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Entrevue avec George Siemens, pionnier canadien des MOOC

George Siemens, pionnier des cours en ligne ouverts à tous, discute de l’avenir du mouvement.

par ROSANNA TAMBURRI | 12 FEV 14

En 2011, Sebastian Thrun, professeur réputé de l’Université Stanford et cadre chez Google, a mis en ligne son désormais célèbre cours gratuit sur l’intelligence artificielle, attirant 160 000 étudiants du monde entier et propulsant l’enseignement supérieur à l’avant-scène médiatique. Le mouvement des cours en ligne ouverts à tous (« massive open online courses », ou MOOC) était né. Le New York Times s’est mis de la partie, annonçant que 2012 serait « l’année du MOOC ». Mais cette année-là, les critiques contre les MOOC ont commencé à fuser de toutes parts. À la fin de 2013, M. Thrun déclare au sujet d’Udacity, l’entreprise qu’il a cofondée en 2012 : « nous n’arrivons pas à former les gens comme tout le monde l’espérait, comme je l’espérais », soulignant la faible proportion d’étudiants qui terminent les MOOC auxquels ils s’inscrivent. « Notre produit est nul. »

Est-ce déjà la fin de la révolution? Pour mettre les événements des trois dernières années en perspective, Affaires universitaires a fait appel à un pionnier des cours en ligne ouverts à tous : George Siemens, professeur et directeur adjoint du Technology Enhanced Knowledge Research Institute de l’Université Athabasca. En 2008, en collaboration avec Stephen Downes, chercheur principal au Conseil national de recherches du Canada, M. Siemens a lancé ce qu’on reconnaît généralement aujourd’hui comme le premier MOOC, un cours en ligne sur la théorie de l’apprentissage offert par l’Université du Manitoba. M. Siemens s’est récemment entretenu avec Affaires universitaires au sujet de l’évolution et de l’avenir de ces cours en ligne.

Tout d’abord, il est d’avis que les MOOC ne pouvaient pas être à la hauteur du battage qu’ils ont inspiré. « L’engouement a été moussé par quelques personnes dont l’entreprise ou la société de capital de risque avait investi dans le concept. Je crois qu’il s’agissait davantage de marketing et de relations publiques [que d’enseignement en ligne]. »

D’une part, les cours en ligne et à distance affichent depuis longtemps des taux d’attrition plus élevés que les cours traditionnels donnés à l’université. Les étudiants inscrits aux premiers MOOC « ne cherchaient pas nécessairement à obtenir un diplôme ou un certificat. Ils s’inscrivaient pour diverses raisons personnelles ou professionnelles. » D’autre part, contrairement aux cours traditionnels, les cours en ligne gratuits peuvent être abandonnés sans pénalité financière. « Même l’emploi du terme “abandon” dans le cas des MOOC signale qu’on saisit mal leur raison d’être. »

M. Siemens avance qu’outre l’entreprise à but lucratif Udacity, la plupart des fournisseurs de MOOC qui sont étroitement associés au milieu universitaire, comme edX et Coursera, « ont pour ambition de diffuser l’apprentissage au plus grand nombre. Selon moi, ces systèmes continueront d’avoir une énorme incidence sur le milieu universitaire. Je crois en leur potentiel perturbateur. Le fait que Udacity échoue ne révèle rien sur les MOOC ou l’apprentissage ouvert. Ces concepts remontent à plus de 10 ans, en particulier celui d’apprentissage ouvert, dont l’impact est énorme dans les pays en développement. On compte près de 10 millions d’étudiants dans le monde qui ont accès à des cours gratuits, ouverts et en ligne. C’est l’équivalent de 40 à 50 nouvelles universités, voire davantage. »

Pour ce qui est de l’apprentissage en ligne, il admet que les taux d’échec et d’attrition sont préoccupants. « Mais si on oublie le battage médiatique pour se pencher sur l’incidence des systèmes universitaires traditionnels, on constate que les MOOC ont un rôle à jouer. Ils ne remplacent pas les universités existantes; ils les enrichissent et les aident à gagner en pertinence dans l’univers numérique. » Quant aux étudiants dits « à risque », les spécialistes de l’apprentissage à distance savent depuis plus de 20 ans qu’il ne suffit pas de leur donner accès aux cours. « Il faut mettre en place des systèmes de soutien pour les aider à réussir.»

Dans les pays en développement, selon M. Siemens, les cours en ligne ouverts à tous augmentent l’accès au savoir et les occasions d’apprentissage, puisque leur contenu est souvent supérieur à celui des cours offerts dans les établissements traditionnels. Toutefois, certaines régions sont toujours aux prises avec un problème d’accès à Internet. « J’espère qu’à terme, un portail de cours en ligne ouverts à tous sera créé en Afrique pour répondre aux besoins des Africains, au lieu de simplement y importer la pédagogie et les connaissances. […] Les éventuels portails locaux devront également exporter des connaissances pour qu’on puisse mieux comprendre les enjeux qui touchent l’Afrique, l’Amérique latine, la Chine ou l’Inde. »

Dans l’ensemble, dit-il, « notre compréhension des MOOC parvient progressivement à maturité. Des systèmes comme edX établissent des partenariats régionaux, fournissant la technologie, mais pas nécessairement le contenu, dont ils laissent la responsabilité aux intervenants locaux. Enfin, on commence à comprendre que les MOOC ne sont pas une panacée. Ils répondent toutefois à un besoin particulier, et constituent un important champ de recherche pour les universités qui souhaitent développer leurs activités et leur offre dans l’espace numérique. »

Rédigé par
Rosanna Tamburri
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