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Quand la surveillance se fait surveiller

par TREENA HEIN | 08 SEP 09

SurveillanceAprès le 11 septembre 2001, les citoyens craintifs semblaient disposés à être surveillés de près afin de se sentir en sécurité. Huit ans plus tard, leurs vies sont plus observées que jamais par le gouvernement et les sociétés, par l’entremise de programmes de suivi par Internet, de caméras, d’outils de reconnais-sance faciale et de nombreuses autres technologies. « Cette surveillance trans-forme toutes les institutions », souligne Kevin Haggerty, professeur de sociologie à l’Université de l’Alberta.

La quête de sécurité s’est rapidement accompagnée du développement de technologies de suivi et d’enregistrement des renseignements personnels, des outils aussi avantageux pour les entreprises que commodes pour les consommateurs. En effet, qui se préoccupe du fait qu’une librairie en ligne tienne un registre de ses achats alors qu’il est si pratique de recevoir des courriels proposant de nouveaux titres susceptibles de lui plaire?

Tout en offrant des avantages au public, le prochain niveau de surveillance permettra à des entreprises privilégiées de réaliser d’importants profits et aux gouvernements de profiter de nouveaux outils, explique M. Haggerty, qui est membre d’un groupe important de recherche multidisciplinaire nommé The Surveillance Project. Il a écrit que, bientôt, on tentera d’insérer dans le corps humain une puce d’identification par radiofréquence contenant de l’information accessible à courte distance.

Les Ontariens ont depuis peu la possibilité d’obtenir un permis de conduire « amélioré » contenant une puce d’IRF sur laquelle sont gravés des numéros d’identification uniques. Cet outil permettrait d’accélérer le passage et d’accroître la sécurité à la frontière. En théorie, c’est vrai. Par contre, pour que le système fonctionne, la base de données doit être à l’abri des pirates informatiques, l’enveloppe protectrice du permis doit être sûre, et tous les conducteurs doivent toujours utiliser leur permis à bon escient.

Les chercheurs s’inquiètent par ailleurs de l’émergence du « tri social » découlant de la création de profils obtenus en combinant des bases de données informatiques. Cette nouvelle pratique pourrait avoir des conséquences sur l’accès aux prestations du gouvernement, le niveau de services Internet, les tarifs d’assurance et les vols d’avion. Un résidant du Québec s’est récemment vu refuser une hypothèque parce que son code postal était le même que celui d’une réserve des Premières Nations et que les habitants de ce secteur ont une mauvaise cote de risque de crédit.

Bien que les citoyens soient prêts à sacrifier un peu de leur intimité au profit d’une sécurité accrue, les prétendus avantages des technologies de surveillance ne remplissent pas toujours leurs promesses. On estime à quatre millions le nombre de caméras de surveillance installés au Royaume-Uni, mais on a « peu de preuves qu’elles ont permis de réduire le nombre de crimes, ce pour-quoi elles avaient été installées », indique Richard Rosenberg, professeur émérite d’informatique à l’Université de la Colombie-Britannique.

Les Canadiens sont mieux servis que les citoyens de beaucoup d’autres pays grâce à la recherche soutenue effectuée au Canada ainsi qu’à un mouvement de défense de la protection de la vie privée, auquel participe entre autres la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada (CIPPIC) de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Le mandat de la CIPPIC consiste à protéger l’intérêt public dans l’élaboration de lois sur les technologies de l’information. Le Canada compte également des commissariats à la protection de la vie privée aux échelons fédéral et provincial.

« Le Canada est vraiment un chef de file dans ce domaine, affirme M. Haggerty, en raison du nombre et de la proportion de chercheurs qui s’y trouvent, et ce, sous divers angles. »

Avec la participation de la population, il sera plus facile de créer un monde où la surveillance est au service des gens, et non l’inverse. Toutefois, même si les lois étaient plus strictes, les technologies, infaillibles et la population, instruite, d’autres problèmes devraient être réglés, affirment les experts canadiens en surveillance. Ils souhaitent que les institutions fassent preuve de beaucoup de rigueur mieux soutenue, qu’une attention accrue soit portée aux minorités vulnérables et que la quantité de caméras et de collectes de données soit réduite, et que la diffusion d’information soit limitée. « Si on continue sur la voie actuelle, les technologies deviendront de plus en plus invasives, signale Elia Zureik, sociologue émérite à l’Université Queen’s. Si on n’impose pas de restrictions, ce sera épouvantable. »

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Treena Hein
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