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Les universités s’unissent pour le soutien public des arts libéraux

Selon les experts, il faut de bons articles, des défenseurs et de l’expérimentation pour contrer la mauvaise presse.

par NATALIE SAMSON | 05 AVRIL 16
Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada, s’adresse aux participants à l’atelier sur la valeurs des arts libéraux qui s’est tenu récemment à Montréal.
Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada, s’adresse aux participants à l’atelier sur la valeurs des arts libéraux qui s’est tenu récemment à Montréal. Photo: Leslie Schachter.

Devant ses pairs, Christopher Manfredi, provost et vice-recteur aux études à l’Université McGill, a déclaré : « Les sciences humaines ont permis de trouver un remède au cancer ». Cette affirmation avait pour but de démontrer aux 50 recteurs, vice-recteurs et doyens réunis à l’atelier de deux jours organisé par Universités Canada en mars dernier à Montréal, comment les administrateurs pouvaient présenter la valeur durable des arts libéraux à une population canadienne confrontée à une évolution rapide dans les sphères écono-mique, numérique, environnementale et sociale.

Dans son mot de bienvenue, le président-directeur général d’Universités Canada, Paul Davidson, a parlé des « attaques constantes et erronées des médias populaires à l’égard de la va-leur d’un diplôme en arts libéraux ». M. Manfredi, politicologue et ancien doyen de la Faculté des arts de l’Université McGill, a repris ce propos dans sa discussion d’expert. Il a suggéré que les rapports sur la baisse des inscriptions en sciences humaines et les perspectives d’emploi, présentées comme nulles pour les diplômés dans ces domaines, ont créé une fausse crise. Au lieu de tenter d’éteindre le feu, les administrateurs et professeurs des universités devraient se concentrer à concocter de « bons articles » pour les journaux.

D’où le commentaire sur le remède contre le cancer : en moins d’une génération, ce ne sont pas les données croissantes reliant le tabagisme au cancer qui ont changé l’opinion publique sur ce sujet, dit M. Manfredi. Pour réduire le tabagisme et les maladies qui y sont associées, il a fallu communiquer efficacement ces résultats de recherche au public, renforcer la réglementation dans l’industrie et instaurer un nouveau système de taxation des cigarettes, soit mettre en place une stratégie de santé publique de grande envergure afin de sauver des vies « grâce aux disciplines des sciences sociales », explique-t-il.

Ross Finnie, professeur adjoint en affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa, était sur place pour brosser un portrait différent des sciences humaines : celui voulant que, contrairement à la pensée populaire, elles mènent à l’emploi et à des revenus élevés. L’année dernière, M. Finnie et ses collègues de l’Initiative de recherche sur les politiques de l’éducation (IRPE) ont publié une étude sur les déclarations de revenus des diplômés de l’Université d’Ottawa de 1999 à 2011. Ils ont découvert qu’en quelques années seulement, les salaires des diplômés en sciences sociales étaient passés de 40 000 $ à 80 000 $, tandis que ceux des diplômés en sciences humaines étaient passés de 40 000 $ à 70 000 $. « Il est prématuré de juger de la valeur d’un diplôme, un investissement à vie, juste après son obtention. La valeur réelle d’une formation se mesure à long terme, comme l’indiquent les données », soutient M. Finnie.

L’IRPE a élargi la portée de son étude pour inclure sept universités et sept collèges com-munautaires canadiens. Elle devrait publier de nouveaux résultats ce printemps. « D’après les premières indications, les résultats obtenus auprès de l’Université d’Ottawa ne seraient pas exceptionnels en ce qui concerne les bons revenus des diplômés en sciences humaines », indique M. Finnie.

De nombreux participants à l’atelier ont insisté sur le besoin de trouver et d’encourager des « défenseurs » des arts libéraux, des personnes qui prôneraient les avantages d’une éducation dans ces disciplines. Plusieurs ont mentionné le besoin de sensibiliser les étudiants à ce rôle. À l’Université de Windsor, un concours de rédaction de « manifeste » permettant de gagner un semestre d’études gratuit invite les étudiants au premier cycle à présenter des raisons pour lesquelles les sciences humaines sont importantes. Le recteur de l’Université de Windsor, Alan Wildeman, soutient que le concours génère des arguments pertinents et facilement compréhensibles.

Les professeurs comme M. Finnie sont aussi des défenseurs naturels. David Docherty, recteur de l’Université Mount Royal à Calgary, a noté que, malgré une tendance chez les Albertains à proclamer les sciences, la technologie, le génie et les mathématiques comme les disciplines d’avenir de la province, ceux-ci étaient nombreux à reconnaître l’importance de l’expert politique ou du critique de cinéma au téléjournal. « Je ne suis pas convaincu que nous ayons besoin d’un plus grand nombre d’articles dans les revues prestigieuses, mais nous avons besoin d’un plus grand nombre d’articles d’opinion dans le Calgary Herald, affirme-t-il. Nous sous-estimons la capacité d’influence des intellectuels. »

Les bons articles n’écartent toutefois pas le fait que dans plusieurs établissements, les programmes de sciences humaines, comme la littérature comparative, les études féministes ou les langues classiques, ont été supprimés, réduits ou mis à l’examen en raison d’un manque d’intérêt de la part des étudiants. Selon Robert Campbell, recteur de l’Université Mount Allison à Sackville (N.-B.), la baisse des inscriptions et les suppressions de cours indiquent qu’il est temps de se renouveler. « C’est à nous de concevoir des programmes attrayants qui se démarquent. Si un programme n’intéresse pas les étudiants, nous devons nous demander pourquoi. Visiblement, nous ne communiquons pas très bien la valeur de ce programme, ou le programme tel qu’il est consti-tué n’offre pas ce que nous pensons qu’il offre. »

Plusieurs participants ont soutenu l’idée d’expérimenter afin de rendre les programmes plus attrayants pour les étudiants du nouveau millénaire et de mettre en évidence les compétences transférables des diplômés pour les employeurs. La conférencière Kathy Wolfe, vice-présidente de l’Office of Integrative Liberal Learning and the Global Commons de l’Association of American Colleges & Universities, a exposé la valeur des projets « phare » (semblables aux projets de fin d’études ou aux thèses de spécialisation). Plus tard dans la journée, Kevin Kee, doyen de la Faculté des arts de l’Université d’Ottawa, a présenté les sciences humaines numériques comme une nouvelle ère de recherche de pointe dans le domaine des arts libéraux.

MM. Manfredi et Campbell, pour leurs parts, ont vanté les programmes coopératifs, les stages, les emplois d’été et les programmes d’études à l’étranger comme des initiatives qui font le pont entre les études et le milieu du travail. « À notre époque, on allait à l’Université Mount Allison ou au Collège Victoria [maintenant l’Université Victoria affiliée à l’Université de Toronto], on étudiait les arts libéraux, et les représentants des gouvernements et du secteur privé nous attendaient tous en file à la sortie pour nous em-bau-cher, explique M. Campbell. Les grandes entreprises, les gouvernements et les entrepreneurs connaissaient la valeur de nos diplômes parce qu’ils avaient les mêmes. Nous avions tous la même éducation. Ce n’est plus le cas, dit-il. C’est pourquoi il faut maintenant compléter la for-mation en offrant l’éducation par l’expérience. »

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