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Les notes se monnaient sur les campus

Aborder la question d’un point de vue économique pourrait-il améliorer l’enseignement?

par ROSLYN DAKIN | 05 DÉC 12

Un retard à la garderie peut coûter cher. Un parent qui vient chercher son enfant trop tard force la personne qui en prend soin à faire des heures supplémentaires. Une solution consiste à faire payer une petite amende aux parents en retard afin de décourager ce comportement. Or, les économistes Uri Gneezy et Aldo Rustichini, qui ont imposé une amende de trois dollars en cas de retard dans des garderies israéliennes, ont observé l’effet contraire : les cas de parents en retard ont plus que doublé.

Ces dernières années, les économistes comportementaux ont commencé à étudier la réaction des gens aux mesures incitatives dans le cadre d’essais contrôlés. Leurs travaux révèlent certains effets psychologiques : nous sommes hostiles aux risques et accordons une valeur démesurée au présent. Divers types de mesures incitatives – financière, sociale ou morale – peuvent avoir différents effets. Dans le cas des garderies, l’amende pour retard a été un échec parce qu’elle remplaçait un coût social important – la volonté de ne rien imposer aux autres – par un coût financier que les parents ont trouvé abordable.

Les enseignants adoptent souvent la même politique relativement aux notes : ils déduisent cinq ou dix pour cent de la note en cas de remise de travaux en retard. Se pourrait-il que cette politique produise l’effet contraire, c’est-à-dire qu’elle encourage la procrastination? La comparaison entre les notes et les incitatifs financiers n’est pas farfelue : les étudiants travaillent pour obtenir des notes qu’ils échangent contre des bourses et une place aux cycles supérieurs. Les pratiques d’attribution des notes influent sur le choix de cours des étudiants et sur leur degré d’appréciation de ces cours.

Alors, les étudiants traitent-ils leurs notes comme leur argent? La question demeure sans réponse, mais les économistes comportementaux commencent à l’étudier. Dans une récente étude, des élèves du primaire et du secondaire recevaient argent et trophées s’ils amélioraient leurs résultats aux tests normalisés. Les chercheurs ont découvert que de subtiles modifications à ce modèle de récompenses avaient d’importantes répercussions sur le rendement des élèves. Ainsi, si ces derniers devaient attendre un mois supplémentaire avant de recevoir la récompense, l’effet de motivation disparaissait.

Il s’agit d’un grave problème dans le domaine de l’éducation, où les mesures incitatives comprennent presque toujours une certaine attente. Cependant, nous pourrions ainsi comprendre pourquoi certaines méthodes d’enseignement fonctionnent mieux que d’autres. Par exemple, une autre étude a démontré qu’offrir fréquemment des récompenses d’ordre financier aux élèves du secondaire en fonction de leur rendement a un effet durable.

Leslie Reid a pris ce principe en considération dans les modifications qu’elle a apportées à sa méthode d’enseignement, il y a cinq ans. Mme Reid a annulé un des deux importants examens de mi-trimestre de son cours d’introduction à la géologie et augmenté la fréquence des activités d’apprentissage à livre ouvert en classe, qui sont évaluées et remises aux étudiants la semaine suivante. Puisqu’ils reçoivent une rétroaction régulière, les étudiants sont motivés, et le professeur suit mieux leur apprentissage.

L’économie comportementale pourrait aussi expliquer pourquoi l’attribution de notes peut nuire à la motivation de l’étudiant : accorder une mesure incitative sous-entend que celle-ci est nécessaire. Dans une étude réalisée en Suisse en 1997, on demandait aux gens s’ils accep-teraient l’ouverture d’un site de stockage de déchets nucléaires près de chez eux. Lorsqu’on leur offrait de l’argent en échange, les gens étaient moins susceptibles d’accepter la proposition, parce qu’elle sous-entendait la possibilité de risques considérables.

De même, l’attribution d’une note à un travail peut sous-entendre que la tâche est désagréable et décourager la prise de risques. Il peut alors être particulièrement délicat de donner une note pour des tâches agréables comme la présence aux cours optionnels.

Puisque l’attribution de notes est nécessaire, le mode d’évaluation doit être clair pour être efficace. Si vous en changez les modalités en cours de route, les étudiants pourraient y voir de l’inégalité, ce qui se traduira par des problèmes. Il importe aussi de rappeler aux étudiants ce que les notes disent sur leur rendement relativement à l’ensemble de la population universitaire, et d’expliquer ce que les notes ne peuvent pas dire, puisqu’elles sont des entités statistiques qui peuvent être erronées.

Une autre démarche profitable consiste à intégrer au modèle d’évaluation la possibilité pour l’étudiant de se reprendre. Un professeur de biologie permet aux étudiants de remettre un travail une deuxième fois après avoir pris connaissance des commentaires sur leur premier essai. Cette souplesse peut tirer parti du fait que les étudiants veulent des mesures incitatives justes et qui les aideront à parfaire des compétences essentielles.

Bien que certains professeurs croient qu’attribuer de bonnes notes améliorera l’évaluation que feront les étudiants de leur enseignement, les recherches indiquent que cela n’est pas toujours le cas. Selon des études réalisées dans les années 1980, lorsque les notes et la satisfaction des étudiants sont élevées, c’est plus probablement parce que les étudiants réussissent bien dans des cours qu’ils apprécient. Au bout du compte, selon les experts, les enseignants qui attribuent des notes devraient comprendre le fonctionnement de celles-ci; les mesures incitatives peuvent favoriser l’apprentissage, mais elles peuvent aussi lui nuire.

Roslyn Dakin est étudiante au doctorat en biologie à l’Université Queen’s et journaliste à la pige.

Rédigé par
Roslyn Dakin
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