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Négociations collectives et gouvernance universitaire sur la voie de la confrontation

Un extrait de University Leadership and Public Policy in the Twenty-First Century: A President’s Perspective.

par PETER MACKINNON | 11 FEV 15

En dépit de leurs différences de taille, de mission, de ressources et de qualité, les universités partagent sur le plan organisationnel des similarités qui témoignent de leurs origines communes. Plus particulièrement, la notion qu’elles sont des collectivités qui se gouvernent elles-mêmes, cette autonomie étant généralement assurée par des instances distinctes qui sont habilitées à résoudre les questions universitaires et financières. Au Canada, ces instances portent souvent le nom de sénat et de conseil d’administration.

Composé de membres du milieu universitaire, le sénat détient l’autorité pleine et entière d’établir et de superviser les programmes d’études et les activités d’enseignement. Le conseil d’administration est pour sa part chargé de gérer et de prendre des décisions concernant les finances, les activités commerciales et les biens de l’université. Ses membres sont sélectionnés en fonction de leur expertise et de leur expérience dans ce domaine.

Les systèmes de négociations collectives complexifient la gouvernance et la gestion en toute collégialité. Ce modèle de relations employeur-employé est issu du milieu industriel, et aurait autrefois été perçu comme un anathème lancé contre l’idée d’une collectivité formée d’érudits. Il empiète sur la gouvernance et la gestion en toute collégialité, et les remet en question. On n’en comprend pas encore entièrement toutes les conséquences.

L’organisation des professeurs en syndicats comporte de nombreuses dimensions, mais deux d’entre elles revêtent une importance capitale. D’abord, les professeurs qui se syndiquent ne peuvent plus prétendre faire partie d’une profession autonome. Ils confirment leur statut d’employés. Or la relation employeur-employé diffère, en droit et en fait, des autres relations de travail. Ensuite, la relation employeur-employé syndiqué astreint les deux parties à des négociations collectives, une activité réglementée par des tiers qui ne cadre pas très bien avec les idéaux prônés par les universités. « Les négociations collectives ne constituent pas qu’une nouvelle forme de quête de la vérité dans le milieu universitaire. C’est une question de pouvoir, du fait qu’un camp détient les pouvoirs et que l’autre aimerait en détenir. » (J. R. Miller, Vox 1, 1987; traduction libre).

Les luttes de pouvoir diffèrent en effet des discussions portant sur des vues divergentes de la vérité, qui, elles, sont au cœur même de la mission universitaire. Les universités soutiennent à juste titre qu’il faut préserver l’intégrité universitaire. Si elles donnent l’impression d’avoir compromis leur mission pour des questions d’argent ou pour d’autres facteurs externes en portant préjudice à leur quête factuelle de la vérité, elles risquent de perdre la confiance et le respect qu’elles inspirent. Mais qu’en est-il des comportements institutionnels qui privilégient la quête de pouvoir au détriment de la quête de vérité? Dans les conflits de travail, comme à la guerre, la vérité s’érige en première victime, et les universités ne font pas exception à la règle.

Le problème pour les universités canadiennes, c’est que la lutte de pouvoir va croissant. L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) affirme que les instances de gouvernance devraient être régies dans le cadre de négociations collectives. Selon son énoncé de politique, « [l]e conseil d’administration et le sénat devraient tous deux fonctionner selon les procédures et les règles définies dans la loi constitutive de l’établissement et selon les conventions collectives conclues entre l’établissement et son personnel académique ».

Or la loi fait à peine plus que prévoir la constitution d’un conseil d’administration et d’un sénat chargés de superviser les finances et les activités universitaires. Selon l’énoncé de l’ACPPU, le processus visant à déterminer l’exercice de cette supervision devrait donc relever des négociations collectives, sauf que la portée normale des négociations collectives se limite aux conditions d’emploi. L’énoncé de politique revendique pour les syndicats de professeurs un rôle qui dépasserait cette portée, voir s’étendrait à la gouvernance, soumettant ainsi les statuts et les règlements établis par les conseils d’administration et les sénats à un examen dans le cadre de négociations collectives. Cette revendication accorderait donc aux syndicats de professeurs un rôle en matière de gouvernance.

Cela signifie que, pour l’ACPPU, le rôle des négociations collectives dans les questions universitaires est potentiellement sans limites. L’ACPPU soutient que les conditions d’emploi englobent les responsabilités que les lois accordent expressément aux sénats. Par conséquent, une lutte d’importance fondamentale s’est engagée pour préserver l’avenir de nos universités.

Les négociations collectives ont pour objet d’établir un contrat de travail. Elles supposent de transiger à l’amiable, de donner et de recevoir, d’obtenir et de faire des concessions afin de parvenir à une entente. Il ne s’agit pas de constituer un forum pour y négocier les mesures de gouvernance, mais bien du contraire, d’éviter la tenue d’un tel forum dans l’intérêt de la bonne gouvernance.

Les gouvernements devraient indiquer clairement aux universités pu-bliques devant traiter avec des syndicats de professeurs que l’empiétement sur les mesures de gouvernance énoncées dans la loi ou les statuts des établissements ne sera pas toléré dans le cadre de négociations collectives. En fait, il serait peut-être temps que les gouvernements envisagent un cadre législatif pour délimiter les frontières et définir les questions universitaires qui relèvent de la compétence des sénats universitaires.

Ce texte est une version abrégée d’un extrait de University Leadership and Public Policy in the Twenty-First Century: A President’s Perspective, par Peter MacKinnon, publié par la University of Toronto Press, 2014. M. MacKinnon est recteur émérite de l’Université de la Saskatchewan et a présidé le conseil d’administration de l’Association des universités et collèges du Canada de 2003 à 2005.

Rédigé par
Peter MacKinnon
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