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Le luxe de la nouvelle

Si vous n’avez pas mis les pieds dans une résidence depuis longtemps, vous serez sans doute surpris.

par MOIRA MACDONALD | 07 MAR 11

Chambres privées, lits doubles, service de nettoyage hebdomadaire et salles de bains privées … ou presque. Des salles de lavage étincelantes de propreté qui envoient un message texte à la fin d’une brassée; des repas de réfectoire personnalisés tellement savoureux que vous voudrez en informer le monde entier sur-le-champ au moyen de l’accès Internet sans fil. Vous préférez cuisiner? Les comptoirs sont en granite.

Rien à voir avec votre expérience des résidences universitaires? Bienvenue dans les résidences du XXIe siècle.

Bien sûr, les interminables corridors, les compagnons de chambre désordonnés et les files d’attente pour les douches demeurent la norme sur de nombreux campus. Mais à mesure qu’elles s’agrandissent, remplacent leur infrastructure désuète et se livrent une concurrence de plus en plus vive pour attirer les étudiants d’autres provinces et d’autres pays, les universités donnent priorité aux exigences des étudiants. Cela se traduit par des installations offrant plus d’intimité, une foule d’options et des services autrefois considérés comme du luxe.

« Lorsque des étudiants de première année font une demande d’hébergement, leur premier choix va à la chambre privée, explique Kate Kinsella, présidente de l’Ontario Association of College and University Housing Officers. Les familles étant de moins en moins nombreuses, ces jeunes ont probablement toujours eu leur propre chambre. L’idée de la partager rendus à l’université ne les séduit pas vraiment. »

C’est le cas de Fred Besik, 20 ans, un étudiant de troisième année en études anglaises et en géographie à l’Université de Toronto à Mississauga, qui habite l’Oscar Peterson Hall, la toute dernière résidence du campus, construite en 2007, qui compte 422 lits. Sa chambre baignée de lumière est petite – seulement 14 mètres carrés –, mais toute à lui, et reliée à une salle de bains qu’il partage avec un autre étudiant. « Je voulais absolument avoir mon propre espace », explique celui qui a grandi à Mississauga avec deux sœurs cadettes.

L’Université du Manitoba offrira encore plus d’intimité aux résidents du New Pembina Hall, une installation de 360 lits dotée de chambres et de salles de bains privées qui ouvrira ses portes en septembre prochain. « Une étude réalisée auprès des étudiants révèle que les salles de bains privées et l’accès Internet haute vitesse sont les caractéristiques les plus prisées », affirme Joe Danis, directeur des services d’hébergement et de la vie étudiante de cet établissement.

Les résidents du New Pembina Hall obtiendront beaucoup plus : chambres de style loft avec plafonds élevés, fenêtres sur toute la hauteur et poutres exposées, accès sans fil à Internet dans tout l’immeuble et réfectoire adjacent. L’étude montre également que les « étudiants du nouveau millénaire » – ceux qui sont entrés à l’université au cours des 10 dernières années –, sont habitués au confort et aux mesures de sécurité accrues. Par ailleurs, une étude récente de l’Université Longwood de Virginie révèle que les chambres privées, les lits doubles, l’accès à Internet, un centre de conditionnement physique, la télévision par câble et la possibilité d’utiliser le forfait repas à différents endroits sur le campus comptent parmi les 10 caractéristiques les plus prisées des étudiants. « Les caractéristiques auparavant considérées comme étant du luxe (cuisines, chambres privées, aires de socialisation et salons) font désormais partie des attentes des étudiants », notent les auteurs de l’étude.

Les étudiants de l’Université de la Saskatchewan qui emménageront dans les suites de la résidence de 400 lits réservée aux étudiants au premier cycle (en construction) profiteront de comptoirs de granite dans leur cuisine, un extra qui n’a pas entraîné de coûts supplémentaires selon l’établissement. M. Besik, de l’Université de Toronto à Mississauga, aime pouvoir commander de la pizza au moyen de sa carte de forfait repas et recevoir un message texte de la laveuse, située sur son étage, lorsque sa brassée est terminée. La résidence Chestnut de l’Université de Toronto, un ancien hôtel du centre-ville de 1 050 chambres, possède son propre chef pâtissier qui appartenait auparavant au personnel de l’hôtel, la télévision par câble dans chaque chambre et de très grands lits.

