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À mon avis

Un Canada novateur a besoin d’une politique novatrice relative à l’information

Les chercheurs canadiens risquent de se faire devancer par leurs pairs en raison du manque de leadership en matière de politique relative à l’information.

par RYAN WHALEN | 06 AVRIL 16

En raison d’un manque de leadership en matière de politique relative à l’information, le milieu canadien de la recherche et de l’innovation risque d’être encore plus à la traîne par rapport aux chercheurs de pays comparables. Nos données publiques et notre recherche financée par des fonds publics ne sont pas aussi accessibles qu’elles devraient l’être, et nos établissements d’enseignement font face à des choix déchirants lorsqu’ils doivent déterminer quelles ressources ils peuvent se permettre d’offrir aux étudiants et aux professeurs. Si le gouvernement fédéral souhaite que le Canada soit reconnu pour son ingéniosité plutôt que pour ses ressources, il doit prévoir à l’échelle nationale la mise en place de politiques relative à l’information afin d’améliorer l’accès à la recherche et aux données.

Cette inquiétude ne découle pas d’une croyance abstraite en l’importance de la libre circulation de l’information, mais est plutôt ancrée dans le fait bien établi que l’innovation repose sur l’information. Chaque invention, nouvelle idée ou découverte table sur une information préalable. Pour paraphraser Sir Isaac Newton, si nous voyons plus loin, c’est parce que nous pouvons nous hisser sur les épaules des géants. Lorsque l’accès à l’information est entravé, notre horizon est obstrué, ce qui nuit à notre capacité à innover et à générer de nouvelles connaissances.

Il existe un certain nombre de politiques concrètes que le gouvernement pourrait adopter ou préconiser et qui accroîtraient l’ingéniosité des Canadiens, par exemple, coordonner une stratégie d’implantation d’une bibliothèque nationale en vue de réduire les coûts croissants de l’accès à l’information scientifique, exiger que la recherche financée par des subventions fédérales soit immédiatement rendue accessible publiquement et obliger les organismes fédéraux à offrir le libre accès aux données non confidentielles.

L’implantation d’une bibliothèque de recherche nationale. L’Association des bibliothèques de recherche du Canada a récemment publié une déclaration décrivant la « crise » liée à l’état actuel de l’accès aux données de recherche. Le problème découle de l’augmentation du coût des abonnements aux revues, qui dépasse chaque année le taux d’inflation. La plupart des sommes versées aux éditeurs étant en dollars américains, ces hausses de prix se sont récemment intensifiées avec la dépréciation du dollar canadien. Au cours des dernières années, ces coûts ont tellement grimpé qu’un certain nombre d’universités canadiennes ont dû restreindre l’accès à l’information qu’elles offrent aux professeurs et aux étudiants.

La difficulté de composer avec ces coûts croissants découle d’une déficience du marché. Le marché de la recherche universitaire appartient à un nombre restreint d’éditeurs et, individuellement, les bibliothèques ou les universités disposent de peu de pouvoir de négociation. Comme réponse à cette problématique, je propose que le ministre fédéral de l’Innovation, de la Science et du Développement économique, Navdeep Bains, prenne les rênes d’une initiative visant à créer une alliance réunissant l’ensemble des bibliothèques publiques, universitaires et fédérales. Cette alliance serait calquée sur l’Alliance pancanadienne pharmaceutique au sein de laquelle les provinces fusionnent leur pouvoir d’achat afin de négocier une baisse des prix des médicaments avec les sociétés pharmaceutiques. En formant une alliance semblable pour les bibliothèques, le ministre améliorerait notre position de négociation et freinerait les élans mercantiles des éditeurs universitaires.

Un libre accès à la recherche canadienne. Le gouvernement fédéral subventionne énormément de travaux de recherche qui, pour la plupart, mènent à des articles publiés dans des revues scientifiques. À l’heure actuelle, le financement des travaux de recherche versé par les trois grands organismes subventionnaires fédéraux comprend l’obligation de rendre les articles accessibles au public dans les 12 mois suivant leur parution. Ces embargos temporaires qui renforcent le pouvoir des éditeurs avides de profits devraient être rejetés.

Le Canada devrait prendre les devants afin d’empêcher les éditeurs de se servir de verrous d’accès payant pour restreindre l’accès à la recherche financée par des fonds publics en exigeant qu’un libre accès immédiat soit accordé pour toutes les publications qui sont le résultat de subventions fédérales. Par ailleurs, les organismes devraient fixer un plafond raisonnable pour tous les « frais de libre accès » versés aux éditeurs. Les éditeurs perçoivent ces frais soi-disant pour compenser les profits qu’ils perdent en offrant un libre accès. Toutefois, dans la pratique, ils imposent simplement des coûts supplémentaires aux contribuables. Nous finançons actuellement la recherche, payons les frais d’accès et sommes toujours aux prises avec des coûts d’abonnement aux revues qui ne cessent d’augmenter.

Rendre les données publiques. Améliorer l’accès aux données publiques est probablement la chose la plus simple que pourrait faire le gouvernement fédéral afin de bonifier la politique canadienne sur la gestion de l’information. Bien que le gouvernement fédéral ait réalisé de gros progrès dans ce domaine, il tire toujours de l’arrière par rapport à d’autres pays développés pour ce qui est d’offrir un accès libre et gratuit aux données qu’il produit. Par exemple, l’Office de la propriété intellectuelle – une entité dont l’existence même repose sur notre conviction que l’accès aux idées est un bien collectif – perçoit des centaines de milliers de dollars pour ses produits de données en vrac. Dans d’autres pays, des données similaires sont accessibles gratuitement. Le gouvernement fédéral devrait adopter une politique d’accès libre et gratuit à toutes les données non confidentielles.

Les propositions précédentes constitueraient des étapes prometteuses vers l’établissement d’un cadre stratégique cohérent en matière d’information. Il s’agit avant tout d’assurer aux Canadiens un accès abordable et de calibre mondial aux idées, afin que notre ingéniosité brille sur la scène internationale.

Ryan Whalen est candidat au doctorat, ainsi qu’au Juris Doctor, au campus de Chicago de l’Université Northwestern et se joindra au corps professoral de l’école de gestion de l’information de l’Université Dalhousie en juin.

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