ce trouble et ont affiché les réponses obtenues sur Facebook.

Jane Dryden, professeure agrégée et directrice du département de philosophie de l’Université Mount Allison, a participé à la campagne. Elle aussi est inquiète de la pression qui est mise sur les étudiants. « Le message que les étudiants comprennent, c’est : Vous devez être le prochain boursier Rhodes! », dit-elle.

Ironiquement, de nombreux professeurs souffrent aussi de perfectionnisme, comme l’a constaté M. Flett au cours de ses recherches. Il mentionne que les professeurs perfectionnistes ont peur d’être jugés et qu’ils peaufinent leurs articles indéfiniment plutôt que de les soumettre en vue d’une publication, ce qui diminue leur productivité en matière de recherche. « Les problèmes que l’on constate chez les étudiants sont évidents chez les professeurs », ajoute-t-il.

La campagne de sensibilisation sur le perfectionnisme de l’Université Mount Allison a porté ses fruits, nous assure la conseillère Catherine Fawcett. « C’était génial de lire que les professeurs conseillent aux étudiants de ne pas miser uniquement sur leurs notes! » Mais Mme Kovesi invite à la prudence : « Le perfectionnisme est un problème de santé mentale. Ce n’est pas une campagne qui va le régler. »

Toutefois, il y a beaucoup de choses que les universités peuvent faire pour aborder le problème, affirme M. Flett. « Je suis très heureux d’entendre parler de la campagne [de l’Université Mount Allison], puisque la prise de conscience est la première étape. » Il recommande aussi l’embauche de personnel formé pour aborder le perfectionnisme et des séances d’information sur ce trouble au début de chaque année scolaire, y compris des ateliers pour reconnaître les symptômes, apprendre à faire preuve de compassion envers soi-même et réaliser quand est venu le moment de demander de l’aide. Un forum en ligne permettrait de continuer la discussion. Des groupes de thérapie aideraient les perfectionnistes à trouver des solutions. « Je vois tellement de gens sensationnels et compétents s’effondrer parce qu’ils s’évaluent selon des critères impossibles à satisfaire, ajoute-t-il. Nous devons faire davantage de prévention. »

Mme Smithers approuve. Selon elle, les nouveaux étudiants qui souffrent de perfectionnisme seraient rassurés de se faire dire que demander de l’aide est normal. « Pour moi, parler est une des meilleures façons de m’en sortir. » Il serait donc positif pour les étudiants d’avoir plus de services d’écoute, comme des lignes téléphoniques, des groupes de thérapie et des conseillers. « Votre santé mentale est tout aussi importante que votre succès », conclut-elle.

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