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Réduire la stigmatisation liée aux problèmes de santé mentale

Selon Heather Stuart, titulaire de la nouvelle chaire de recherche à l’Université Queen’s, la stigmatisation rendrait inutiles des bonnes initiatives prises dans le domaine de la santé mentale.

par JENEFER CURTIS | 02 AVRIL 12

Lorsqu’on demande à Heather Stuart comment sa carrière d’experte de la stigmatisation des personnes souffrant de problèmes de santé mentale a commencé, c’est sur un ton léger qu’elle explique qu’elle a grandi près d’un hôpital psychiatrique, le Homewood Sanitarium de Guelph, en Ontario, où sa mère travaillait dans l’administration.

« Je rencontrais des patients tous les jours lorsque je rendais visite à ma mère, se rappelle t-elle. Je les trouvais gentils. … Je n’ai jamais pensé à l’immense fossé qui nous séparait d’un point de vue social. »

Aujourd’hui, l’innocence a laissé place à la volonté de comprendre et d’éliminer la stigmatisation liée à la maladie mentale, un problème qui coûte annuellement quelque 51 milliards de dollars aux Canadiens. En février, la professeure en santé communautaire et épidémiologie à l’Université Queen’s a été nommée titulaire de la nouvelle Chaire de recherche Bell sur la santé mentale et la lutte contre la stigmatisation, grâce à laquelle Bell Canada lui a accordé un financement de un million de dollars sur cinq ans.

La stigmatisation est couramment définie comme un processus cognitivo émotionnel qui entraîne le recours aux stéréotypes, sentiments préjudiciables et comportements discriminatoires à l’endroit des personnes différentes. Dans le cas de maladie mentale, la stigmatisation peut invalider toute initiative positive adoptée dans le domaine, déclare Mme Stuart.

« Vous pouvez offrir des conseils professionnels, des programmes et d’autres services pour aider les gens souffrant de troubles mentaux, mais vos efforts seront vains si les gens n’y ont pas recours par crainte d’être étiquetés ou ostracisés. »

Mme Stuart a dirigé la méthode de recherche du programme Changer les mentalités de la Commission de la santé mentale du Canada – une initiative décennale contre la stigmatisation et la discrimination, adoptée pour changer les attitudes des Canadiens à l’endroit des personnes atteintes de maladie mentale.

Selon Michael Pietrus, directeur du programme Changer les mentalités, Mme Stuart a convaincu son équipe de faire plus qu’une campagne contre la stigmatisation en effectuant une recherche ciblée. Actuellement, il existe peu de pratiques exemplaires en matière de réduction de la stigmatisation des maladies mentales.

À la recommandation de Mme Stuart, l’équipe de recherche a émis une demande de propositions à l’échelle pancanadienne et a reçu 250 réponses décrivant des projets en cours. L’équipe a donc limité son intérêt à quatre contextes où la stigmatisation est très présente :

  • chez les jeunes : 70 pour cent des adultes stigmatisés disent que la stigmatisation a commencé avant l’âge de 18 ans;
  • chez les prestataires de soins de santé : étonnamment, ils sont nombreux à discriminer les personnes souffrant de troubles mentaux;
  • en milieu de travail : beaucoup d’employés décident de ne pas se soigner plutôt que de risquer d’être étiquetés comme improductifs ou non fiables;
  • dans les médias : les médias tendent à perpétuer le stéréotype de violence associé aux personnes atteintes de troubles mentaux.

M. Pietrus indique que les résultats de ces projets de recherche « permettront à l’équipe, avec l’aide de Mme Stuart, de mesurer la stigmatisation et sa réduction potentielle ».

Mme Stuart utilise sa formation en épidémiologie pour quantifier le problème et, ainsi, le rendre « attrayant pour les responsables de l’élaboration des politiques, qui veulent en connaître la portée chiffrée ».

Dans le cadre de son travail pour le programme Changer les mentalités, Mme Stuart tire profit d’un projet personnel : celui de créer des inventaires des expériences de stigmatisation, soit des échelles d’incidences de la stigmatisation. Pour ce faire, elle utilise des données recueillies lors d’essais complexes sur le terrain visant à mesurer la fréquence et l’intensité des expériences vécues par les personnes atteintes de troubles mentaux. Par exemple, elle a conçu un module d’évaluation de la stigmatisation en complément à une enquête sur la santé de Statistique Canada. « Comprendre la fréquence et la portée de la stigmatisation vécue sera essentiel pour mettre sur pied les programmes de lutte là où ils seront les plus utiles », explique-t-elle.

La nomination de Mme Stuart coïncide avec un intérêt renouvelé pour la santé mentale à l’Université Queen’s et dans le milieu universitaire en général. En septembre 2011, l’Université Queen’s a mis sur pied la Commission du principal sur la santé mentale, qui devrait soumettre un rapport en mai. En février dernier, lors d’un atelier sur la santé mentale pour les hauts dirigeants universitaires organisé par l’Association des universités et collèges du Canada, un groupe de travail constitué de recteurs a été formé pour concevoir une feuille de route afin d’aider les universités à réagir efficacement.

David Walker, professeur à l’école des sciences de la santé de l’Université Queen’s et président de la commission du principal, dit que la stigmatisation « pourrait constituer l’un des plus grands obstacles au progrès en matière de santé mentale », parce que pour l’éliminer, il faut changer des attitudes enracinées. Il a cité les comités de sélection des écoles de droit et de médecine comme des exemples de stigmatisation dans le milieu universitaire.

« Le comité a d’excellentes intentions, souligne-t-il, mais lorsque les membres comparent l’étudiant qui a fait partie de l’équipe de football et de l’équipe de débats et qui a une moyenne pondérée cumulative de 3,7 avec l’étudiant qui a de bonnes notes, mais qui n’a pas terminé ses cours parce qu’il a dû recevoir un traitement, ils réagissent par la stigmatisation. »

Dans le même ordre d’idées, Mme Stuart explique que les étudiants évitent d’utiliser les services offerts, comme le counseling, en raison des stigmates associés aux problèmes de santé mentale. Les universités doivent faire savoir à leurs étudiants que l’utilisation des services ne nuira pas à leur carrière universitaire, ajoute-t-elle.

Mme Stuart mène plusieurs projets pilotes sur le campus pour expérimenter la démarche axé sur le contact, qui consiste à essayer d’instaurer un environnement positif lorsque les gens entrent en contact avec une personne souffrant de maladie mentale dans le contexte du travail ou des études. De nombreuses personnes sont méfiantes, dit-elle.

Des barrières sociales empêchent ces personnes « qui sont souvent très intelligentes, de terminer leurs études, de décrocher un emploi, de vivre de façon autonome et d’être heureuses. Il ne se passe pas une semaine sans qu’une personne atteinte de maladie mentale ne me dise qu’elle préférerait avoir le cancer, car c’est plus acceptable socialement. Ça me brise le cœur. »

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