Passer au contenu principal

Un doctorat? À quelle fin?

Les diplômés en philosophie des universités canadiennes semblent être désavantagés dans l’obtention d’un poste menant à la permanence.

par LOUIS GROARKE + WAYNE FENSKE | 09 NOV 09

Il circule depuis longtemps des rumeurs voulant que les titulaires d’un doctorat obtenu au Canada soient souvent désavantagés par rapport aux diplômés d’une université étrangère pour l’obtention d’un poste de professeur dans les grandes universités canadiennes. Nous avons examiné la situation au sein de notre discipline, la philosophie, afin de voir si c’est effectivement le cas.

Les paragraphes suivants brossent un tableau du corps professoral des grands départements de philosophie des universités anglophones au Canada en ce qui a trait aux postes permanents ou menant à la permanence. Comme l’indiquent les données, les titulaires d’un doctorat en philosophie obtenu au Canada sont fortement désavantagés quand vient le temps de trouver un emploi, surtout dans les établissements offrant des programmes aux cycles supérieurs en philosophie. Les diplômés de l’Université de Toronto s’en tirent un peu mieux que les autres, mais la plupart des départements d’importance sont principalement composés de professeurs ayant obtenu leur doctorat à l’étranger.

Aux fins de l’étude, les listes de professeurs publiées sur les sites Web des 15 principales universités anglophones du Canada (dont une bilingue, l’Université d’Ottawa) offrant le doctorat en philosophie ont été épluchées. Les professeurs à temps partiel, à la retraite ou contractuels, les professeurs adjoints ou visiteurs ainsi que les chargés de cours ont été exclus. La nationalité n’a pas non plus été prise en considération, le seul facteur important étant le lieu d’obtention du diplôme.

Les données recueillies à la fin du printemps dernier parlent d’elles-mêmes (voir le tableau 1 en haut). En effet, environ 70 pour cent des professeurs occupant un poste permanent ou menant à la permanence dans les principaux départements de philosophie sont diplômés d’une université étrangère (généralement américaine ou européenne), environ 15 pour cent des professeurs réguliers sont titulaires d’un doctorat de l’Université de Toronto et une proportion équivalente sont titulaires d’un doctorat d’une autre université canadienne.

Le pourcentage de professeurs ayant obtenu un doctorat dans une université canadienne va de 5,6 pour cent à l’Université de la Colombie-Britannique à 77,8 pour cent à l’Université Memorial. Dans six établissements, soit les universités Dalhousie, Memorial, McMaster, York, de Guelph et d’Ottawa, au moins 40 pour cent des professeurs réguliers sont diplômés d’une université canadienne.

Au sein des quatre principaux programmes anglophones au Canada, ceux des universités Queen’s, McGill, de la Colombie-Britannique et de Toronto, le pourcentage de professeurs diplômés de l’étranger avoisine les 80 pour cent, celui des diplômés de l’Université de Toronto, les 16 pour cent, et celui des diplômés d’autres universités cana-diennes, les quatre pour cent.

Effet et conséquences

Ces données suggèrent qu’un sentiment d’infériorité perdure dans les départe-ments de philosophie. Les titulaires d’un doctorat obtenu à l’étranger ont évidemment leur place, mais il est déroutant de constater à quel point ils sont avantagés par rapport aux diplômés d’une université canadienne.

L’enjeu est clair : soit les principaux départements de philosophie au Canada se livrent, à compétences égales, à de la discrimination, du moins dans certains cas, soit les programmes de doctorat canadiens produisent des candidats de deuxième classe qui ne font pas le poids à côté de leurs homologues de l’étranger. Aucune de ces possibilités ne nous semble éthiquement et politiquement acceptable.

D’un point de vue éthique, les futurs candidats ont au moins droit à un portrait clair de la situation. Ceux qui envisagent de s’inscrire au doctorat en philosophie dans une université canadienne doivent être informés des tendances décrites dans le présent article. Peut-être faudrait-il également dissuader ceux qui visent un poste menant à la permanence dans une grande université de s’inscrire dans un programme canadien.

Les diplômés des universités cana-diennes peuvent évidemment trouver du travail dans un établissement de plus petite taille offrant des programmes au premier cycle ou dans un collège commu-nautaire. Mais les établissements de petite taille sont, justement, petits. Il faudrait additionner les professeurs des départe-ments de philosophie de beaucoup d’univer-sités de petite taille offrant principalement des programmes au premier cycle pour obtenir l’équivalent d’un seul grand département de philosophie comme celui de l’Université de Toronto.

Voici donc une question ouverte en guise de conclusion : la situation obser-vable dans les départements de philosophie au Canada est-elle représentative de la situation dans d’autres départe-ments? On est en droit de se le demander.

Louis Groarke est professeur adjoint au département de philosophie de l’Université St. Francis Xavier. Wayne Fenske est chargé de cours permanent en philosophie à l’Université polytechnique Kwantlen.

Rédigé par
Louis Groarke + Wayne Fenske
Missing author information
COMMENTAIRES
Laisser un commentaire
University Affairs moderates all comments according to the following guidelines. If approved, comments generally appear within one business day. We may republish particularly insightful remarks in our print edition or elsewhere.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. Mathias Tremblay / 13 novembre 2009 à 12:43

    Il y a un biais énorme dans votre étude. Vous ne nous dîtes pas combien de candidats se présentent avec un diplôme obtenus à l’étranger. Si par poste nous avons 6 candidats et qu’il y a 5 avec des diplômes étrangers, vous voyez que la donne change et je dirai même que les candidats canadiens sont favorisés. Alors si l’on veut se baser sur les données statistiques pour confirmer des faits, faisons le sérieusement et prenons l’avis de statisticiens… Autrement on arrive à des monstruosités scientifiques.

  2. Claude Morin / 6 mars 2012 à 09:41

    Il y a une erreur dans la traduction française. On y dit que les professeurs « adjoints » ont été exclus de l’enquête. Or les professeurs « adjoints » sont l’équivalent de « assistant professors », ce sont des postes menant à la permanence. L’erreur vient de ce que l’on a traduit « adjunct » par « adjoint » au lieu de « associé », le terme en vigueur dans les universités francophones du Canada.

    Il y a des disciplines plus « territoriales », comme l’histoire. Ainsi la place de l’histoire nationale (Canada/Québec) ou régionale dans les départements fait que l’on embauche dans cette spécialité des docteurs formés au Canada, ce qui compense en partie pour la surreprésentation des docteurs formés hors du Canada pour les autres spécialités (Europe, Asie, Amérique latine, etc.).

Click to fill out a quick survey