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À mon avis

Les provinces financeraient les étudiants au détriment des universités

Ce que les budgets provinciaux de 2013 signifient pour le secteur de l’enseignement supérieur.

par ALEX USHER | 03 JUILLET 13

Un modèle se profile en matière d’établissement des budgets provinciaux à l’égard de l’enseignement supérieur depuis les deux dernières années. Il mérite qu’on s’y attarde plus qu’on ne l’a fait jusqu’à présent. Bien que de nouvelles sommes aient été allouées aux universités et aux collèges, au secteur dans son ensemble, les gouvernements semblent privilégier l’aide financière aux étudiants plutôt que de soutenir les établissements eux-mêmes.

Trois remarques s’imposent en ce qui concerne les données budgétaires qui sont présentées ci dessous. Premièrement, ce que les budgets provinciaux prévoient comme financement pour l’enseignement supérieur n’a souvent qu’un vague lien avec les dépenses réelles. Au Québec, l’an dernier, par exemple, les fonds affectés aux établissements universitaires étaient au moins de 120 millions de dollars inférieurs à ce qui était prévu dans le budget.

Deuxièmement, par souci de cohérence, il est nécessaire de comparer les budgets actuels avec aux budgets des années précédentes, et non avec les dépenses réelles, puisqu’ils ne sont évidemment pas le reflet de la réalité. En effet, les budgets correspondent davantage aux intentions de dépense des provinces, ce qui, en soi, est intéressant du point de vue de l’analyse des priorités sur le plan politique.

Troisièmement, les subventions de fonctionnement totales (dépenses en immobilisations exclues) diffèrent des formules de financement. Dans l’ensemble, les gouvernements semblent de plus en plus désireux d’allouer à des fins particulières des fonds hors formule : en Ontario, par exemple, une proportion de 25 pour cent des augmentations des budgets de fonctionnement annoncées était destinée à un fonds spécial pour financer des projets visant la promotion de la santé mentale chez les étudiants. Ces fonds comportent, pour les établissements, un aspect imprévisible.

Pour commencer, la figure 1 expose les variations des transferts aux établissements, en comparant le cycle budgétaire de l’an dernier à celui de cette année.

Six des dix provinces affichent des compressions, quoique modestes dans la plupart des cas; la Saskatchewan est le cas d’exception, où la prospérité se poursuit à un rythme, semble-t-il, soutenu. À l’échelle nationale, on observe une diminution nette en chiffres absolus d’environ 120 millions de dollars du financement provincial, pour des dépenses totalisant 16 milliards de dollars. Cela représente une baisse de 0,7 pour cent, ou 1,7 pour cent en dollars réels (après inflation), pour une troisième année consécutive de chute des transferts réels (baisse de 1,6 pour cent en 2011-2012 et de 0,27 pour cent en 2012-2013). Il s’agit de la première année depuis la fin des années 1990 qu’à l’échelle nationale, les dépenses exprimées en dollars non indexés subissent une baisse.

La situation est tout à fait différente lorsque nous examinons l’aide aux étudiants. Cette compression de 120 millions de dollars touchant les établissements a été plus que compensée par une augmentation de 135 millions de dollars à l’aide financière aux étudiants.

Certaines de ces variations méritent une explication. Si on compare d’une année à l’autre, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve semblent avoir toutes deux effectué des compressions touchant l’aide financière aux étudiants. En Colombie-Britannique, cependant, la baisse pourrait être attribuable à des changements apportés aux catégories de dépenses tandis qu’à Terre-Neuve, on mentionnait, dans le discours du budget, que le programme d’aide aux étudiants serait bonifié. De fait, il semblerait que le gouvernement terre-neuvien ait présenté l’an dernier un budget trop généreux et que, par conséquent, il révise ses prévisions à la baisse. Un point essentiel demeure toutefois : au Canada, l’aide aux étudiants a augmenté de 135 millions de dollars (ou d’environ 6,4 pour cent), pour s’établir à 2,3 milliards de dollars annuellement.

Il ne s’agit pas d’une tendance passagère. En englobant l’exercice 2011-2012, ce qui nous permet de constater le plein effet des rabais applicables sur les frais de scolarité de l’Ontario, nous obtenons ceci :

Bien que cela semble difficile à croire, les dépenses en matière d’aide financière aux étudiants ont augmenté de 25,4 pour cent sur une période de deux ans à l’échelle nationale. Pour la même période, les établissements ont, quant à eux, obtenu une augmentation de seulement 0,9 pour cent. Si on exprime ces pourcentages en dollars, l’aide financière aux étudiants a augmenté de 465 millions de dollars tandis que la hausse du financement des établissements s’élève à 156 millions de dollars. En d’autres mots, pour chaque nouveau dollar alloué à l’enseignement supérieur, un maigre 25 cents est accordé aux établissements.

Un écart de trois pour un entre l’aide financière aux étudiants et les établissements pourrait être opportun si les gouvernements provinciaux autorisaient les établissements à augmenter les frais de scolarité afin de compenser la baisse effective du financement provincial, comme cela a été le cas dans les années 1990. Nous ne sommes toutefois pas dans la même situation : en 2012-2013, à l’échelle nationale, les frais de scolarité ont augmenté d’un peu plus de 2,5 pour cent; en 2013-2014, l’augmentation sera presque certainement de moins de deux pour cent. Ce rapport de trois pour un pourrait être justifiable si l’aide aux étudiants parvenait aux étudiants les plus démunis en vue d’alléger le coût de leurs études, mais cela n’est pas le cas. La subvention de 30 pour cent de l’Ontario n’a, par définition, généré aucune nouvelle aide pour les étudiants à faible revenu. Il semble qu’elle ait plutôt été versée à des familles de la classe moyenne.

Il faut bien se rendre à l’évidence qu’à l’heure actuelle, les gouvernements estiment que financer l’aide aux étudiants est plus attrayant sur le plan politique que d’injecter des fonds dans les établissements. L’enseignement supérieur à moindre coût semble plaire davantage à l’ensemble de la population qu’un secteur universitaire de meilleure qualité. Inverser ces deux tendances, voilà la principale mission des dirigeants universitaires au cours des deux prochaines années.

Alex Usher dirige le cabinet Higher Education Strategy Associates (HESA), établi à Toronto. Il publie un blogue quotidien sur l’enseignement supérieur au Canada, One Thought to Start Your Day, sur le site de HESA.

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