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Les collèges Sheridan et du Yukon aspirent à devenir des universités

Une démarche à étapes multiples dont l’une consiste à présenter une demande d’adhésion à Universités Canada.

par NATALIE SAMSON | 10 FEV 16
Vue aérienne du campus principal du Collège du Yukon.
Vue aérienne du campus principal du Collège du Yukon.

L’an dernier, le Collège du Yukon a annoncé son intention de devenir l’Université du Yukon d’ici 2021. Le ministre de l’Éducation du territoire, Doug Graham, a approuvé le changement de nom de l’établissement en novembre, mais la transition se prépare depuis plusieurs années déjà, indique la directrice, Karen Barnes. Également en novembre, le Collège Sheridan de Brampton, en Ontario, a organisé une assemblée générale pour faire part de ses progrès vers l’obtention du statut d’université. L’établissement a entrepris en 2011 de devenir l’Université Sheridan, lorsque son conseil d’administration a approuvé le plan de transformation. Son recteur, Jeff Zabudsky, estime que la transition sera terminée en 2020.

Il n’existe pas de chemin direct ou facile pour devenir une université. C’est la réglementation provinciale ou territoriale qui s’applique, et varie d’une province et d’un territoire à l’autre. Dave Marshall, qui était recteur des universités Mount Royal et Nipissing pendant leur transition, dégage cependant quelques éléments communs : « Première étape : obtenir un consensus à l’interne. Deuxième étape : collaborer avec son gouvernement et s’assurer qu’il fournit tous les outils nécessaires pour élaborer des critères de niveau universitaire. Troisième étape : décider si on souhaite devenir membre d’Universités Canada, et présenter une demande d’adhésion, le cas échéant. »

Pour obtenir l’appui nécessaire à l’interne et dans la collectivité, Mme Barnes, du Collège du Yukon, collabore étroitement avec les Premières Nations locales, soit 11 nations autogouvernées occupant environ 25 pour cent du territoire. « Leur appui était essentiel, car une part importante de notre effectif étudiant en est issu, affirme-t-elle, estimant la proportion d’étudiants autochtones dans son établissement à environ 27 pour cent. Les Premières Nations savent ce que signifie la transformation pour leurs collectivités, et en particulier pour leurs gouvernements. Cela les aidera à renforcer leurs capacités. » (À cette fin, le Collège du Yukon propose d’offrir un baccalauréat de trois ans en études politiques de la gouvernance autochtone à compter de 2017.)

Le Collège a également lancé une campagne de communication qui présente la transition comme une certitude, et dans la signature des courriels de l’établissement, on peut lire « La future Université du Yukon ». Selon Mme Barnes, cette façon de faire instaure une vision et un but communs, et crée un sentiment de fierté parmi le personnel, les professeurs, les étudiants et la collectivité locale. « Comme je dis toujours au personnel et aux équipes de direction, il est plus difficile d’atteindre ses objectifs si on n’y croit pas réellement », explique-t-elle. La démarche adoptée par le Collège Sheridan est tout aussi ferme et proactive. Sa campagne Sheridan Journey a d’ailleurs servi de modèle au Collège du Yukon.

Pour ce qui est de la deuxième étape, le gouvernement du Yukon s’était engagé à soutenir le projet d’université lors des élections territoriales de 2011. Il a concrétisé sa promesse en 2014 en allouant 6,3 millions de dollars au Centre de recherche du Yukon du Collège, portant l’investissement total à 10,78 millions de dollars depuis la création du centre en 2009. Il faut toutefois un certain temps pour que le gouvernement fournisse à l’établissement un « outil » essentiel au processus de transformation, c’est-à-dire une loi ou une charte qui reconnaît officiellement le statut d’université et énonce les paramètres juridiques régissant la désignation.

Bien qu’il s’agisse d’un processus long pour tout gouvernement, Mme Barnes croit que les capacités administratives limitées de son établissement et du gouvernement ont pour effet de prolonger les délais. « Nous n’avons pas un ministère de l’enseignement supérieur très développé, car nous sommes l’unique établissement d’enseignement. Seules quelques personnes sont affectées à notre dossier, et elles n’ont jamais eu à faire le type de travail effectué à l’échelle provinciale, soit gérer tout un système d’établissements », explique Mme Barnes, ajoutant que son établissement et le gouvernement étudient ensemble les lois provinciales régissant les universités ainsi que la Yukon College Act pour décider d’un modèle approprié. Ils tentent également d’établir un partenariat avec une province afin que le petit territoire ne soit pas contraint de partir de zéro pour formuler ses politiques. En ce qui a trait au mécanisme d’évaluation de la qualité, le territoire envisage de soumettre la future Université du Yukon à la surveillance d’un organisme provincial d’assurance de la qualité. Il s’agit d’une proposition peu commune, admet Mme Barnes, qui obligerait la province à modifier ses propres lois, car les organismes provinciaux d’assurance de la qualité n’ont généralement pas pour mandat d’assurer la qualité des établissements situés à l’extérieur de leur territoire et de leur accorder le droit de conférer des grades.

