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Actualités

La gouvernance en voie de changer au Québec

Un sujet délicat de nouveau à l’avant-scène du débat public

par FRANÇOIS-OLIVIER DORAIS | 08 SEP 09

Susceptible de modifier les mécanismes de gouvernance des universités au Québec, un projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 16 juin dernier suscite un débat sur les modes et la culture de gouvernance universitaire.

Les principes énoncés ciblent notamment la composition, le fonctionnement et les responsabilités du conseil d’administration des établissements en visant à améliorer la transparence, l’efficacité et l’efficience dans les universités québécoises. Le projet de loi prévoit entre autres que 60 pour cent des membres du conseil d’administration d’un établissement se qualifient comme administrateurs indépendants, que le conseil d’administration mette sur pied un comité de gouvernance et d’éthique, un comité de vérification ainsi qu’un comité des ressources humaines dont les fonctions seront déterminées par la loi et que de nouvelles modalités relatives à la publication de renseignements et à la reddition de comptes soient adoptées.

Le projet de loi 38, une deuxième mouture du projet de loi 107 mort au feuilleton lors des élections provinciales de décembre 2008, doit encore faire l’objet de discussions dans le cadre d’une commission parlementaire qui débutera en septembre et où toutes les parties concernées seront invitées à se prononcer.

Il fait également suite aux importantes dérives immobilières et financières survenues à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en 2006. Luc Vinet, recteur de l’Université de Montréal, insiste toutefois sur le caractère particulier de cette affaire. « Le cas de l’UQAM a posé la question de la gouvernance, des responsabilités et des mécanismes de protection vis-à-vis de ces dérives-là […]. Il est important toutefois de réaliser que c’était un incident isolé et que ce n’est pas le cas de toutes les universités du Québec », précise-t-il en rappelant que plusieurs établissements, dont le sien, ont élaboré d’importants projets immobiliers qui ont été réalisés en respectant les budgets et les délais prévus.

Selon les propos de la ministre de l’Éducation du Québec, Michelle Courchesne, diffusés en juin dernier sur les ondes de CHOQ FM, la radio étudiante de l’UQAM, le projet de loi a une visée uniformisatrice. « […] une loi oblige tous les établissements universitaires à se doter de cette possibilité d’avoir des règles qui soient claires. Dans ce sens-là, c’est évident qu’une loi donne un caractère obligatoire, c’est-à-dire une responsabilité qui doit être bien définie et qui doit être connue du public et transparente pour tous ceux qui s’intéressent au milieu universitaire. » La ministre n’a toutefois pas donné suite à notre demande d’entrevue pour préciser ses intentions.

Conformément aux attentes, le contenu du projet suscite une levée de boucliers dans le milieu universitaire québécois, où syndicats de professeurs et étudiants ont rapidement exprimé leurs inquiétudes face aux intentions de la ministre. On dénonce entre autres l’absence de débat sur les enjeux liés au sous-financement des universités et le désengagement du milieu universitaire dans la gouvernance.

Bien que le projet de loi prévoie des changements qui ont déjà été effectués par plusieurs universités québécoises, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, entend soumettre un mémoire sous peu statuant qu’il aurait été préférable à priori, par souci de respect pour la particularité des établissements, d’adopter une démarche fondée sur des ententes bilatérales et de partenariats – du cas par cas – plutôt qu’une démarche légale. L’organisme avait toutefois appuyé en 2008 la philosophie et les objectifs derrière le rapport du Groupe de travail sur la gouvernance des universités de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, un rapport qui aurait grandement inspiré le projet de loi 38.

La gouvernance des universités au Québec, comme l’expose le rapport Toulouse sur la gouvernance des établissements universitaires, n’est pas fondée sur un modèle monolithique. Chaque établissement possède des mécanismes de gouver-nance qui lui sont propres en fonction de sa loi, sa charte, son histoire, ses traditions, ses valeurs et sa culture. L’auteur du rapport, Jean-Marie Toulouse, insiste sur cette variable. « Il faut mettre un « s » quand on parle de cultures de gouvernance universitaire au Québec. Le modèle, qui comprend les universités à charte, le réseau des universités du Québec, les modèles particuliers comme l’Université de Montréal ou l’Université de Sherbrooke, est très hétéroclite. » À cet effet, rappelons que le rapport ne proposait pas l’adoption d’une loi.

À première vue, le projet de loi 38 peut se présenter également comme une volonté d’harmoniser les cultures de gouvernance du Québec avec celles du reste du Canada, voire de l’Amérique du nord. De l’avis de M. Vinet, bien que ce resserrement sur les questions de gouvernance sous-tend une certaine normalisation à l’échelle pancanadienne, les différences sont aujourd’hui quasi inexistantes: « À l’heure actuelle, je vois peu de différences hormis peut-être dans les mécanismes de sélection du recteur. Autrement, la plupart des conseils d’administration sont de taille semblable, les comités statutaires existent un peu partout et les principes de fonctionnement et de reddition de comptes s’uniformisent déjà. »

Commentant sur l’absence de dispositions dans le projet de loi relativement au mécanisme de sélection du chef d’établissement, M. Vinet soutien qu’il en est plus sage ainsi. « Il y a des universités pour lesquelles le poids de la tradition est très fort. Il faut respecter ça et je pense que c’est ce qui est fait dans le projet de loi. S’il doit y avoir une évolution, nous souhaitons qu’elle vienne de l’intérieur plutôt que d’être imposée. »

Le questionnement actuellement en vogue au Québec sur la gouvernance participe d’une finalité commune à tous les établissements postsecondaires d’Amérique du nord; celle de permettre un meilleur fonctionnement des mécanismes de gouvernance des universités.

De l’avis de M. Toulouse, ce questionnement dépasse même les frontières nordaméricaines. « Il faut savoir que la question de la saine gouvernance se pose dans presque toutes les organisations aujourd’hui et les universités ne sont pas exclues », précise-t-il.

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