Passer au contenu principal

Il fait bon vivre sur le campus

Résidences universitaires paisibles pour retraités

par MOIRA MACDONALD | 08 SEP 08

Si tout se déroule comme prévu, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) accueillera d’ici deux ans un complexe résidentiel de 180 appartements destiné aux aînés. Elle deviendra ainsi la deuxième université canadienne à concrétiser ce concept, solidement ancré aux États-Unis depuis 20 ans. Les retraités prêts à emménager ne manquent pas, à commencer par les membres de l’Association des professeurs à la retraite de la UBC, titulaires d’un droit de premier refus sur les appartements.

Selon Thelma Sharp Cook, la présidente sortante de l’Association des professeurs émérites de la UBC, beaucoup de professeurs à la retraite s’intéressent au projet. « Ils souhaitent, dit-elle, retrouver leur ancien milieu professionnel et la stimulation intellectuelle qu’il générait. »

Le complexe résidentiel pour aînés de la UBC ne sera pas le premier du genre au Canada. En effet, l’Université de Guelph en abrite un depuis 14 ans. Considéré par certains spécialistes de l’immobilier comme l’un des plus réussis au pays, ce complexe, baptisé Village by the Arboretum, a vu le jour par étapes. Après la construction de maisons individuelles, puis de maisons en rangées et de copropriétés de luxe, des résidences-services sont en cours d’aménagement. Pourtant, malgré son succès, aucune autre université canadienne n’avait emboîté le pas à celle de Guelph jusqu’à récemment.

Tapestry at Wesbrook Village, le futur complexe de la UBC, sera érigé par Concert Properties, une société immobilière de Vancouver, puis géré par une entreprise américaine spécialisée, Leisure Care. Les promoteurs de ce type de projet jugent préférable d’en confier la gestion à des tiers pour éviter que les universités délaissent leurs missions premières, à savoir la recherche et l’enseignement.

Le complexe proposera 134 appartements en location et 46 en copropriété. Les services publics, une partie des repas, les activités récréatives et sportives ainsi que le transport seront compris dans le prix. Les résidents auront aussi accès à certains services d’aide personnelle et médicale. Mais les appartements ne seront pas donnés!

Le complexe s’étalera sur un terrain loué pour 99 ans à Concert Properties par le fonds immobilier de la UBC. Le loyer de 16 millions de dollars, payable d’avance, ira directement dans le fonds de dotation de l’établissement. Le complexe s’ajoutera aux autres volets du projet de développement immobilier mixte de la UBC, lancé il y a 20 ans sur le campus de Point Grey.

Dans la foulée de celui de la UBC, deux autres projets d’aménagement foncier avec logements pour aînés devraient voir le jour, l’un à l’Université Trent, l’autre à l’Université Laval.

Les professeurs à la retraite de l’Université Laval collaborent actuellement avec l’établissement et les fonctionnaires municipaux en vue de l’érection d’un immeuble locatif comportant quelque 1 500 appartements destinés aux étudiants et 170 à l’intention des retraités.

« Nombre de professeurs à la retraite continuent de travailler bénévolement au sein de l’établissement, précise Jacques Parent, qui dirige l’un des sous-comités de l’Association des retraités de l’Université Laval. Ils apprécient le milieu et la vie universitaires, de même que le fait d’être en contact avec 38 000 jeunes. C’est formidable! »

Ce type de complexe ne devrait pas être réservé aux professeurs à la retraite. La demande de logements visant à permettre aux aînés de vieillir dans un cadre sûr et agréable au sein de leur ancien milieu professionnel est appelée à croître, inexorablement. En 2006, 13 pour cent des Canadiens avaient plus de 65 ans; ils devraient être 22,5 pour cent d’ici 20 ans. Par ailleurs, jamais les aînés du Canada n’ont été plus instruits : de 1991 à 2006, la proportion d’entre eux possédant un diplôme universitaire a plus que doublé, passant de 6,3 à 14,7 pour cent.

« Aucun autre milieu ne propose aux retraités plus de ressources que le milieu universitaire », souligne Andrew Carle, directeur du programme de résidences-services et de gestion de l’hébergement des retraités à l’Université George Mason, en banlieue de Washington, D.C.

Depuis 20 ans, aux États-Unis, plus de 100 complexes pour retraités affiliés à une université ou à un collège ont ouvert leurs portes ou été mis en chantier. Certains ont connu des problèmes liés, le plus souvent, à une trop grande participation de l’université ou du collège à leur financement et à leur gestion. Malgré tout, selon M. Carle, les États-Unis pourraient compter d’ici 20 ans plus de 400 complexes du genre.

