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Un rayon d’espoir sur les océans

Les chercheurs canadiens affichent un optimisme prudent à propos de l'avenir des pêches.

par TIM LOUGHEED | 09 JUIN 08

Compte tenu des nombreux rapports apocalyptiques sur l’état des pêches dans le monde, la recherche halieutique peut, aux yeux de certains, sembler sur le point de ravir à l’économie le titre de science du pessimisme par excellence.

Il faut dire que, au début des années 1990, quand l’effondrement des stocks de morue terre-neuviens a sonné le glas d’une industrie vieille de cinq siècles, le Canada s’est retrouvé aux premières loges du drame lié au pillage des océans. Les chercheurs canadiens ont d’ailleurs été parmi les premiers à dénoncer ce pillage.

Chercheur mondialement réputé et professeur d’océanologie à l’Université Dalhousie, le regretté Ransom Myers a, par exemple, publié en 2003 dans Nature un article retentissant où il expliquait que, au cours des 50 années précédentes, la pêche commerciale avait décimé 90 pour cent des stocks mondiaux de grands poissons comme le thon, le makaire ou le requin. « Nous refusons de voir la réalité en face », déplorait-il alors.

Le directeur du Centre des pêches à l’Université de la Colombie-Britannique, Daniel Pauly, partage ce triste constat. Ses recherches sur les espèces de poissons et la pêche qui se pratique dans le monde l’ont en effet convaincu qu’on assiste actuellement à la destruction de maillons fondamentaux de l’écosystème. « Il est difficile de rester optimiste », avoue-t-il.

Mais tous ne sont pas du même avis, loin de là! Nombre d’océanologues restent en effet résolument optimistes. Sans pour autant nier les problèmes évidents, ils insistent sur l’immensité des océans, précisant que nous en savons bien peu à leur sujet. Malgré l’ampleur considérable des dommages infligés aux océans, ils estiment tout à fait possible que la situation se rétablisse.

« La seule chose qui me déprime parfois, confie George Rose, président du Groupe de préservation des pêches à l’Institut des mers de l’Université Memorial, c’est que certains semblent penser que la recherche halieutique n’a plus aucune importance. » Il souligne, par exemple, qu’il a dû rappeler à des fonctionnaires fédéraux, lors d’un déjeuner, que l’industrie des pêches du Canada atlantique continue de gérer chaque année un chiffre d’affaires de plus de quatre milliards de dollars.

M. Rose souligne également que, contrairement aux idées reçues, l’imposition du moratoire sur la pêche à la morue n’a nullement conduit à l’arrêt total des pêches dans la région. « Il y a aussi de bonnes nouvelles sur ce front, assure-t-il. Les pêches ne sont pas partout sur la planète dans un état aussi lamentable que certains le pensent. »

Coauteur avec M. Myers de l’article paru dans Nature en 2003, Boris Worm, biologiste à l’Université Dalhousie, évoque entre autres le cas du Banc Georges, un important banc de pêche de la côte est situé entre Cape Cod et la Nouvelle-Écosse. Il rappelle que, à la suite de l’épuisement des stocks de morue canadiens, les autorités américaines avaient craint qu’un sort semblable ne menace le Banc Georges, riche non seulement en morue, mais aussi en flétan, en aiglefin, en limande-sole et en pétoncles.

« Pour stopper et inverser le processus, des mesures draconiennes ont été prises et la moitié du Banc Georges a été fermée, poursuit-il, racontant comment l’accès à 17 000 kilomètres carrés fut interdit aux bateaux de pêche en 1994. Aujourd’hui, ajoute-t-il, il semble que certaines des principales espèces se portent mieux pour la première fois depuis des décennies. »

Selon M. Worm, ces résultats témoignent de la résistance biologique de l’océan, qu’il s’emploie avec d’autres à évaluer. à la fin de 2006, il a d’ailleurs signé dans Science avec certains collaborateurs étrangers un article en ce sens qui analysait les vertus de la biodiversité, et citait divers exemples de celle-ci, dont le Banc Georges.

La plupart des médias n’avaient toutefois pas tenu compte de ce message positif, préférant insister sur un passage de l’article signalant que, au rythme où vont les choses, la pêche pourrait conduire à un effondrement mondial des espèces d’ici 2048. M. Worm précise pourtant qu’il n’entendait nullement par là prédire avec précision l’état de la situation dans 40 ans, mais simplement « illustrer les dangers de la surpêche actuelle ».

Pour M. Worm, aucune fatalité ne pèse encore sur l’avenir des pêches dans le monde. « Il est encore temps d’agir, assure-t-il, même si les inquiétudes actuelles concernant la sécurité alimentaire, la qualité de l’eau et la capacité de résistance globale des écosystèmes sont fondées. Nous devons nous attacher à inverser la tendance à l’échelle internationale, reconstituer les ressources halieutiques et les écosystèmes où elles évoluent. »

Rédigé par
Tim Lougheed
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