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Quand universités, étudiants et entreprises s’unissent pour faire reculer le gouvernement

Le milieu universitaire a rarement reçu autant d’appuis pour dénoncer une politique québécoise que dans cette crise qui frappe l’éducation postsecondaire.

par ANDRÉANNE APABLAZA | 14 NOV 19

La crise qui frappe actuellement le milieu de l’éducation postsecondaire a mis en lumière un rare consensus au sein de plusieurs secteurs qui, habituellement, ne s’entendent pas sur la majorité des enjeux publics. L’annonce de la réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) par le gouvernement Legault a déclenché une mobilisation sans précédent des universités, des collèges, des étudiants, des syndicats, du milieu des affaires et ce autant dans les grands centres urbains que dans les régions.

Au cours des dernières semaines, le gouvernement du Québec a annoncé le resserrement des règles entourant le PEQ, après l’avoir suspendu temporairement cet été. Ce programme permet aux étudiants étrangers qui obtiennent leur diplôme d’une université québécoise de bénéficier d’un accès rapide au certificat de sélection du Québec, qui peut mener à la résidence permanente. Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec, Simon Jolin-Barrette, avait l’intention de restreindre l’accès des étudiants étrangers au PEQ seulement aux domaines de formation jugés prioritaires par le gouvernement, soit ceux touchés par une pénurie de main-d’œuvre. Or, quelques jours après son annonce, cette décision a été renversée.

Qu’est-ce qui a poussé le gouvernement Legault à faire marche arrière? Des voix, de nombreuses voix, toutes concordantes.

« Quand vous avez les chambres de commerce, les universités, les collèges, les gens en région, des étudiants et des syndicats, quand tout ce monde-là dit la même chose, ça devient difficile de prétendre qu’on est tout seul à avoir raison », laisse tomber Guy Breton, recteur de l’Université de Montréal, qui compte présentement 6 137 étudiants internationaux.

Manque de consultation

« C’est très rare. Je n’ai pas souvenir d’un sujet qui a suscité autant d’unanimité et je pense que ça témoigne d’un manque de consultation au préalable », en déduit M. Breton.

Québec a accepté de mettre en veilleuse son projet de réforme et de réinstaurer les anciennes règles du programme afin de consulter le milieu universitaire et des affaires. Si le gouvernement avait été de l’avant avec sa réforme, seulement 10 pour cent des étudiants internationaux de l’Université de Montréal aurait pu se prévaloir du programme, car ils étudient dans un des 218 domaines de formation ciblés par Québec. Sans réforme, ce sont tous les étudiants répondant aux critères qui y ont accès.


Lire aussi: Une voie se ferme pour les étudiants étrangers au Québec


Le président du Bureau de la coopération interuniversitaire (BCI) et recteur de l’Université de Sherbrooke, Pierre Cossette, abonde dans le même sens. « Ça fait longtemps qu’on n’a pas senti ça, un appui populaire aussi large derrière les universités. Ça pour moi, c’est la bonne nouvelle », souligne-t-il.

M. Cossette estime que, malgré certains désaccords occasionnels, la collaboration est toujours fluide entre son université et le ministère de l’Économie et de l’Innovation ainsi que celui de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Cependant, le recteur n’observe pas le même type de relation avec tous les ministères.

« Il y a aussi une collaboration qui est en train de se développer avec le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, mais pour ce qui est du ministère de l’Immigration, de la Francisation et l’Intégration, je pense que c’est une collaboration à construire. »

Un PEQ bonifié?

Le recteur Breton espère que le gouvernement Legault entamera les consultations le plus rapidement possible. Il compte défendre le programme créé en 2010 qu’il estime efficace.  « Ce qui n’empêche pas que le gouvernement a le pouvoir, voire le devoir, d’identifier des domaines où il y a des problèmes de main-d’œuvre de façon aiguë et de les favoriser, mais de les favoriser de façon positive, avec du recrutement et des bourses d’attraction. Il y a divers mécanismes », explique-t-il.

M. Breton souhaite que le gouvernement conserve la forme actuelle du PEQ et mette en œuvre un PEQ bonifié pour des domaines ciblés par le gouvernement. « Je suis prêt à aider [le gouvernement], on va faire des tournées pour aller recruter des gens dans les domaines qui sont identifiés comme étant en pénurie de main-d’œuvre. Pensons positif, ne pensons pas ségrégation négative. »

Selon Pierre Boisseau, directeur principal des communications institutionnelles de l’Université McGill, les discussions avec le milieu universitaire sont essentielles avant de mettre sur pied une réforme de la sorte. « [Un PEQ bonifié] peut être une très bonne avenue comme il peut y en avoir d’autres aussi. Difficile de prédire ou de spéculer avant qu’on ait pu démarrer ce processus de consultation avec le gouvernement », conclut-il.

De son côté, M. Cossette, laisse entendre que le Québec va à l’encontre de la tendance internationale autour des règles d’immigration pour étudiants internationaux. « Globalement, au niveau international, les différentes institutions vont plutôt vers l’assouplissement des règles d’immigration que vers le durcissement », explique-t-il.

En effet, un récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) démontre que, depuis longtemps, les États membres tendent à mettre en œuvre des initiatives afin de favoriser la mobilité étudiante internationale ainsi que la recherche d’emploi après l’obtention d’un diplôme.

L’échéancier des consultations entre Québec et les universités n’est pas connu pour l’instant. Il est toutefois clair que les universités ne manqueront pas de se faire entendre.

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  1. Pierre Jasmin / 17 novembre 2019 à 23:17

    Merci, Me Apablaza, pour cet article dont la sobriété aide à la clarté du propos, surtout celle bien étayée du président du Bureau de la coopération interuniversitaire (BCI) et recteur de l’Université de Sherbrooke, Pierre Cossette. Il aurait été de votre part contreproductif de caricaturer la position du gouvernement du Québec. Heureusement, le ministre Jolin-Barrette semble avoir compris la leçon que son idéologie nationaliste peut occasionner de sérieux heurts avec de fructueuses politiques d’immigration, lorsqu’appliquée précipitamment à des personnes désireuses de parfaire leur diplomation universitaire: pour les nouveaux venus au Canada ou ailleurs, l’éducation est et sera toujours un atout pour leur intégration harmonieuse, peu importe le domaine d’études, qu’il semble prioritaire économiquement ou pas.

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