La troisième et dernière étape énoncée par M. Marshall est facultative : présenter une demande d’adhésion à Universités Canada, une association privée à but non lucratif qui fait la promotion des intérêts des universités canadiennes à l’échelle nationale et internationale et offre des occasions de perfectionnement professionnel aux recteurs (Universités Canada est l’éditeur d’Affaires universitaires). « L’adhésion n’est pas nécessaire, [mais] elle est utile », estime M. Marshall. Les critères d’adhésion à Universités Canada ne sont pas synonymes d’agrément, un mécanisme qui n’existe pas au Canada pour les établissements d’enseignement. Ils représentent plutôt un consensus entre les membres de l’association sur ce que signifie être une université canadienne aujourd’hui, tel que défini par le collectif des recteurs, explique Christine Tausig Ford, vice-présidente sortante d’Universités Canada (elle a pris sa retraite le 1er février).

Seules les universités à but non lucratif conférant des grades peuvent être membres de l’association, ce qui signifie que tous les établissements membres ont déjà obtenu le statut d’université dans leur province. Un changement de nom peut toutefois être accordé par la province une fois la demande d’adhésion à Universités Canada acceptée. D’autres critères d’adhésion couvrent tous les aspects de la gouvernance et de la structure administrative d’une université, dont la charte ou la loi et les statuts de l’établissement, la qualité de l’enseignement, les finances, la liberté universitaire, la recherche menée par les professeurs et les diplômes.

Mme Tausig Ford souligne cependant que les critères d’adhésion ne sont pas qu’une simple liste de vérification. Ce n’est pas parce qu’une université répond à toutes les exigences que sa demande sera automatiquement acceptée. M. Marshall ajoute que les critères reposent sur une certaine tradition, mais sont suffisamment souples pour s’adapter à la nature évolutive de l’enseignement universitaire. « Par exemple, l’Université Athabasca, qui offre uniquement des programmes d’enseignement à distance, est devenue membre [d’Universités Canada] il y a longtemps déjà. Les universités de la Colombie-Britannique (universités de la vallée du Fraser, de l’Île de Vancouver et Thompson Rivers) ont été les premiers établissements hybrides, moitié instituts de formation professionnelle et moitié universités », explique-t-il.

Bien qu’Universités Canada ait plusieurs exigences quantitatives – dont celle de maintenir un effectif d’au moins 500 étudiants à temps plein pour les universités indépendantes –, ce sont souvent des critères qualitatifs qui tranchent, précise Mme Tausig Ford. « Les critères d’adhésion à Université Canada imposent entre autres [à tout établissement] l’obligation d’ “avoir comme mission fondamentale d’enseignement l’offre d’une formation de niveau universitaire où la majorité des programmes offerts sont de niveau universitaire”. La réponse à la question “Que signifie recevoir une éducation de niveau universitaire?” est donc essentiellement qualitative. »

L’établissement est invité à réfléchir à cette question dans la section autoévaluation de la demande d’adhésion, mais Universités Canada appuie sa décision sur l’examen de toute la documentation pertinente et sur une visite d’établissement. Un comité de trois recteurs se rend à l’établissement candidat pour rencontrer l’ensemble du personnel universitaire. Le comité étudie les offres de l’établissement et les compare à celles d’autres universités canadiennes, « ainsi qu’aux normes auxquelles on s’attend d’un établissement membre d’Universités Canada », indique Mme Tausig Ford. Le comité produit ensuite un rapport qui détermine si l’établissement respecte les critères d’adhésion et formule une recommandation au conseil d’administration d’Universités Canada. Si le conseil d’administration abonde dans le même sens que le comité, il soumet le rapport et formule une recommandation aux membres d’Universités Canada, qui se prononcent par vote. C’est à eux que revient la décision finale.

Bien que l’adhésion ne soit ni garantie ni requise pour devenir une université reconnue, le directeur du Collège Sheridan, M. Zabudsky, la considère comme une « étape charnière » de la transformation de son établissement. Avec son équipe, il suit de près les critères d’adhésion, et a même simulé en 2014 une visite d’établissement, ou une « répétition générale », avec l’aide et les commentaires d’anciens recteurs.

Au sujet des raisons qui motivent son établissement à devenir membre d’Universités Canada, Mme Barnes affirme : « Nous sommes des nouveaux venus dans le milieu, et l’adhésion montre que nous avons été évalués par des spécialistes externes qui considèrent que nos grades respectent les normes. » Sa principale préoccupation a trait au nombre d’étudiants à temps plein requis. « C’est difficile, parce que nous sommes un établissement de très petite taille, et il n’y a pas de tradition d’études supérieures dans le Nord. » À l’heure actuelle, 44 pour cent des étudiants de l’établissement sont inscrits à des programmes de niveau universitaire, dont trois programmes menant à l’obtention d’un grade, offerts en collaboration avec l’Université de l’Alberta et l’Université de Regina. Si l’établissement préserve la plupart de ses programmes professionnels et oriente ses futurs programmes vers les besoins des Premières Nations et des étudiants qui s’intéressent à la recherche circumpolaire et sur le Nord, il recrutera un nombre largement suffisant d’étudiants. « Je suis convaincue que le Nord est prêt à avoir son université. Le temps est venu de prendre les rênes du programme de recherche et d’éducation pour le Nord », conclut Mme Barnes.

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