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Les universités canadiennes se heurtent à la cyberintimidation, selon une étude

Les universités doivent lutter contre la cyberintimidation en renforçant leurs politiques et en améliorant leurs activités de sensibilisation, affirment des chercheuses canadiennes.

par NATALIE SAMSON | 09 AVRIL 14

Trois chercheuses de l’Université Simon Fraser signalent que le problème de cyberintimidation va croissant dans les universités canadiennes, qui devront sérieusement s’y attaquer en adoptant des politiques claires.
Wanda Cassidy, professeure agrégée d’éducation et directrice du Centre for Education, Law and Society (CELS) de l’Université Simon Fraser, Margaret Jackson, professeure émérite de criminologie, et Chantal Faucher, boursière postdoctorale au CELS, sont parmi les rares cher-cheurs au monde à se pencher sur la cyberintimidation dans les universités. Depuis 2012, elles étudient la cyberintimidation dans quatre universités canadiennes dans le cadre d’un projet financé par le Conseil de recherches en sciences humaines. Elles ont sondé plus de 2 000 étudiants et enseignants et mené des groupes de discussions et des entrevues avec 30 autres afin d’entendre leurs expériences de cyberintimidation.

Elles ont découvert qu’environ un étudiant sondé sur cinq avait subi de la cyberintimidation. De 11 à 17 pour cent des participants auraient été intimidés par une connaissance de l’université. (Les résultats de trois des quatre établissements sont déjà connus.) Certains étudiants ont dit avoir été intimidés par message texte ou par courriel, mais la plupart l’ont été sur Facebook. Ils ont raconté avoir découvert des photos mo-difiées d’eux-mêmes sur les médias sociaux, subi des moqueries en raison d’échecs scolaires ou d’une maladie mentale et reçu des messages texte offensants de la part d’anciens partenaires.

Pour ce qui est des enseignants, de 72 à 79 pour cent d’entre eux ont dit être extrêmement ou assez préoccupés par la cyberintimidation à leur égard. Certains ont été intimidés par des étudiants (Mme Cassidy a elle-même été harcelée par courriel par un étudiant d’un cours à distance); ils ont toutefois été plus nombreux à avoir été intimidés par des collègues.

Une professeure a raconté à Mme Cassidy qu’un collègue masculin la « mitraillait » de courriels « abominables » critiquant son travail et la qualifiant d’incompétente. Après avoir nié être l’auteur de ces messages, ce collègue lui a dit qu’elle les méritait.

« Le plus problématique, c’est que rien n’a été fait lorsqu’elle a fait appel à ses supérieurs, explique Mme Cassidy. On lui a dit que les politiques de l’établissement ne pouvaient rien contre lui puisqu’il avait sa permanence. Cette situation s’est résolue d’elle-même deux années plus tard, lorsque l’homme a quitté le département. Mme Cassidy affirme posséder des centaines de pages de transcriptions d’entrevues décrivant des situations semblables.

Dans le cadre du projet, Mme Jackson a examiné de près les politiques de 74 universités canadiennes. Aucune politique ne mentionne le terme « cyberintimidation », mais 465 politiques (codes de conduite des étudiants, politiques d’utilisation acceptable des ordinateurs, politiques sur le harcèlement sexuel et la discrimination, etc.) permettraient de se pencher sur ce problème. Pour s’attaquer aux mauvais comportements en ligne, la priorité est d’aborder concrètement la cyberintimidation dans les politiques actuelles, dit-elle, et de faire passer le message.

« Dans un groupe de discussion, un étudiant a dit savoir qu’il y avait de bonnes politiques et ressources en place, mais ignorer si elles tenaient compte de la cyberintimidation », se rappelle Mme Jackson. Et s’il existe une politique, mais que les gens en ignorent l’existence, « c’est comme s’il n’y en avait pas », ajoute Mme Faucher.

Les chercheuses recommandent aussi l’adoption de politiques préventives qui définissent les paramètres d’un campus civilisé et responsable. « Politiques, tolérance zéro ou expulsions ne sont pas toujours efficaces; il faut donc recourir à d’autres solutions », explique Mme Cassidy, qui précise que tous les intervenants doivent s’efforcer de modifier les comportements.

Les enseignants comme les étudiants ont déclaré avoir ressenti les conséquences de la cyberintimidation sur leur travail, sur leur santé mentale et physique et sur leur sentiment de sécurité. Plus de la moitié des enseignants ayant été intimidés en ligne ont voulu quitter leur emploi, et 20 pour cent des enseignants de deux universités ont dit avoir eu des idées suicidaires dans la foulée de ces gestes.

Les chercheuses ont constaté que l’intimidation touche les femmes de façon disproportionnée : les femmes représentaient 74 pour cent des étudiants et 70 pour cent des enseignants intimidés.

« Il n’y a rien à dédramatiser quand il s’agit de cyberintimidation, insiste Mme Cassidy. La cyberintimidation accapare vos pensées, nuit à votre sommeil et vous rend malheureux au travail. »

À l’Université Simon Fraser, des recherches et des consultations orientent maintenant l’élaboration des politiques et des programmes sur la cyberintimidation. Selon le chef de la sécurité de l’établissement, Terry Waterhouse, les comportements en ligne deviennent une priorité avec la migration de l’enseignement et des communications de l’Université sur le Web.

Pour mieux comprendre ce qui se passe dans les cybercommunautés de l’Université et savoir les rendre sécuritaires, M. Waterhouse a demandé à Mmes Cassidy, Jackson et Faucher de présenter les résultats de leurs travaux lors d’un symposium public. Plus de 115 membres du personnel, professeurs, administrateurs et étudiants d’établissements postsecondaires de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de l’État de Washington se sont donc rassemblés à Vancouver en mars dernier pour parler de cyberintimidation.

Le symposium a confirmé que les étudiants et les professeurs sont conscients du problème de la cyberintimidation à l’université, mais qu’on « ne les en informe pas », a précisé M. Waterhouse. Un étudiant s’est notamment demandé pourquoi on ne parlait pas de cyberintimidation et de harcèlement de la même façon qu’on insiste expressément sur la politique de l’université contre le plagiat dans les plans de cours au début des trimestres.

« Nous tentons d’intégrer ce [symposium] à notre processus de développement, de façon à ne pas créer de politique sans se soucier des répercussions », explique M. Waterhouse. Une solution efficace, dit-il, lierait sensibilisation et politiques claires. Les recherches soutiennent cette démarche.

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