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À mon avis

La démocratie libérale ne doit pas être tenue pour acquise

L’extrémisme lié à diverses idéologies est aujourd’hui étonnamment envahissant. C’est un poison politique qui doit être constamment rejeté.

par PAUL AXELROD | 03 AOÛT 17

J’ai eu le privilège de devenir majeur dans les années 1960, lorsque tout semblait possible. Aujourd’hui, envisager l’avenir exige une bien meilleure capacité d’adaptation.

Les baby-boomers nord-américains, surtout au Canada, ont traversé une époque de paix et d’immense prospérité (malgré l’horrible guerre du Vietnam). Leurs parents, issus de la classe ouvrière ou de la classe moyenne, ont vécu la dépression économique et la guerre, mais ont récolté les fruits de leurs efforts et de leurs sacrifices. Des prêts hypothécaires garantis par l’État leur ont permis de devenir propriétaires. Des dizaines de milliers d’anciens combattants ont poursuivi gratuitement des études postsecondaires grâce au premier grand programme d’aide financière aux étudiants de l’histoire du pays. Ils ont décroché des emplois lucratifs lors de la période d’après-guerre, marquée par une croissance économique soutenue et un faible taux de chômage.

Leurs enfants (les gens de ma génération) en ont profité à leur tour. Ils ont atteint un niveau de scolarité encore plus élevé et ont eu accès à de meilleures possibilités d’emplois. Ils ont pu bénéficier de soins de santé gratuits, de vacances estivales et de toute une gamme de nouveaux produits de consommation dignes de Disney World.

Au vu d’une telle prospérité, les manifestations étudiantes des années 1960 semblent futiles, et certains des jeunes qui y ont participé étaient marginaux et égocentriques. Malgré tout, même ce mouvement d’opposition était empreint de l’optimisme politique de l’époque. Les militants demandaient aux démocraties libérales d’être à la hauteur de leurs idéaux élevés en s’attaquant aux problèmes de pauvreté, au racisme, au sexisme et aux pratiques éducatives qui, au lieu de favoriser la croissance personnelle, étaient contraignantes.

Toutes formations politiques confondues, des conservateurs les plus opiniâtres aux nouveaux gauchistes militants, les gens entrevoyaient un monde meilleur et s’efforçaient de le concrétiser. Un progrès politique inspiré du modèle libéral démocrate semblait non seulement possible, mais inévitable. La chute du mur de Berlin, en 1989, en est un exemple particulièrement percutant. Nous avions l’impression que notre société ne pouvait que continuer à s’améliorer.

Mais, comme nous le savons maintenant, le monde n’évolue pas de façon linéaire et constante et nous ne pouvons pratiquement rien tenir pour acquis, y compris la liberté, la paix et la prospérité. Les actes terroristes brutaux et effrayants commis depuis 2001 sont loin de représenter les seules menaces à la démocratie libérale. L’effondrement économique de 2008 n’était-il qu’une anomalie passagère du capitalisme, ou bien une défaillance systémique vouée à se reproduire? L’autoritarisme récemment observé dans des démocraties en croissance comme la Turquie et la montée du néo-fascisme en Europe sont peut-être le fruit d’une tendance ou une simple anomalie. Le refus indéfendable d’accueillir des conférenciers controversés sur nos propres campus universitaires compromet notre culture axée sur l’éducation libérale.

La présidence de Donald Trump, avec son hostilité envers la liberté de presse, son antipathie pour la science, les données probantes et la vérité, sa diabolisation des musulmans et des immigrants et ses politiques perverses fondées sur un nationalisme fermé, pourrait mettre en péril les valeurs libérales de base qui ont été favorisées au Siècle des Lumières et qui servent raisonnablement bien le monde depuis trois siècles, malgré certaines imperfections. Pour relancer le progrès, nous devrons soigneusement réaffirmer, voire réinventer, ces valeurs au cours des mois et des années à venir. L’extrémisme lié à diverses idéologies est aujourd’hui étonnamment envahissant. C’est un poison politique qui doit être constamment rejeté.

Les écoles, les tribunaux, les gouvernements, les médias et même les entreprises, le marché du travail et les dirigeants communautaires ont un rôle de premier plan à jouer dans un tel mouvement. La liberté individuelle, l’affranchissement d’un pouvoir arbitraire, le droit à la véritable liberté d’expression, la lutte contre les inégalités sociales et économiques et la protection contre la discrimination religieuse, raciale et sexuelle dépendent non seulement de la reconnaissance de la Charte des droits, mais aussi de la promotion active de ces droits dans le discours public.

Les meilleurs moyens d’aborder ces enjeux feront toujours l’objet de débats. Certains considèrent qu’une interdiction des discours haineux compromet la liberté d’expression, tandis que d’autres jugent qu’elle protège les droits des minorités. Les socialistes et les libertariens ne s’entendront jamais sur le rôle adéquat du gouvernement dans notre économie et nos vies. Mais le plus important est de pouvoir en débattre pacifiquement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des établissements d’enseignement, et de veiller à l’intégrité du processus décisionnel politique. Nous sommes en grave difficulté si les gens ne croient plus au système ou se tournent de plus en plus vers ceux qui sont déterminés à le détruire.

Les baby-boomers, ni qui que ce soit d’autre d’ailleurs, ne devraient pas tenir pour acquises la survie et la pérennité de la démocratie libérale. N’hésitez donc pas à lire, à écrire, à parler et à unir vos forces pour défendre les valeurs fondamentales de la vie démocratique et de la courtoisie politique. N’attendez pas qu’il soit trop tard.

Paul Axelrod est historien et professeur à la retraite de l’Université York. Il est entre autres l’auteur de Values in Conflict : The University, the Marketplace, and the Trials of Liberal Education.

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