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À mon avis

L’art de concilier famille et travail

Le manque d’équité n’est ni nouveau ni propre aux sciences.

par MAUREEN MACDONALD | 03 OCT 17

Je n’avais pas prévu devenir la première doyenne de la faculté des sciences de l’Université McMaster. Le poste était ouvert et l’idée était certes séduisante, mais je ne m’imaginais pas dans ce rôle. J’étais déjà assez occupée à élever mes enfants et à trouver, parfois tant bien que mal, un équilibre entre ma vie familiale et mes activités de recherche, d’enseignement et de gestion à l’Université McMaster, où mon mari est aussi chercheur en sciences et professeur, ce qui l’occupe beaucoup.

Le vice-recteur aux études de l’établissement, David Wilkinson – qui a par le passé dirigé un projet visant à cerner et à corriger les inégalités de rémunération entre professeures et professeurs – m’a demandé pourquoi je ne soumettais pas ma candidature. Je lui ai expliqué que je ne pouvais envisager d’occuper un poste qui me forcerait à reléguer ma famille au second rang et à travailler les soirs et les fins de semaine, moments où mes trois enfants avaient besoin de moi à la maison comme pour les accompagner à leurs activités.

Interpellé par ma réponse, M. Wilkinson en a conclu que le problème ne tenait pas à mes obli­gations familiales, mais au poste lui-même : si des femmes compétentes ne postulaient pas en raison de leurs autres obligations parfaitement légiti­mes, il fallait modifier la perception du poste et les contraintes qui y sont associées. Il m’a demandé si j’avais des pistes de solution à lui proposer.

J’ai finalement jugé que la meilleure manière d’aborder le problè­me était de l’intérieur. J’ai donc postulé, et me voici dans mes nouvelles fonctions. En plus d’être à la tête de la faculté des sciences d’une grande université axée sur la recherche, je constate que je suis devenue une sorte de symbole et que les attentes envers moi sont élevées.

J’ai été surprise par les réactions qu’a suscitées ma nomination. Des étrangers m’ont écrit ou téléphoné, se disant heureux qu’une femme occupe le bureau du doyen, voyant là un signe annonciateur de changements. Ça me va. Je suis heureuse de montrer qu’une femme peut occuper un poste de direction dans un milieu longtemps dominé par les hommes, sans que sa famille en paie le prix.

À moi maintenant de me montrer à la hauteur des attentes et d’en tenir compte dans tout ce que je fais. Je suis prête à relever ce défi, car un dirigeant qui est mal à l’aise avec les attentes­ élevées d’autrui n’est pas à sa place.

Je sais que je suis privilégiée à maints égards : je vis au Canada, et j’ai bénéficié d’une bonne éducation et de nombreuses possibilités. Mes parents ont ancré en moi la conviction que les jeunes filles et les femmes sont aptes à faire tout ce qu’elles veulent. Quand j’étais en 11e année, mon professeur de chimie m’a prise à part pour me conseiller d’envisager une carrière scientifique. Je n’y avais jamais pensé.

Aujourd’hui, à l’heure où je tente d’instaurer à l’Université McMaster un climat idéal pour l’enseignement des sciences, l’appren­tissage et la recherche, je suis déterminée à faire de l’équité une règle qui ne relève pas du privilège, mais qui va de soi – équité pour les hommes et les femmes, mais aussi pour tous ceux qui font face à des obstacles.

Quand j’étais étudiante aux cycles supérieurs, un de mes mentors m’a prouvé qu’il était possible d’avoir une vie équilibrée. Gardant toujours son équipement de course à pied au labo, il partait courir tous les midis. Puis, chaque après-midi, il allait chercher ses enfants à l’école. Il avait beaucoup de succès professionnellement, mais il ne négligeait pas de prendre soin de sa santé et de sa famille. Son exemple m’a profondément marquée. Il m’a montré qu’il est possible de concilier famille et travail, même avec une carrière universitaire.

Le manque d’équité n’est ni nouveau ni propre aux sciences. Il y a longtemps que nous aurions pu y remédier. Le gouvernement canadien s’y emploie intelligemment, comme en témoigne entre autres la modification du processus d’attribution des Chaires de recherche du Canada : désormais, tout finan­cement est refusé aux universités qui ne se plient pas aux obligations fixées en matière d’équité. Au Royaume-Uni, la charte Athena SWAN (Scientific Women’s Academic Network), déjà largement adoptée, impose le respect d’une série de principes destinés à lever les obstacles liés au genre dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques.

À l’époque où je participais à un échange étudiant en Angleterre, j’ai été témoin d’une pratique si sensée que je me suis étonnée que personne n’y ait pensé avant : à 16 h 30, toutes les réunions sur le campus prenaient fin, la journée de travail standard étant terminée. Quiconque avait des obligations familiales ou autres pouvait alors partir – et le faisait d’ailleurs, sans que personne ne fronce les sourcils. C’est le genre de choses qui peuvent sembler anodines, mais qui comptent.

Ici à l’Université McMaster, peu après mon entrée en fonction comme doyenne, nous tentions de pourvoir un poste de haut rang auquel, selon le protocole, les can­didats ne pouvaient postuler directement. Chose regrettable, car je sais que pour une foule de raisons, les femmes sont plus réticentes que les hommes à demander à quelqu’un de proposer leur candidature. Nous avons donc décidé de laisser les can­didats postuler directement. Si nous adoptons ce type de démarche pour guider ce qui doit changer ou être amélioré, alors tout le monde y gagnera.

Maureen MacDonald est doyenne de la faculté des sciences de l’Université McMaster depuis le 1er  mai 2017.

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