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À mon avis

« Ma grand-mère est morte » : une excuse valable

Les étudiants doivent demander de l’aide et le système doit leur fournir des solutions.

par CHRISTOPHER BUDDLE | 31 AOÛT 18

Au printemps dernier, un article du Chronicle of Higher Education faisait état de la propension de certains professeurs à balayer du revers de la main les excuses « toutes faites » (du type « ma grand-mère est morte ») des étudiants qui demandent des mesures d’adaptation ou qui s’absentent de leurs cours. Après la parution de l’article, un ancien étudiant m’a écrit. Il y a quelques décennies, il n’avait pu se rendre au chevet d’un proche mourant parce qu’un professeur avait refusé de l’accommoder, prétextant une échéance impossible à repousser. Il regrettait encore sa décision d’être resté à l’université pour satisfaire aux exigences du système au lieu de rentrer chez lui.

Nous ne devons pas prendre à la légère le décès de grands-parents, la maladie d’un enfant, les problèmes de santé mentale ou même la grippe. La plupart des étudiants que j’ai connus au fil des ans auraient volontiers passé un examen plutôt que de devoir surmonter le deuil ou la maladie. Comme les étudiants ne disposent d’aucun congé personnel, les universités n’ont d’autre choix que de composer avec les demandes d’accommodement. Et si nous sommes sérieux dans notre volonté de traiter les autres comme nous voudrions être traités, nous devons revoir nos façons de faire et changer de perspective.

Lorsqu’un étudiant s’adresse à un professeur pour obtenir un accommodement, celui-ci devrait spontanément lui faire confiance. Imaginez devoir demander à votre directeur, doyen ou superviseur si vous pouvez prendre congé pour assister à des funérailles ou rentrer au travail plus tard parce que votre enfant a la gastro et que vous n’avez pas fermé l’œil de la nuit. En pareilles circonstances, nous nous attendons tous à un minimum de compréhension. Pourquoi en serait-il autrement des étudiants?

Pour certains, les jeunes doivent commencer par faire leurs preuves et découvrir la dure réalité de la vie afin d’acquérir de la maturité. La vie n’est pas facile, c’est vrai. Mais en cas de coup dur, les jeunes ont besoin d’empathie, de soutien et d’une structure réceptive à leurs demandes et respectueuse de leur droit à la vie privée (sans pour autant les exempter des exigences de leurs cours et de leur programme).

Tout comme nous, qui nous retenons souvent de réclamer des mesures d’adaptation, la plupart des étudiants ne recherchent aucun traitement de faveur. Après tout, les enjeux sont de taille, les difficultés, de nature personnelle et privée, et les conséquences sur leurs études, non négligeables. Les étudiants risquent de devoir passer leurs examens des semaines, voire des mois après avoir suivi les cours, accumulant ainsi un retard qui leur impose une pression supplémentaire. Bien souvent, avant de demander un accommodement, ils doivent peser le pour et le contre et choisir la solution la moins dommageable. La plupart n’entreprennent d’ailleurs aucune démarche, préférant gérer la situation en privé. Mais lorsqu’une situation d’urgence ou de maladie coïncide avec une période de grand stress à l’université, les étudiants doivent demander de l’aide, et le système doit leur fournir des solutions.

Je suis conscient que certains cherchent à profiter du système pour obtenir des avantages, comme le report d’un examen, mais j’ose croire qu’il s’agit là d’une minorité. En tant que doyen des affaires étudiantes, j’ai vu des personnes talentueuses et ambitieuses se démener pour obtenir des mesures d’adaptation en s’engageant dans un processus parfois trop rigide et souvent dépassé. Les demandes d’accommodement sont de plus en plus fréquentes, et les établissements d’enseignement feraient mieux de s’adapter plutôt que de continuer à croire que les étudiants manquent de résilience. Bien sûr, les étudiants doivent apprendre à surmonter des défis de toutes sortes, mais nous ne pouvons fermer les yeux sur les difficultés – auxquelles la société est de plus en plus sensibilisée – pouvant survenir dans leur vie. Ces situations justifient souvent la recherche de compromis pour faire en sorte que tous les étudiants soient traités de façon équitable. Il ne faut pas non plus pénaliser la majorité sous prétexte qu’une poignée abuse de notre confiance.

À l’Université McGill, nous travaillons sur un projet qui permet aux étudiants de différentes facultés de reporter – une seule fois – un examen final sans billet du médecin. L’initiative vise à réduire le temps d’attente et l’engorgement du système de santé, et repose essentiellement sur une relation de confiance avec nos étudiants. Elle a suscité une certaine opposition, tout à fait légitime, liée à la surcharge de travail imposée au bureau des affaires étudiantes et aux professeurs qui doivent organiser et corriger plus d’examens différés. Sa poursuite nécessitera donc davantage de ressources, au même titre que la mise en place d’un processus de gestion des accommodements centralisé et d’une stratégie d’évaluation plus souple, fondée sur des principes de conception universelle. Mais à mon avis, le jeu en vaut la chandelle.

Il ne sera pas facile de repenser les mesures d’accommodement en milieu universitaire, mais il s’agit d’un travail important. Nous devons aborder ce défi de front en mobilisant l’ensemble du milieu universitaire. Il nous faut soutenir adéquatement les étudiants, leur faire confiance et chercher des solutions de façon constructive au lieu d’entretenir un système malsain. Si vous dites que votre grand-mère est morte, je vous crois. Et nous allons vous aider.

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