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Les licences de livres électroniques compliquent les prêts entre bibliothèques

Les bibliothèques des universités de petite taille sont les plus touchées jusqu’à maintenant.

par ROSANNA TAMBURRI | 10 AVRIL 13

Bien que pratiques et polyvalents, les livres électroniques menacent de mettre fin à une longue tradition chère aux universités : les prêts entre bibliothèques. Aux prises avec le problème, certaines bibliothèques font l’essai de nouvelles façons de partager les monographies électroniques. « Avec les livres électroniques, nous pénétrons dans un univers totalement différent », explique Brent Roe, directeur général de l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC).

Lorsqu’une bibliothèque achète un ouvrage en version papier, l’exemplaire lui appartient et elle peut le prêter à sa guise. Au contraire, dans le cas des livres électroniques, les bibliothèques achètent une licence d’utilisation, et non le volume lui-même. Les contrats de licence prévoient habituellement la consultation simultanée par un nombre d’utilisateurs donné, ce qui permet aux bibliothèques de prêter les livres plus facilement aux étudiants et aux professeurs de l’université, tout en atténuant les problèmes d’espace dans les établissements. Cependant, les licences interdisent souvent le prêt entre bibliothèques. Les livres électroniques étant faciles à copier et à partager, les éditeurs craignent que des prêts illimités ne fassent rapidement chuter leurs ventes.

Les bibliothèques des établissements de petite taille, qui comptent beaucoup sur le service de prêts entre bibliothèques, ressentent fortement la pression. « Souvent, un établissement qui possède un livre électronique [au lieu d’un exemplaire papier] refuse de le prêter, affirme Jeff Chreighton, bibliothécaire en ressources électroniques au Collège des Forces canadiennes (CFC), à Toronto. On voit cette si-tuation de plus en plus fréquemment. »

Récemment, il a demandé le prêt d’un livre à six établissements de l’ensemble du Canada, en vain. Une université lui a répondu que son seul exemplaire papier était réservé pour un cours; les autres ne possédaient que des versions électroniques qu’elles ne voulaient pas prêter.

« Je suis convaincu que cela deviendra de plus en plus courant », ajoute M. Chreighton. Ne comptant que 200 étudiants à temps plein, le CFC possède une petite collection de livres mili-taires très spécialisés. Selon M. Chreighton, les recherches des étudiants portent toutefois sur des domaines beaucoup plus vastes et le CFC a toujours compté sur l’appui du service de prêts entre bibliothèques.

Même si une licence permet le prêt entre bi-bliothèques, les modalités techniques peuvent rendre le processus ardu. « Aucun mécanisme ne nous permet de fournir un livre électronique aux personnes de l’extérieur », explique Mary Lehane, directrice du service de partage des ressources des bibliothèques de l’Université York. Selon elle, l’Université serait obligée de donner des droits d’accès et un nom d’utilisateur aux emprunteurs externes pour qu’ils puissent consulter les ou-vrages électroniques. « C’est bien le problème : comment peut-on le faire de façon sécurisée? »

Le contexte évolue toutefois, même si les changements sont lents à venir. « Les gens mi-litent pour ce genre d’accès, dit Mme Lehane. Les choses vont finir par changer. » Des groupes comme la Rethinking Resource Sharing Initiative, aux États-Unis, font partie de ceux qui plaident pour le changement. Ultimement, souligne-t-elle, ce sont les grandes bibliothèques qui devront déployer le plus d’efforts, puisque les établissements de petite taille n’ont pas l’influence nécessaire.

Une solution possible : les consortiums de bibliothèques

L’adhésion à des consortiums nationaux et régionaux de bibliothèques pourrait permettre de contourner le problème. De plus en plus, ces consortiums obtiennent des licences de livres numériques pour leurs établissements membres. Les consortiums paient habituellement le prix de catalogue, plus un coefficient multiplicateur, ce qui permet aux utilisateurs de plusieurs établissements de consulter l’ouvrage. Les licences des consortiums ont amélioré l’accès aux livres électroniques, mais le nombre de licences disponibles est toujours limité et les livres en format numérique ne peuvent pas être prêtés aux non-membres.

Certains groupes de bibliothèques font l’essai de nouveaux types d’ententes de prêt à court terme. Novanet, un consortium de bibliothèques universitaires de la Nouvelle-Écosse, a signé une entente en novembre avec EBL, un fournisseur de livres universitaires électroniques. Selon les modalités du projet pilote, pour chaque prêt à court terme (habituellement sept jours), Novanet paie à l’éditeur une fraction du prix de catalogue d’un livre électronique. Si Novanet effectue plus de cinq prêts à court terme pour le même livre, il doit acheter une licence au prix courant.

« Le modèle fonctionne bien pour nous, affirme Bill Slauenwhite, directeur de Novanet. Nous en obtenons davantage pour notre argent. » Les bibliothèques membres de Novanet ont payé conjointement 100 000 $ pour l’accès à environ 16 000 titres électroniques de 28 éditeurs. Au début de mars, Novanet avait dépensé environ 20 000 $. Le consortium a prêté « des milliers et des milliers de livres » et a dû acheter des licences pour seulement cinq d’entre eux, affirme M. Slauenwhite. L’objectif est d’acheter le moins de licences possible.

Il précise toutefois que ce modèle ne peut pas convenir à tout le monde. Novanet est depuis le début un consortium étroitement intégré dont les membres partagent l’ensemble de leur collection papier. « Les livres électroniques nous ont causé de gros problèmes », ajoute M. Slauenwhite, parce qu’ils ne pouvaient être partagés entre les membres. Novanet n’était pas prêt à payer le coefficient multiplicateur habituel des licences de consortium, puisque ses membres n’achètent le plus souvent qu’un seul exemplaire de chaque ouvrage.

En revanche, souligne-t-il, les éditeurs et les fournisseurs ne voudront probablement pas signer le même type d’entente de prêt avec les grands consortiums, dont les membres achètent habituellement les livres en plusieurs exemplaires. En outre, l’entente entre Novanet et EBL ne permet pas le prêt aux établissements ne faisant pas partie du consortium. Elle ne vise pas non plus les ouvrages publiés par les très grandes presses universitaires. « Ce n’est qu’une première étape, mais nous espérons voir le principe vali-dé », conclut M. Slauenwhite.

Le modèle de Novanet, souvent désigné par le terme « acquisitions pilotées par les usagers » (patron-driven acquisition), s’avère important à un autre égard. En effet, plutôt que de confier aux bibliothécaires la sélection des livres à acquérir, comme le veut la norme actuelle, les bibliothèques donnent accès au catalogue entier des éditeurs à leurs usagers. Ce sont donc ces der-niers qui choisissent les ouvrages et qui, en fin de compte, déterminent les licences et les livres que la bibliothèque acquerra.

« Je soupçonne que les “acquisitions pilotées par les usagers” prendront une importance accrue dans les bibliothèques universitaires avec le temps » et qu’à terme, ce modèle remplacera peut-être les prêts entre bibliothèques, estime M. Roe, de l’ABRC.

Ce modèle relativement récent pourrait également présenter un dernier avantage. « C’est un secret inavoué, mais les bibliothèques contiennent énormément de livres très rarement utilisés », estime-t-il, ajoutant que le modèle d’accès à la carte permet de contourner le problème. Il faut cependant que les bibliothèques surveillent étroitement les dépenses liées à l’achat de licences afin de respecter leurs budgets.

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