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À mon avis

N’y a-t-il donc rien de sacré? Nos énoncés d’enseignement ont été plagiés

par MARY ANNE WHITE AND JOAN DAVISON CONROD | 13 JAN 16

Nos énoncés de philosophie d’enseignement semblent avoir été plagiés à grande échelle. C’est inquiétant. De tels énoncés sont par nature propres à chaque personne. Il est absurde qu’ils soient plagiés, surtout quand on sait à quel point le plagiat constitue un sérieux problème au sein du milieu universitaire. Nous avions généreusement autorisé l’utilisation de nos énoncés de philosophie d’enseignement dans des documents de référence. Malheureusement, certains les ont publiés en ligne sans indiquer que nous en étions les auteures. Nos philosophies d’enseignement ont été abondamment plagiées.

Consultez-vous les énoncés de philosophie d’enseignement d’autrui figurant, par exemple, dans les dossiers d’enseignement intégrés aux dossiers liés à la permanence, aux promotions ou aux candidatures? Si l’une des phrases suivantes vous semble familière, vous devriez être mal à l’aise :

  • « Les gens sont très curieux de nature. »
  • « L’éducation devrait avoir pour but d’inciter à chercher des réponses, car c’est ainsi qu’on progresse. »
  • « J’apporte beaucoup d’énergie à ma classe. Si je n’arrive pas à m’enthousiasmer pour mon sujet, comment mes étudiants le pourraient-ils? »

Toutes ces phrases proviennent de nos propres énoncés de philosophie d’enseignement. Elles sont de nous, et de personne d’autre.

Carol O’Neil et Alan Wright, du Centre d’apprentissage et d’enseignement de l’Université Dalhousie, ont signé dans les années 1990 un ouvrage intitulé Recording Teaching Accomplishment, qui en est depuis à sa cinquième édition. Beaucoup l’utilisent pour préparer un dossier d’enseignement. Comme bien d’autres, nous avons autorisé l’utilisation à cette fin de nos énoncés de philosophie d’enseignement, voire de l’intégralité de nos dossiers. Dans l’ouvrage précité, tous les énoncés de philosophie d’enseignement sont attribués comme il se doit aux auteurs, mais sa première édition date d’une vingtaine d’années…

Récemment l’une de nous deux a prodigué des conseils à une jeune chercheuse candidate à son premier poste universitaire. La jeune chercheuse a ainsi pu consulter l’énoncé complet de philosophie d’enseignement, dont les deux premières phrases citées plus haut sont extraites. On n’a cependant pas manqué d’ajouter : « Bien sûr, votre énoncé sera sensiblement différent, mais j’ai pensé que consulter le mien pourrait vous aider ». La jeune chercheuse lui a répondu : « Saviez-vous qu’une version de votre énoncé d’enseignement est accessible en ligne? Voici le lien qui y mène. »

Nous sommes par la suite retombées sur ce lien après avoir entré dans Google « exemples de philosophies d’enseignement ». Nous avons ainsi découvert que des extraits de nos énoncés figuraient sur le site du Centre de soutien à l’enseignement d’une grande université canadienne. Seul crédit indiqué : « Extrait du Guide de préparation d’un dossier d’enseignement de l’Université Dalhousie ». Nos énoncés n’étaient pas intégralement reproduits, et les extraits reproduits n’étaient pas attribués à leurs auteures (alors qu’elles l’étaient dans le Guide de l’Université Dalhousie). Aucune autorisation ne nous avait été demandée.

Cela nous a conduites à approfondir notre enquête. Nous avons constaté qu’il suffit d’entrer dans Google la phrase « J’apporte beaucoup d’énergie à ma classe », citée plus haut, pour tomber sur 16 liens menant à des énoncés de philosophie d’enseignement d’autres personnes contenant exactement cette phrase. Les plagiaires en question se trouvent partout dans le monde. Parmi eux figurent aussi bien un professeur d’anglais de 4e année qu’un enseignant d’une université canadienne très réputée. Google est parfois très instructif…

Poursuivant notre enquête, nous sommes tombées sur une autre philosophie d’enseignement comportant un autre extrait, mot pour mot, de nos énoncés : « Les gens sont très curieux de nature. L’éducation devrait avoir pour but d’inciter à chercher des réponses, car c’est ainsi qu’on progresse. » Nous pensons désormais qu’il existe de nombreuses versions reformulées, et de versions hors ligne, de nos énoncés de philosophie d’enseignement!

Le fait d’avoir si aisément accès à des « exemples » d’énoncés de philosophie d’enseignement facilite ou favorise peut-être ce genre de copiés-collés. De plus, le fait que les énoncés accessibles en ligne ne soient pas attribués à leurs auteurs amplifie peut-être le problème.

Nous nous sommes aperçues de ce qui précède quelques jours à peine avant le début du trimestre d’automne, moment où nous commençons nos cours en précisant bien aux étudiants que la source de toute citation doit être dûment précisée, sous peine de graves conséquences. La politique de l’Université Dalhousie précise clairement que le plagiat consiste entre autres dans « le fait de ne pas attribuer à leurs auteurs les citations utilisées ». Toutes les universités respectables devraient avoir des politiques semblables.

Ce n’est visiblement pas le cas de l’université dont le Centre de soutien à l’enseignement a utilisé nos énoncés. À sa décharge, ce Centre a supprimé les extraits de nos énoncés le jour même où nous avons communiqué avec lui. Mais nous estimons que notre confiance a été trahie.

En tant qu’universitaires, nous connaissons la valeur que notre milieu attache aux recherches poussées et originales. Nous préparons avec soin des guides sur l’intégrité universitaire et sanctionnons comme il se doit nos pairs et nos étudiants coupables de plagiat. Jusqu’à présent, les sanctions prononcées ont toutefois principalement concerné le plagiat (ou la falsification) de travaux d’étudiants ou de résultats de recherche.

Nous espérons que les énoncés de philosophie d’enseignement finiront par avoir droit à un respect identique. D’ici là, nous aimerions que les membres du milieu universitaire comprennent que le plagiat apparemment très répandu de nos énoncés de philosophie d’enseignement n’est pour nous nullement flatteur, mais au contraire profondément blessant.

Mary Anne White est professeure de recherche en chimie Harry Shirreff à l’Université Dalhousie. Joan Davison Conrod est professeure à la Rowe School of Business du même établissement.

 

 

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