Tous ces services peuvent faire grimper les coûts de logement. Il y a toutefois suffisamment de familles et d’étudiants qui sont prêts à payer pour les extras, fait remarquer Josephine Mullally, doyenne de la résidence, où les frais varient de 11 600 $ à près de 15 000 $, forfait repas et service de sécurité 24 heures inclus. Le coût du logement est élevé à Toronto, souligne-t-elle, et certains étudiants constatent que ça ne vaut pas la peine de louer un appartement et de cuisiner eux-mêmes. Dans les sondages sur la satisfaction des résidents, « la nourriture et la sécurité arrivent en tête de liste », ajoute-t-elle.

Bien que toutes ces petites attentions semblent exagérées, elles ont permis d’accroître la diversité parmi les résidents. Par exemple, certains parents d’étudiants étrangers exigent un service de sécurité en tout temps. Les architectes prévoient des accès pour personnes à mobilité réduite et des « espaces positifs » destinés aux étudiants d’orientations sexuelles différentes. L’Oscar Peterson Hall est ainsi doté de salles de bains mixtes dans les aires communes pour que les étudiants transgenres n’aient pas à faire un choix. Les besoins et les coutumes alimentaires des étudiants sont également mieux pris en compte à la cafétéria, car le chef est prêt à offrir différents choix aux étudiants musulmans qui jeûnent pendant le ramadan ou à ceux qui souffrent d’allergies alimentaires.

La hausse des effectifs et la minireprise économique qui a fait grimper le prix des logements dans des villes comme Calgary et Saskatoon entraînent une forte demande d’hébergement sur les campus. La nouvelle résidence pour étudiants au premier cycle de l’Université de la Saskatchewan a été érigée dans le quartier universitaire, une zone piétonne de 60 hectares qui éventuellement offrira jusqu’à 3 000 chambres. S’il y a baisse des effectifs, comme certains le prédisent, les universités devront courtiser les étudiants d’autres provinces et d’autres pays. L’accès à des logements de qualité sera alors un facteur déterminant.

« Pouvez-vous garantir une place en résidence? » Voilà une des questions les plus fréquemment posées par les étudiants étrangers, explique Richard Florizone, vice-recteur aux finances et aux ressources à l’Université de la Saskatchewan. « L’hébergement est devenu un élément incontournable de toute stratégie de recrutement hors province et à l’étranger. »

Le maintien aux études est un autre facteur important. « Nous savons que le taux de maintien aux études est plus élevé chez les étudiants en résidence », affirme Meri Kim Oliver, vice-rectrice adjointe aux services aux étudiants à l’Université Trent de Peterborough, Ontario.

Après avoir atteint son objectif d’héberger la presque totalité de ses étudiants de première année sur son campus, l’Université Trent vise maintenant l’hébergement ceux de deuxième, troisième et quatrième années ainsi que les étudiants étrangers, et espère entreprendre dès 2011 la construction de la Water Street Residence, un projet d’appartements et de maisons de ville. Pour réaliser ce projet, l’Université envisage de louer une parcelle des terrains qui lui ont été cédés à Residence Development Corp., un promoteur privé qui serait ensuite chargé de la construction et de la gestion du complexe de quatre résidences.

L’idée soulève une certaine controverse dans le voisinage, mais en l’absence de financement pour la construction de résidences de la part du gouvernement de l’Ontario, il s’agit d’une option intéressante, selon Mme Oliver. « C’est la meilleure façon de prendre de l’expansion sans s’endetter ou imposer des frais supplémentaires aux étudiants ».

Seule une poignée d’universités canadiennes ont choisi cette façon de faire jusqu’à maintenant, bien qu’elle soit très populaire dans les collèges communautaires et les universités des États-Unis et du Royaume-Uni. Residence Development Corp. est la filiale de développement immobilier de Campus Living Centres, une entreprise torontoise spécialisée qui gère les résidences de 14 établissements postsecondaires canadiens et des résidences situées hors campus qu’elle a elle-même construites.

