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L’enseignement, sans la recherche

De nouveaux postes controversés

par MOIRA FARR | 03 NOV 08

Gilbert Arbez adore son travail. Comme associé à l’enseignement au département d’ingénierie et de technologie de l’information de l’Université d’Ottawa, M. Arbez a, au cours des cinq dernières années, enseigné au premier cycle en informatique, en génie logiciel et en génie informatique. « J’ai travaillé longtemps dans un labo avec des machines, raconte-t-il. J’aime le fait de pouvoir toucher la vie des étudiants. »

Bien que son poste soit temporaire (il vient d’accepter une nouvelle affectation de trois ans), M. Arbez est heureux de l’occuper. En plus de lui permettre de relever le défi de l’enseignement, il lui procure un salaire plus élevé, de meilleurs avantages sociaux et plus de sécurité d’emploi que des charges de cours. De plus, comme le poste prévoit des activités de recherche, il peut ainsi rester à jour dans son domaine.

Selon M. Arbez, les associés à l’enseignement jouent un rôle appréciable à l’université, car ils permettent aux professeurs occupant des postes menant à la permanence de se consacrer à la recherche et aux tâches d’administration. Il affirme également se sentir « très bien accepté et apprécié par les professeurs ».

Il y a sept ans, l’Université d’Ottawa a instauré les postes d’associé à l’enseignement, de professeur remplaçant à durée limitée et de chargé de cours à durée limitée en sciences pour répondre aux besoins croissants de la clientèle au premier cycle. La demande est particulièrement criante dans cette université qui offre de nombreux cours dans les deux langues officielles.

« C’est essentiellement pour mieux répondre aux besoins des étudiants que nous avons apporté ces changements », affirme Robert Major, vice-recteur aux études. Les chargés de cours ne comblent pas les mêmes besoins, explique-t-il, citant le cas typique d’un avocat qui donne un cours de droit chaque année.

Si les chargés de cours à temps partiel représentent une part considérable du personnel enseignant des universités canadiennes – jusqu’à 40 pour cent, selon l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) –, ils sont loin d’offrir 40 pour cent des cours.

L’ACPPU compile actuellement des données de recherche sur le nombre et la nature de ces postes dans les universités canadiennes. Selon Vicki Smallman, porte-parole de l’ACPPU, la question est soulevée de plus en plus souvent lors des négociations des conventions collectives, alors que les universités sont aux prises avec des contraintes budgétaires et un nombre accru d’étudiants au pre-mier cycle.

Les universités se retrouvent devant un dilemme : comment favoriser la recherche qui amènera prestige (et financement) à l’établissement et, concurremment, offrir un enseignement de grande qualité aux étudiants au premier cycle, dont les frais de scolarité grimpent chaque année? Comment attirer à long terme d’excellents enseignants si on ne peut leur offrir que des charges de cours?

Mme Smallman croit que les professeurs des universités canadiennes sont conscients de ces réalités, mais que la majorité est hostile aux postes consacrés exclusivement à l’enseignement, qu’ils considèrent comme un précédent dangereux qui, au final, dévalorise le rôle traditionnel du professeur.

D’autres appuient la création de postes consacrés exclusivement à l’enseignement à temps plein. Tim Lethbridge, professeur titulaire et collègue de Gilbert Arbez à l’Université d’Ottawa, déplore le peu de valeur accordée à l’enseignement dans le milieu universitaire. « Les exigences sont tellement plus élevées pour l’enseignement que pour la recherche! Afin de recevoir une promotion pour l’excellence de son enseignement, il faut être internationalement reconnu », explique-t-il.

Pour Richard Sigurdson, doyen de la faculté des arts de l’Université du Manitoba, l’enseignement de qualité offert aux étudiants au premier cycle et la sécurité d’emploi offerte à des collègues qui, autrement, seraient soumis à des contrats annuels constituent les meilleurs arguments pour défendre les postes d’associés à l’enseignement. Par ailleurs, il n’aime pas le terme « associé à l’enseignement » et fait remarquer que ceux de l’Université du Manitoba font également de la recherche pédagogique, participent à des conférences, prennent des sabbatiques et, dans certains cas, remplissent des rôles de soutien dans leur département.

Selon lui, ces postes conviennent à merveille à certains excellents enseignants qui ne sont pas particulièrement intéressés par la recherche. « Et nous répondons aux besoins des étudiants en donnant des responsabilités différentes à des personnes qui présentent des forces différentes. »

Toutefois, il reconnaît que, pour des universitaires munis d’un doctorat et désireux de poursuivre une carrière universitaire axée sur la recherche, ces postes ne sont pas idéaux, car ils ne mènent pas à la permanence.

M. Sigurdson ne croit pas que les universités canadiennes passent un jour massivement à une plus grande proportion de postes d’associés à l’enseignement, comme ce fut le cas au Royaume-Uni et aux États-Unis. À l’Université du Manitoba, les associés à l’enseignement à temps plein représentent tout juste cinq pour cent des postes d’enseignement.

Avec les budgets constamment serrés des universités, il demeure que de nombreux départements comptent sur des enseignants contractuels sans sécurité d’emploi, qui reçoivent un salaire peu élevé et peu d’avantages sociaux. Compte tenu de cette réalité, la création d’un petit nombre de postes consacrés exclusivement à l’enseignement n’est-elle pas un compromis justifié? Selon M. Sigurdson, « il s’agit, d’un point de vue éthique, de la voie à suivre pour les universités ».

Rédigé par
Moira Farr
Moira Farr is a contract instructor at Carleton University as well as a freelance writer and editor.
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