Ce concept présente un attrait certain pour les universités, compte tenu des revenus qu’il peut générer. Comme le souligne M. Carle, les loyers versés ne sont pas seuls à venir alimenter les fonds de dotation des établissements. Il en va de même des sommes léguées par les résidents au campus qui aura vu les dernières années de leur vie.

L’enveloppe du fonds de dotation Heritage Trust de l’Université de Guelph frise aujourd’hui les 60 millions de dollars, dont l’essentiel provient des loyers du Village by the Arboretum. Depuis 1991, ce fonds a généré quelque 14 millions de dollars de dividendes. La vice-rectrice aux finances et à la gestion de l’établissement, Nancy Sullivan, souligne que, sans ces revenus, certains « projets de toute première importance » n’auraient jamais vu le jour. Elle cite entre autres le réseau informatique et téléphonique IP du campus, intégralement financé grâce au fonds de dotation.

On compte aujourd’hui plus de 900 résidents au Village by the Arboretum. Ils ont accès à un chic pavillon central et à un centre médical, de même qu’à plusieurs services facultatifs. Très attendue, la cinquième et dernière phase du projet proposera des résidences-services avec repas et certains services d’aide personnelle et médicale.

Si le Village est surtout peuplé d’anciens étudiants et professeurs de l’Université de Guelph, d’autres retraités y habitent également, dont un important contingent de pilotes d’Air Canada à la retraite. Les maisons individuelles et les appartements en copropriété appartiennent aux retraités, qui peuvent donc les revendre, mais non les terrains sur lesquels ils sont construits. Les résidents doivent débourser de 430 à 740 dollars par mois pour la location foncière, ainsi que pour la maintenance et l’entretien du pavillon central .

« Beaucoup d’entre nous avons visité d’autres complexes pour retraités avant de nous installer ici. Celui-ci nous a séduits parce qu’il forme une vraie cité universitaire », explique une résidente qui a opté pour le Village il y a 10 ans sur les conseils d’amis.

Ken Murray, 83 ans, a emménagé il y a près de trois ans avec son épouse Marilyn dans un appartement en copropriété de deux chambres à coucher. « Le site a dépassé toutes nos attentes », dit M. Murray, ancien étudiant et ancien membres du personnel de l’Université de Guelph. « Jamais je n’aurais imaginé posséder un appartement sur un terrain qui ne m’appartient pas, avoue-t-il. Mais ça fonctionne. Le fait que le terrain appartienne à l’Université me rassure. »

Les résidents du complexe participent, s’ils le souhaitent, au programme de formation continue de l’établissement. Ils aident à l’organisation de conférences hebdomadaires, prononcées par des professeurs de l’Université, qui s’adressent précisément au troisième âge. Ils ont en outre accès à un élégant salon-bibliothèque, à une salle d’exercices, à une salle de billard et à une piscine de 22 mètres à laquelle les résidents moins valides ont accès grâce à un fauteuil roulant spécial, qui leur permet d’entrer dans l’eau – maintenue à 30 oC – et d’en sortir.

Les complexes résidentiels pour retraités en milieu universitaire qui fonctionnent le mieux sont placés sous le signe de l’échange et comportent des avantages pour les deux parties, assure M. Carle. Il souligne que la présence de tels complexes sur les campus procure aux étudiants de formidables possibilités de recherche et d’apprentissage. Cette présence profite d’ailleurs à l’ensemble de la collectivité. L’ouverture il y a quatre ans du centre médical du complexe de l’Université de Guelph a, par exemple, donné lieu à l’arrivée de quatre nouveaux médecins de famille à la ville.

Malgré tous les avantages que comporte l’établissement de tels complexes, ils sont loin d’être assez nombreux au Canada. La raison en est simple : beaucoup d’établissements ne disposent pas des ressources foncières considérables qui sont celles de la UBC ou de l’Université de Guelph. Il y a trois ans, une enquête réalisée par l’Association des professeurs et des bibliothécaires à la retraite de l’Université de Toronto (RALUT) avait montré l’ampleur de l’intérêt des retraités pour un complexe résidentiel affilié à l’établissement. Pourtant, l’Université n’a pu tirer parti de cet engouement, n’ayant pas les terrains nécessaires. Le président de la RALUT, Doug Creelman, avoue avoir été très déçu à l’époque : « Nous étions très envieux du complexe de la UBC », confie-t-il.

Rédigé par
Moira MacDonald
Moira MacDonald est journaliste à Toronto.
COMMENTAIRES
Laisser un commentaire
University Affairs moderates all comments according to the following guidelines. If approved, comments generally appear within one business day. We may republish particularly insightful remarks in our print edition or elsewhere.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Click to fill out a quick survey