« L’hébergement est une activité difficilement rentable sur la plupart des campus, explique Tim Fricker, directeur de la vie en résidence de l’entreprise. Les coûts liés à l’entretien de ces vieux immeubles sont élevés, et les étudiants veulent de meilleures conditions. »

Campus Living Centres exploite notamment des résidences à l’Université Thompson Rivers de Kamloops, en Colombie-Britannique, et à l’Institut universitaire de technologie de l’Ontario, situé à Oshawa. Il s’agit du principal exploitant de résidences pour étudiants au pays, avec 7 000 lits. « Nous ne souhaitons pas que les étudiants sachent que leur résidence est gérée par Campus Living Centres, précise M. Fricker. Nous voulons qu’ils l’identifient à leur établissement. »

Bien que les chambres et les salles de bains privées puissent être considérées comme du luxe pour les étudiants, elles permettent d’attirer les participants à des conférences et les touristes entre les semestres, ce qui procure une source de revenus supplémentaires aux universités à court d’argent, fait remarquer M. Fricker. Ainsi, les résidences de Campus Living Centres sont souvent dotées de prises téléphoniques et du câble afin d’offrir un hébergement hôtelier pendant l’été.

En profitant de tous ces petits luxes et de toute cette intimité, les étudiants ne risquent-ils pas de passer à côté des aspects communautaires de la vie en résidence si riches sur les plans intellectuel et social?

« Les occasions d’isolement social ne manquent pas, fait valoir Avi Friedman, professeur d’architecture à l’Université McGill. À mon avis, ces résidences menacent sérieusement l’interaction et les échanges en personne de cette communauté. » M. Friedman estime que les résidences ne doivent pas se borner à être des dortoirs : elles doivent devenir des « immeubles enseignants ».

Les universités en prennent de plus en plus conscience. Les maisons de ville, les suites et les appartements avaient la cote il y a 10 ans, mais on observe un retour vers la cohabitation d’espaces privés et communs, d’autant plus que les jeunes étudiants sont susceptibles de passer à travers les mailles du filet s’ils ne bénéficient pas d’un soutien approprié.

« Il faut qu’il y ait des espaces communs, estime M. Friedman. Les résidences ne doivent pas seulement être d’immenses tours de béton. Elles doivent être humaines, personnelles, et offrir d’attrayants espaces extérieurs où les résidents peuvent se côtoyer et échanger. » Spécialiste du logement abordable et durable, M. Friedman a agi comme consultant dans la conception de l’écorésidence du campus Macdonald de l’Université McGill et de résidences au Royaume-Uni. L’Oscar Peterson Hall du campus Mississauga de l’Université de Toronto est considéré comme une résidence hybride. Il s’agit en effet d’un immeuble peu élevé qui marie espaces privés et communs et qui contraste avec une longe tradition de maisons de ville et avec les appartements construits ces dernières années.

« Certains des jeunes qui arrivent ici sont de bons étudiants, mais ils ne savent ni faire la lessive, ni cuisiner, confie Chris McGrath, vice-doyen aux affaires étudiantes sur le campus Mississauga. Avec le Peterson Hall, nous voulions renverser la tendance et revenir au concept de dortoir traditionnel pour créer un environnement où l’interaction est nécessaire.  »

Les entrées et les corridors ont été conçus de façon à favoriser naturellement les conversations entre résidents d’un même étage. Chaque étage est par ailleurs doté d’une salle commune vitrée de deux étages avec téléviseur à écran plat (et console de jeux en option) et deux salles d’études et de séminaires. La résidence possède un réfectoire situé au rez-de-chaussée, seul endroit où utiliser le forfait repas obligatoire pour les étudiants au premier cycle. Étant donné ces caractéristiques avantageuses, rien d’étonnant à ce que certains étudiants fassent toutes leurs études en résidence. « On ne se sent pas isolé dans notre chambre, explique M. Besik. J’ai rencontré mes amis les plus proches en résidence. »

Rédigé par
Moira MacDonald
Moira MacDonald est journaliste à Toronto.
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