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Parole aux leaders

Les hauts et les bas des partenariats de recherche avec le milieu industriel

Une tour d’ivoire qui s’ouvre sur le monde.

par MARTHA CRAGO | 10 MAR 15

Longtemps vues comme des tours d’ivoire où l’on effectue de la recherche à l’écart de la société, les universités tissent de plus en plus de riches réseaux de partenariats de recherche. Elles s’associent à des entreprises privées, à des établissements étrangers, à des organismes non gouvernementaux, à des organisations communautaires et à des organes gouvernementaux aux échelons municipal, provincial et fédéral. Voici quelques réflexions sur les réussites et les défis des universités qui collaborent avec des partenaires de recherche du milieu industriel. (J’aborderai les autres types de partenariats dans d’autres chroniques.)

Les partenariats de recherche avec les universités sont importants pour les industries canadiennes. En 2012 au Canada, 38 pour cent des dépenses intérieures brutes en R-D (DBRD) concernaient des travaux exécutés dans le secteur de l’enseignement supérieur. On observe cependant des écarts intéressants entre les régions : dans la région de l’Atlantique, par exemple, la proportion grimpe à 68 pour cent. Les partenariats avec les entreprises revêtent une importance économique particulière en Nouvelle-Écosse, où 75 pour cent des DBRD visent des projets réalisés dans les universités et collèges de la province. On pourrait attribuer ce phénomène à la prédominance des petites et moyennes entreprises (PME) dans une région où les multinationales sont relativement rares.

Un chercheur de l’Université Dalhousie effectue depuis longtemps des travaux de recherche en partenariat avec une entreprise. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il aimait collaborer avec ce partenaire, il a répondu, enthousiaste : « J’aime être exposé à des problèmes concrets et trouver des solutions concrètes. C’est très excitant et gratifiant de voir ses travaux incorporés à des produits d’usage courant. » Les étudiants aux cycles supérieurs de son équipe en tirent aussi plusieurs avantages : un niveau élevé de financement pour eux et leurs travaux, de fréquentes invitations à des conférences internationales et une étroite interaction avec les entreprises partenaires qui donnent souvent lieu à une embauche.

Ce chercheur doit toutefois faire certains compromis. Les publications et les communications doivent être approuvées par l’entreprise, à qui revient toute la propriété intellectuelle, et sont parfois repoussées de six mois le temps de déposer les demandes de brevet. Ses étudiants et lui ne peuvent ni participer aux réseaux du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), ni collaborer avec d’autres entreprises. Ce type d’arrangement en matière de propriété intellectuelle et d’exclusivité est possible uniquement dans des établissements comme l’Université Dalhousie et l’Université de Waterloo, où la propriété intellectuelle revient entièrement au chercheur.

La situation de ce chercheur est donc un peu exceptionnelle. De nombreux autres chercheurs m’ont cependant parlé d’expériences enrichissantes pour eux et leurs étudiants, soulignant l’importance de tisser des liens de confiance avec leurs partenaires. L’un d’eux affirme que la confiance se gagne en générant des résultats rapidement, en faisant appel aux partenaires autant qu’ils le souhaitent, et en produisant régulièrement des rapports d’étape. Les professeurs doivent également prêter attention au travail de leurs étudiants et en répondre auprès de l’entreprise. Une collaboration fructueuse peut mener à d’autres partenariats, qui peuvent à leur tour entraîner un financement gouvernemental supplémentaire.

Au Canada, plusieurs mécanismes de financement gouvernemental appuient les partenariats universités-industrie. Uniquement au CRSNG, la Stratégie en matière de partenariats et d’innovation offre tout un éventail de programmes, dont les modestes subventions d’engagement partenarial, les subventions de professeurs-chercheurs industriels et les subventions de recherche et développement coopérative, toutes accordées sur la base de l’excellence. Ce type de programme a doublé le nombre de projets de collaboration entre universités et industrie réalisés chaque année, pour une contribution totale des entreprises de près de 200 millions de dollars au cours des cinq dernières années. La majorité des projets financés par le CRSNG sont des partenariats avec des PME (Research Money, 26 janvier 2015).

En général, les universités canadiennes accueillent favorablement les partenariats avec l’industrie, mais quelques problèmes persistent. L’appui du milieu est plus discutable lorsqu’il s’agit pour les professeurs d’accession à la permanence. Les contrats et les rapports d’activités pèsent alors souvent moins lourd que les subventions de recherche et les publications évaluées par les pairs. Certains universitaires réprouvent les partenariats de recherche avec l’industrie, croyant que leurs résultats sont moins valables. Certes, les contrats ne sont pas soumis à la même évaluation de l’excellence par les pairs, mais ils n’en revêtent pas moins une importance appréciable pour les chercheurs, les étudiants et la société.

Il semble aussi que les chercheurs universitaires collaborant avec l’industrie ne comprennent pas tous l’importance d’inclure les frais généraux dans leurs contrats, et ne saisissent pas tous la complexité du contrôle juridique que requiert leur entente. Certains oublient que l’expertise juridique et les locaux nécessaires pour effectuer leurs travaux contractuels sont fournis par l’université, et que l’université doit récupérer intégralement les coûts de la recherche. Je me rappelle avoir hoché la tête avec dépit alors qu’un professeur tentait de me dissuader d’inclure les frais généraux dans un contrat avec une entreprise de plusieurs millions de dollars.

Enfin, comme toute bonne collaboration, les partenariats avec l’industrie doivent être fondés sur une reconnaissance de la valeur de la collaboration, sur une confiance mutuelle et sur la capacité de répondre aux besoins de l’autre partie. Ces partenariats ne remplacent pas les autres formes de recherche, ils les complémentent. Nos universités doivent conserver leur rôle de refuge, tout en s’ouvrant sur le monde.

À PROPOS MARTHA CRAGO
Martha Crago
Martha Crago is vice-president, research, at Dalhousie University. Her column appears in every second issue of University Affairs.
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