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Quand les étudiants noirs en médecine n’étaient pas les bienvenus à l’Université Queen’s

L'interdiction pour les étudiants noirs d’étudier la médecine était en vigueur depuis des décennies, puis oubliée, et n'a seulement été officiellement abrogée qu'il y a deux ans.
par WENDY GLAUSER
19 FEV 20

Quand les étudiants noirs en médecine n’étaient pas les bienvenus à l’Université Queen’s

L'interdiction pour les étudiants noirs d’étudier la médecine était en vigueur depuis des décennies, puis oubliée, et n'a seulement été officiellement abrogée qu'il y a deux ans.

par WENDY GLAUSER | 19 FEV 20

En 1918, l’Université Queen’s a empêché les étudiants noirs d’intégrer son école de médecine. À l’époque, une quinzaine d’hommes noirs étaient déjà inscrits. C’était la plus grande population d’étudiants noirs dans une école de médecine au pays, selon Edward Thomas, candidat au doctorat en études culturelles à l’Université Queen’s. Bien que l’établissement n’ait pas directement fait usage de la force pour renvoyer ces étudiants, les administrateurs les ont fortement incités à partir.

Le bannissement a attisé le racisme sur le campus – les étudiants blancs de l’Université se sont moqués des étudiants noirs en médecine en se déguisant en Noirs dans un spectacle monté par l’association étudiante. « Environ la moitié [des étudiants noirs en médecine] a quitté l’école sous la pression. L’autre moitié s’est battue jusqu’au bout », raconte M. Thomas.

Selon ses recherches, les administrateurs de l’Université Queen’s pensaient que l’expulsion des étudiants noirs permettrait à l’école d’améliorer son classement auprès de l’American Medical Association. Les facultés de médecine de l’Université McGill, de l’Université Dalhousie et de l’Université de Toronto ont également exclu les étudiants noirs ou imposé des restrictions sur leur admission pour des périodes variables.

Il a fallu attendre 1965 pour que des étudiants noirs soient réadmis à l’Université Queen’s. Le bannissement avait alors été oublié depuis longtemps et les administrateurs niaient même son existence. Selon M. Thomas, ils disaient plutôt aux militants étudiants que les étudiants noirs ne voulaient simplement pas venir à Kingston, préférant les « villes plus cosmopolites ».

Les travaux de recherche de M. Thomas ont aussi révélé que le bannissement n’avait jamais été retiré des livres de l’Université. Le sénat universitaire a donc dû l’abroger officiellement à l’automne 2018 et présenter des excuses officielles en avril 2019. L’Université a aussi formé la commission sur les étudiants noirs en médecine, un groupe composé de professeurs, de membres du personnel et d’étudiants. « Le but est de voir comment nous pouvons faire plus que nous excuser pour avancer dans la bonne direction », explique Jenna Healey, professeure d’histoire à l’Université Queen’s et membre du comité.

La commission a recommandé d’enseigner l’histoire du bannissement. Mme Healey raconte ainsi aux étudiants de première année en médecine l’histoire du bannissement et les autres façons dont la médecine a été et continue d’être réservée à l’élite. (Les femmes ont été expulsées des cours de médecine à l’Université Queen’s en 1883. Elles n’y ont été réadmises qu’en 1943.) « La profession médicale était assez diversifiée à la fin du XIXe siècle, mais cette diversité a disparu au milieu du XXe siècle. Les médecins étaient principalement des hommes blancs, déclare Mme Healey. Il faut comprendre que ce n’était pas un hasard, mais le résultat de mesures prises par des personnes et des établissements […] qui ont eu des répercussions négatives sur les soins aux patients et la réputation de la profession. »

En plus d’intégrer l’histoire du bannissement au programme, la commission sur les étudiants noirs en médecine a créé une bourse d’études pour un étudiant noir en médecine à l’Université Queen’s ainsi qu’un programme de mentorat. Les étudiants et les professeurs noirs en médecine se réunissent à peu près tous les mois pour « parler de leur travail, de ce qui les préoccupe ou de la façon de gérer les cas de racisme ou d’adversité en contexte clinique, explique Sabreena Lawal, étudiante de deuxième année en médecine à l’Université Queen’s. Me retrouver avec des gens qui me ressemblent et qui ont vécu ce que je vis m’aide énormément ».

M. Thomas espère que ses travaux de recherche inspireront des étudiants comme Mme Lawal. En se penchant sur l’histoire des étudiants noirs inscrits en médecine à l’Université Queen’s à l’époque du bannissement, il a découvert que bon nombre avaient réalisé des « choses impressionnantes sur le plan historique ». Par exemple, Hugh Gordon Cummins, diplômé de l’école de médecine en 1919, est devenu le deuxième premier ministre de la Barbade. Simeon A. Hayes, diplômé en 1920, a fondé et dirigé CL Financial, qui a été pendant des décennies la plus importante entreprise appartenant à un Noir dans les Caraïbes. Clement Courtney Ligoure, diplômé en 1916, a été érigé en héros pour avoir traité les victimes de l’explosion d’Halifax en 1917. « Je crois qu’un étudiant qui s’identifie comme Noir et qui envisage de s’inscrire en médecine à l’Université Queen’s sera intéressé par le riche héritage de ses très talentueux prédécesseurs », affirme M. Thomas.

Rédigé par
Wendy Glauser
Wendy Glauser est journaliste à Toronto.
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