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Un premier cours interdisciplinaire au premier cycle à l’Université Nipissing sur… la saleté

Deux professeurs créent le premier cours interdisciplinaire de leur université au premier cycle et mènent les étudiants sur un chemin peu fréquenté.

par MOIRA MACDONALD | 12 MAR 14

Le thème de la saleté a donné le ton au premier cours interdisciplinaire de premier cycle de l’Université Nipissing au printemps 2013. La saleté qui se trouve dans le sol et qu’il faut nettoyer après une contamination industrielle. Les personnes considérées comme la lie de la société et qui deviennent victimes de génocide. Les désirs « sales ». La cohabitation des humains avec la saleté illustrée par la carte du choléra dans le Londres des années 1850. La saleté urbaine ainsi que l’invention du système d’égouts et ses répercussions politiques. Et la saleté, ou plutôt la terre, que les étudiants peuvent malaxer avec leurs mains, dans un potager écologique.

La tentative d’établir un lien entre le personnage de Dracula et les fonderies de Sudbury, tout en coordonnant le travail et l’expertise de 10 professeurs issus de huit disciplines des arts et des sciences, peut sembler être une invitation au chaos. C’est en fait le genre de méli-mélo intellectuel dans lequel baignent les professeurs Sal Renshaw et Renée Valiquette, adeptes de l’interdisciplinarité, et qu’ils souhaitaient partager avec leurs étudiants.

« Il y a longtemps que nous pensions qu’un cours donné par une équipe de professeurs serait une réussite », indique M. Renshaw qui, comme Mme Valiquette, enseigne l’égalité des sexes et la philosophie à l’Université Nipissing située à North Bay, en Ontario. Au début de 2013, lorsque le doyen par intérim de la faculté des arts et sciences leur a demandé de bonifier l’offre de cours au premier cycle, ils ont sauté sur l’occasion. Créé en tout juste huit semaines, le cours de deuxième année sur le thème de la saleté « a dépassé toutes nos attentes », soutient Mme Valiquette.

L’interdisciplinarité est, à la base, la collaboration entre plusieurs disciplines dans le but de trouver des réponses à de vastes questions. D’un point de vue pratique, elle défie les diktats des étiquettes intellectuelles et des systèmes de connaissances, et cherche à intégrer des modes de réflexion inspirés d’autres disciplines pour produire un nouveau savoir. Cette démarche est particulièrement bien adaptée aux problèmes qui paraissent insolubles en raison de leur complexité ou de leur nature changeante.

M. Renshaw et Mme Valiquette savaient pertinemment que ce cours ne ferait pas qu’effleurer les disciplines, mais déboucherait plutôt sur un engagement profond et intégré. Offert pendant l’intense et court semestre du printemps, ce cours de six crédits durait six semaines, à raison de quatre séances de trois heures par semaine. Tous les professeurs de la faculté des arts et sciences ont été invités à y contribuer et pouvaient assister, s’ils le souhaitaient, aux exposés des autres.

La moitié des séances ont été données par des conférenciers et l’autre moitié, par Mme Valiquette, la coordonnatrice du cours. Les étudiants en profitaient parfois pour discuter des thèmes soulevés par les conférenciers. La saleté était bien sûr un sujet très intéressant, mais l’objectif ultime du cours était d’apprendre à observer les idées dans une optique interdisciplinaire.

Par exemple, Cameron McFarlane, professeur d’anglais, a choisi de donner deux séances sur la notion de perturbation sociale et la fantasmagorie basée sur la saleté du personnage de Dracula. De son côté, James Abbott, géographe, a présenté une carte de Londres présentant l’épidémie de choléra du milieu du XIXe siècle. Les étudiants ont appris que la cartographie avait permis de remettre en question la théorie voulant que le choléra et d’autres maladies similaires se propageaient par inhalation d’air vicié plutôt que par l’ingestion d’eau contaminée.

L’apprentissage interdisciplinaire a permis aux étudiants de comprendre que la saleté est un concept fondé sur les valeurs et utilisé pour renforcer les normes ainsi que les frontières sociales et culturelles. Les aspects politiques de la propreté ont été abordés dans le cadre d’une conférence sur les différentes conceptions de gestion des déchets humains et animaux et d’un exposé sur le génocide moderne.

Les étudiants sceptiques s’étant inscrits simplement pour obtenir les crédits requis ont élargi leur conception de la saleté. « J’ai appris à apprécier des disciplines que j’aurais autrement jugées inutiles, indique Stephanie Dickson, étudiante en comptabilité. Le cours a éveillé ma curiosité naturelle pour le monde qui m’entoure. » Un autre étudiant explique que « le clivage entre professeurs et étudiants n’existait plus puisque la hiérarchie entre professeurs et étudiants ainsi qu’entre les différentes disciplines, n’existait tout simplement plus. »

Les étudiants devaient rédiger un journal électronique de réflexion critique sur chacun des blocs de lecture et de séances, qui comptait pour 30 pour cent de la note finale. Ils devaient également rédiger un essai en y intégrant ce qu’ils avaient appris, participer à un débat en équipe et passer un examen final.

Pour certains, le cours sur la saleté représente un retour à l’idée traditionnelle de ce que doit être l’expérience universitaire : un lieu d’échanges libres et de circulation des idées entre personnes défendant différents points de vue, tous ancrés dans un savoir fondamental. Après une certaine réticence initiale de la part des professeurs, les concepteurs n’ont eu aucune difficulté à préparer l’édition de cette année qui sera offerte au printemps. Le sujet de cette année? La paresse.

Rédigé par
Moira MacDonald
Moira MacDonald est journaliste à Toronto.
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