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Conseils carrière

Devriez-vous écouter la série Directrice de Netflix?

Bien que la série souligne plusieurs problèmes actuels auxquels les départements de littérature anglaise des universités font face, elle propose peu de solutions.

par HEATHER MCALPINE | 07 JAN 22

Entre sa représentation des politiques disciplinaires, interdépartementales et institutionnelles et ses personnages complexes, Directrice (The Chair), une comédie dramatique de Netflix se déroulant dans le département de littérature anglaise d’une université, présente un tableau étonnamment familier de ce milieu de travail. Toutefois, même si la série Directrice est bien écrite et que l’interprétation est touchante, j’étais mal à l’aise pendant le visionnement, je l’ai même trouvé pénible par moment. La série n’émet aucune fausse note dans la représentation du département de littérature anglaise; elle est réaliste, bien que problématique. En définitive, la force principale de la série est sa capacité, comme un texte de vulgarisation, à amener le débat sur l’inégalité structurelle qui a cours dans le milieu universitaire dans le discours public.

Je travaille dans une université régionale axée sur l’enseignement et offrant principalement des programmes de premier cycle, contrairement à l’établissement de l’Ivy League dans Directrice. Encore plus important à savoir, je ne suis pas une professeure racisée comme la professeure Ji-Yoon Kim, incarnée par Sandra Oh. Cependant, de nombreux éléments du milieu universitaire représentés dans la série font écho à mes propres expériences et connaissances de la réalité dans les autres universités. J’ai tressailli à la mention de compressions budgétaires, réagi aux interactions maladroites entre nouveaux et anciens professeurs, et grimacé au refus d’un professeur en milieu de carrière d’assumer les conséquences de son discours libre.

Toutefois, ce qui m’a surtout préoccupée quand je regardais les épisodes – hormis de comprendre pourquoi Ji-Yoon Kim vante Harold Bloom – était d’en connaître le public cible. Si la série s’adresse à des professeurs de départements de littérature anglaise, qu’offre-t-elle de plus que des reconstitutions de situations déjà vécues?

En effet, le département est représenté de telle façon que l’on s’interroge sur les raisons qui pousseraient quelqu’un à vouloir enseigner ou suivre un cours d’anglais. Les professeurs s’entêtent à prôner leurs points de vue genrés, générationnels et raciaux. Ils restent également campés sur leurs positions en matière de pédagogie. Les quelques progrès observés, soit la nomination de Ji-Yoon Kim, la première femme et première Asiatique à occuper le poste de directrice du Département de littérature anglaise de l’Université de Pembroke, et l’embauche de la jeune et brillante universitaire noire Yaz McKay semblent bien loin lorsque la série prend fin. Dans presque toutes les scènes, les étudiants incarnent un obstacle ou une menace. Ils s’indignent, sont impulsifs, dénoncent les erreurs et compromettent des carrières. L’enseignement n’apporte que peu de joie. La série fournit seulement deux arguments sur l’importance de la littérature, énoncés dans des circonstances douteuses (bien que divertissantes) : lors de l’attaque publique de Joan Hambling envers un étudiant qui lui a laissé une mauvaise évaluation sur le site Web RateMyProfessors.com et lors de l’audience disciplinaire de Bill Dobson alors qu’il refuse de s’excuser d’avoir fait le salut nazi dans sa classe.

Dès la première scène, pendant laquelle Ji-Yoon Kim tombe d’une chaise brisée dans une métaphore visuelle appuyée, il est clair que le scénario repose sur de nombreuses situations inextricables qui visent à en maximiser la tension narrative. Cette stratégie fonctionne non seulement pour faire connaître son personnage, mais brosse aussi un portrait qui n’est malheureusement pas si loin des expériences vécues par les personnes de couleur qui occupent des postes de pouvoir en milieu universitaire. Être témoin de la complaisance et de la complicité de personnages privilégiés alors que leurs collègues se démènent pour réussir dans un système conçu pour les voir échouer était extrêmement frustrant. La conclusion m’a exaspérée, puisqu’elle a dépeint le recul d’un progrès tant attendu et le triomphe des forces régressives.

Tout d’abord, j’avais cru que cette série offrirait la joie maligne de détromper ceux qui considèrent que la littérature anglaise est une discipline confortablement installée dans sa tour d’ivoire, plutôt qu’une leçon adressée aux personnes qui enseignent dans des départements de littérature. Il est impressionnant de voir une populaire série Netflix dépeindre, pour un public non universitaire, les problèmes et les conversations qui touchent plusieurs universitaires en ce moment, soit à quoi ressemble l’égalité, la diversité et l’inclusion dans nos départements et nos établissements. Qu’enseignons-nous? Comment l’enseignons-nous? À qui l’enseignons-nous? Qui peut enseigner? Qui détient le pouvoir? Qui est exclu du dialogue? Quels intérêts servons-nous?

La littérature elle-même n’est pas le problème. En réalité, comme la série le démontre, l’étude de la littérature, lorsqu’elle est entre bonnes mains, favorise des discussions sur l’identité, le pouvoir et l’empathie, ce qui entraîne des prises de conscience et des actions. Cependant, la conclusion tragique de la série rappelle aussi au grand public que les départements de littérature anglaise font partie de grands établissements où l’injustice sociale est profondément enracinée et qui depuis toujours préservent et répliquent les systèmes d’oppression. Le fait de pourvoir les postes de pouvoir avec ces mêmes personnes que le système fondamentalement défaillant oppresse ne constitue pas un réel progrès. Comme l’arc narratif de Directrice le montre, les établissements eux-mêmes doivent être repensés de manière radicale.

Heather McAlpine est professeure agrégée au Département de littérature anglaise de l’Université de la vallée du Fraser.

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