Passer au contenu principal
Conseils carrière

Vous avez le droit de ne pas terminer votre doctorat

par JENNIFER POLK | 18 FEV 16

On m’interroge parfois sur le fait d’abandonner, et plus précisément sur l’abandon d’un doctorat. C’est justement arrivé à plusieurs reprises récemment, alors que je me trouvais à Vancouver.

Contrairement à ce que vous entendez ou à ce que vous dit votre petite voix intérieure, il n’y a pas de honte à passer à autre chose. Je me souviens d’un long message publié sur le forum Versatile PhD par PJ, un doctorant qui en était à l’étape de rédaction de sa thèse et qui envisageait d’abandonner plutôt que de consacrer encore deux ans (au minimum) à son doctorat. Un participant au forum lui a répondu ce qui suit : « La véritable question est de savoir si vous voulez être un lâcheur. Tous ne voient pas la chose de la même façon, et plusieurs diront que ce n’est parce qu’on ne termine pas un doctorat qu’on est un lâcheur, mais c’est pourtant le cas. » Heureusement, les autres réponses étaient plus nuancées et proposaient des pistes de réflexion et des conseils utiles. « Vouloir terminer à tout prix n’est pas une fin en soi, soulignait un ancien professeur permanent. Si votre seule motivation est de finir votre doctorat, les prochaines années s’annoncent longues. » Et il avait bien raison.

Avant de prendre une décision, faites la distinction entre ce que vous dit votre petite voix intérieure – qui répète sans doute les critiques que vous entendez dans votre entourage – et ce que vous pensez être le meilleur choix pour vous. Faites confiance à votre instinct. Selon mon expérience, c’est une décision qui change au fil du temps. J’ai travaillé avec quelques clients qui envisageaient de ne pas terminer leur doctorat. Pendant que vous êtes en réflexion, c’est tout à fait légitime d’être hésitant et de poursuivre vos travaux tout en installant peu à peu une distance psychologique et émotionnelle. Quels sont vos objectifs? Une fois que vous les avez établis, déterminez la bonne stratégie pour les atteindre (en suivant les conseils de Harvey P. Weingarten dans son récent article.)

L’idée selon laquelle « personne n’aime les lâcheurs », qui circule dans les facultés d’études supérieures, voire dans le milieu universitaire, n’est pas justifiée. Obtenir un doctorat n’est ni bon ni mauvais en soi. C’est une bonne décision seulement si c’est une bonne décision pour vous. Ceux qui décident de renoncer au grade sont les seuls arbitres de leurs motivations; le reste du monde s’en fiche généralement. Il est intéressant de souligner que sur le forum de PJ, les professeurs au premier cycle leur conseillaient unanimement d’abandonner. Je laisse à ce sujet le professeur d’anglais (et superviseur de thèses) Leonard Cassuto s’exprimer au nom des superviseurs dignes de ce nom : « La plupart des étudiants que je supervise terminent leur thèse et obtiennent un emploi. Je suis fier d’eux. Certains décident cependant d’abandonner, et je n’en suis pas moins fier (Graduate School Mess, p. 121). Je ressens la même fierté envers mes clients, peu importe la voie qu’ils choisissent.

Il y a quelque temps, Christine Slocum a fait une réflexion sur son parcours professionnel dans un article de la série Transition Q & A. Elle a obtenu une maîtrise puis fait deux ans de doctorat avant de tout laisser tomber. Dans son article, elle explique les différentes raisons qui ont motivé son choix, dont un sentiment d’épuisement, le manque de solidarité dans son département et son désir de fonder une famille. L’obtention d’un doctorat ne concordait plus avec ses objectifs : « Après une profonde réflexion, je me suis souvenue que ma motivation première à faire des études en sociologie était de mieux comprendre les mécanismes de stratification sociale pour mieux savoir comment les démanteler. Après quatre ans d’études supérieures, j’ai eu l’impression que les cinq années suivantes seraient mieux investies à travailler pour une ONG, un organisme à but non lucratif ou le gouvernement afin d’acquérir de l’expérience pratique. »

Heather Steel a pris une décision similaire lorsqu’elle a choisi de tout arrêter pendant la rédaction de sa thèse. Ses études supérieures lui ont permis de mieux se connaître. « Certains aspects de mon programme d’études me plaisaient beaucoup, comme les cours, les lectures et la réflexion, l’enseignement et mes collègues. Au final, j’ai cependant compris que de rester assise pendant des heures devant un lecteur de microfilms pour rédiger une thèse qu’à peu près personne ne lirait n’avait rien d’épanouissant. » Heather a ainsi découvert qu’elle aimait « la recherche à petites doses, mais pas les projets qui prennent des années avant de produire des résultats ». Lorsque j’ai fait une entrevue exploratoire avec elle pour la série Transition Q & A, j’ai appris qu’elle ne regrettait pas ses choix, et sa carrière progresse bien depuis.

Pendant que j’étais à Vancouver, un étudiant aux cycles supérieurs qui assistait à une de mes conférences a fait un témoignage : il a abandonné des études doctorales il y a de nombreuses années, et le voilà aujourd’hui inscrit à un autre programme de doctorat! Il a presque terminé et, cette fois, il sait qu’il est à sa place. Je connais plusieurs personnes qui ont fait comme lui, pour différentes raisons. Fascinant, n’est-ce pas?

Si vous croyez que de terminer votre doctorat est la bonne chose à faire, continuez. Allez chercher de l’aide et du soutien, faites-le à temps partiel, prenez une pause ou un congé autorisé pour revenir en force. Faites tout ce qu’il faut pour vous faciliter la vie. Si, au contraire, votre projet de doctorat a perdu son sens – vos objectifs ont changé, vous en avez appris plus sur vous-même au fil des ans –, j’appuie votre décision d’y mettre fin. Vous ne lâchez pas, vous empruntez une nouvelle voie qui vous convient mieux en vous appuyant sur vos apprentissages et vos expériences et en les appliquant dans un contexte mieux adapté à votre personnalité, à votre façon de travailler et à vos objectifs. C’est un choix risqué et courageux, mais c’est aussi une façon de vous respecter, ce que je n’ai pas réussi à faire avant la fin de mon doctorat. Ne faites pas la même erreur que moi.

Jennifer Polk est conseillère en carrières et écrivaine. Elle a obtenu un doctorat en histoire de l’Université de Toronto en 2012. Son blogue, intitulé From PhD to Life, est publié sur la version anglaise de notre site Web, universityaffairs.ca.

COMMENTAIRES
Laisser un commentaire
University Affairs moderates all comments according to the following guidelines. If approved, comments generally appear within one business day. We may republish particularly insightful remarks in our print edition or elsewhere.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. amna / 4 avril 2019 à 16:09

    Très juste et pourtant l’hésitation est bien présente et étouffante.

Click to fill out a quick survey