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Repenser les doctorats en sciences humaines

J’aimerais réexaminer les formations professionnelles destinées aux doctorants en mettant l’accent sur les sciences humaines.

par PAUL YACHNIN | 11 MAR 15

Cet article est un sommaire de l’article « Rethinking the humanities PhD ».

Partout au Canada, les écoles d’études supérieures ont créé des programmes de formation professionnelle pour les doctorants; les programmes SKILLSETS de l’Université McGill et Graduate Pathways to Success de l’Université de la Colombie-Britannique en sont de bons exemples. En 2008 l’Association canadienne pour les études supérieures a publié un rapport sur le développement des compétences professionnelles des étudiants aux cycles supérieurs. Selon ce rapport, les formations professionnelles doivent constituer un complément au doctorat plutôt que d’y être directement intégrées et ne doivent pas prolonger la durée du programme d’études.

J’aimerais réexaminer les formations professionnelles destinées aux doctorants en mettant l’accent sur les sciences humaines. À mon avis, les compétences ne doivent pas être des apprentissages offerts dans un cadre complémentaire. Nous devons plutôt reconnaître que leur enseignement fait déjà partie intégrante, sans qu’on s’en aperçoive, des programmes de doctorat. Cette dimension doit être mise en évidence, redéfinie et approfondie.

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Au cours des dernières années, la formation professionnelle a reçu une attention importante de la part des gouvernements, de l’industrie, des collèges et des universités. Ciblée par une campagne du gouvernement fédéral, laprésumée « pénurie » de compétences à l’échelle nationale a été démentie, mais elle conserve une emprise sur le secteur universitaire.

Pensons au projet quinquennal du Conference Board du Canada, le centre pour les compétences et l’éducation postsecondaire. Comme on peut s’y attendre, celui-ci aborde les compétences d’un point de vue économique : elles contribuent à la croissance économique et permettent à la personne qui les possède de participer à l’économie et d’avoir un niveau de vie élevé.

Si on y regarde de plus près, toutefois, l’apprentissage d’une nouvelle compétence peut transformer une personne, souvent en profondeur et à long terme. N’avons-nous pas déjà vu des gens qui, forts de leurs nouvelles compétences, en viennent à assumer un rôle influent sur les plans sociaux et politiques? Traditionnellement, un des objectifs clés de la formation en sciences humaines était de préparer à la vie publique et à la fonction publique.

Il est important de redéfinir le mot « compétences » en sciences humaines afin d’engendrer des changements visibles dont les programmes de doctorat ont besoin et de les inciter à se tourner vers le reste du monde. C’est pourquoi je tiens à souligner l’utilité particulière des compétences publiques.

Selon l’étude de Richard Sennett sur la culture de l’artisanat (The Craftsman, 2008), les compétences s’expriment sur les plans sociaux et éthiques; la personne ayant un savoir-faire (par exemple la fabrication de chaussures) est habitée par ses compétences autant qu’elle les habite. Les compétences unissent les gens d’une génération à l’autre.

Percevoir les compétences de façon artisanale comme M. Sennett, c’est commencer à reconnaître que les directeurs de thèse enseignent bien peu de contenu à leurs étudiants. Pourtant, comme un fabricant de chaussures accompli, les directeurs de thèse présentent et transmettent un savoir de haut niveau : comment réfléchir aux problèmes, recueillir des données, organiser des arguments, etc. Les compétences ne sont pas seulement de l’information utile sur le marché du travail; elles sont une forme de savoir-faire partagé et évolutif qui peut réunir les gens dans des communautés de pratique.

Les doctorants cultivent une foule de compétences en recherche, en organisation et en communication dans le cadre de leur programme. Ils ne migrent pas du tout facilement vers les nombreux champs d’activité à l’extérieur de l’université en raison du lourd héritage de leurs mentors :les doctorants sont intégrés à la culture institutionnalisée des sciences humaines. Ils ne sont pas à l’aise dans les autres domaines (commerce, médias, services publics).

Malgré tout, il est possible de changer ce penchant « naturel » des gens. Les doctorants peuvent développer leur capacité à passer efficacement d’un domaine d’activité à un autre en cultivant leurs compétences publiques (compétences en archivage pouvant éclairer des enjeux publics actuels, capacité à utiliser différents styles d’écriture pour des lectorats différents). Pour les aider à y arriver, les facultés des sciences humaines devront modifier leurs pratiques autant que leur culture interne.

Un projet sur la transformation des études supérieures et le livre blanc qui s’y rattache ont déjà eu une incidence sur les écoles canadiennes d’études supérieures. Nous collaborons actuellement avec des collègues d’universités de tout le pays. Chacun élabore sa propre démarche et contribuera à la conversation nationale sur l’éducation en sciences humaines aux cycles supérieurs à l’occasion d’une conférence qui aura lieu à l’Université McGill les 21 et 22 mai prochain. Nous voulons former une nouvelle génération de doctorants en sciences humaines possédant des compétences publiques et en mesure de travailler à l’intérieur comme à l’extérieur du cadre universitaire, de transposer leurs capacités supérieures de recherche et d’enseignement en sciences humaines dans d’autres domaines et d’offrir une grande souplesse structurelle pour l’avenir du Canada.

Paul Yachnin est directeur de l’Institut pour la vie publique des arts et des idées et titulaire de la Chaire d’études shakespeariennes Tomlinson à l’Université McGill.

Rédigé par
Paul Yachnin
Paul Yachnin is the Tomlinson Professor of Shakespeare Studies at McGill University and director of TRaCE McGill (2019-2021), which is tracking the career pathways of more than 5,000 PhD grads from across the university.
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