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L’avenir passe par la pensée design

Des chercheurs de diverses disciplines adoptent les principes du design pour résoudre des problèmes complexes.

par TIM JOHNSON | 13 JAN 16

Notre monde moderne semble avoir vu le jour à Silicon Valley. Il était donc logique que le concept de « pensée design » (« design thinking » en anglais) s’y exprime avec retentissement, selon Doug Wightman, un des principaux adeptes de cette démarche.

Titulaire d’un doctorat de l’école d’informatique de l’Université Queen’s depuis 2013, M. Wightman y donne un séminaire d’administration des affaires sur la pensée design. Mais aujourd’hui, il me reçoit à son autre lieu de travail : Google X, la branche de design du géant de l’Internet, situé à Mountain View, en Californie. Dans ces installations semi-secrètes, me confie-t-il, des chercheurs planchent sur des innovations comme des voitures à pilotage automatique, des propulseurs autonomes et des montgolfières ultraperfectionnées qui rendent Internet accessible dans les lieux isolés.

Produit des tendances et des philosophies qui nous ont donné les téléphones intelligents, les ordinateurs portables et les moteurs de recherche, la pensée design modifie la manière dont certains universitaires conçoivent l’enseignement et la recherche, dont les architectes conçoivent les salles de classe et dont les leaders tentent de résoudre les problèmes chroniques de notre monde.

Cameron Norman, adepte de longue date de la pensée design, est chargé de cours adjoint à l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto. Il souligne que, de façon générale, les concepteurs (particulièrement les créateurs de produits) excellent en conceptualisation et en résolution de problèmes – deux compétences idéales pour relever toutes sortes de défis comme la construction d’une table de cuisine solide ou l’ébauche des plans d’un grand immeuble. « Le milieu du design est la discipline de l’innovation, dit-il. [La pensée design], c’est l’application de ces méthodes, de ces outils et de ces idées à d’autres domaines. »

Le concept repose sur la libre circulation des idées – les suggestions improbables ne sont pas exclues d’entrée de jeu – et sur une acceptation de l’échec aussi enthousiaste qu’inattendue. « Les adeptes de la pensée design tentent de cerner ce qui pose problème, précise M. Norman. Ils s’efforcent de comprendre ce qui se passe, puis ils ébauchent des idées farfelues, grandioses ou audacieuses pour trouver une solution. »

La collaboration interdisciplinaire est essentielle à la réussite du processus. À l’Université de l’Alberta, Aidan Rowe, professeur agrégé de design, se sert de la pensée design pour aider la Ville d’Edmonton à améliorer ses services aux sans-abri. Tous les deux ans depuis 1999, la Ville et des organismes à but non lucratif font le recensement des sans-abri en 24 heures. Le dénombrement doit être fiable puisqu’il a des répercussions sur le financement gouvernemental et sur la planification stratégique en matière d’itinérance. Appelé à améliorer le système actuel avec son équipe de recherche, M. Rowe a confié la direction du projet à Devaki Joshi, étudiante aux cycles supérieurs. Mme Joshi s’entretient actuellement avec des dizaines d’intervenants de première ligne, bénévoles, coordonnateurs, superviseurs, qui font tous les jours face à cette réalité.

« Le design est un processus itératif, précise M. Rowe. Nous créons, évaluons, créons de nouveau puisque notre compréhension [du processus] change à toutes les étapes. Même si elle est parfaite, une création évolue lorsqu’elle est mise en application. » Cette chaîne de conception, de création, d’évaluation et de modification peut se répéter des dizaines, voire des centaines de fois au cours d’un projet.

La pensée design transforme aussi les campus. L’Institut Taylor d’en-seignement et d’apprentissage de l’Université de Calgary, par exemple, fait l’objet de travaux de rénovation de 40 millions de dollars. Les nouveaux locaux, dont l’ouverture est prévue en février, misent sur l’adaptabilité : les murs peuvent être déplacés, les meubles sont pliants et la technologie s’intègre harmonieusement à l’ensemble.

Fini le vieux modèle des salles de classe avec estrade et chaises fixes. Les locaux sont plutôt modulables; le temps d’une journée, une salle peut servir successivement de studio de danse, de salle de cinéma, de salle de conférence ou simplement de lieu de rassemblement pour les étudiants. « Apprentissage décontracté, lieux d’étude paisibles, activités sociales conviviales, étude en groupe, projets de groupe, studios modulables, salles qu’on peut transformer et lieux qui peuvent être aisément utilisés pour différents motifs, voilà ce que je vise », explique l’architecte en chef, Don Schmitt.

Les adeptes de la pensée design avancent qu’avec l’importance accor-dée au travail d’équipe et à la démarche axée sur la résolution de problèmes, ce concept sied particulièrement bien aux « problèmes tordus » – ces grandes questions complexes, multidimensionnelles et mal définies qui n’appellent aucune réponse évidente. M. Norman cite en exemple les changements climatiques. « Les changements climatiques ne constituent pas une discipline en soi, constate-t-il. Tout le monde doit mettre l’épaule à la roue – scientifiques, citoyens, politiciens –, et les universitaires des domaines comme la géographie, la sociologie et la biologie, pour ne nommer que ceux-là, peuvent contribuer. »

C’est précisément cette démarche axée sur l’humain et sur la résolution de problèmes que M. Wightman tente de transmettre aux participants dans le cadre son séminaire d’administration des affaires à l’Université Queen’s. « C’est extrêmement valorisant, pour quelqu’un qui tente de changer les choses, de se faire dire “Mettez cette idée à l’épreuve, et blâmez-moi si ça ne fonctionne pas.” C’est fou ce que les gens peuvent faire lorsque les obstacles à l’expérimentation sont écartés. »

 

 

Rédigé par
Tim Johnson
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  1. Claude Castonguay / 5 juillet 2017 à 11:45

    Inspirant.

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