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En finir avec la violence sexuelle sur les campus

Les slogans pour le viol et les allégations d’agression sexuelle incitent les universités à réfléchir sérieusement à la façon dont elles traitent les problèmes de violence contre les femmes.

par ROSANNA TAMBURRI | 20 OCT 14

Année universitaire 2013 a commencé péniblement. Début septembre, la semaine d’orientation venait de commencer sur les campus du pays. À l’Université Saint Mary’s de Halifax, les leaders étudiants faisaient scander à plusieurs centaines d’étudiants de première année un slogan en acrostiche qui les poussait à empoigner le postérieur de la petite sœur vierge d’un ami, mineure, sans son consentement. Quelques jours plus tard, on apprenait qu’une ritournelle tout aussi choquante avait été chantée à l’Université de la Colombie-Britannique, un établissement qui faisait alors face à une série d’agressions sexuelles effrayantes. Par ailleurs, les étudiants en droit de l’Université Laval et d’autres écoles de droit du Québec accueillent les nouveaux étudiants avec une chanson tout aussi vulgaire depuis déjà un certain nombre d’années.

Puis, au début de 2014, plusieurs membres de l’équipe de hockey masculine de l’Université d’Ottawa ont été accusés d’agression sexuelle pendant un tournoi à l’Université Lakehead de Thunder Bay, en Ontario. L’incident n’a été révélé que lorsqu’un tiers en a informé l’Université d’Ottawa, ce que l’entraîneur et les joueurs avaient omis de faire. Pendant ce temps aux États-Unis, le ministère fédéral de l’Éducation continuait son enquête sur une liste croissante d’établissements universitaires n’ayant pas répondu à des allégations d’agression sexuelle reportées par des étudiants.

Vexées par de grands titres gênants et une attention médiatique non désirée, de nombreuses universités se sont efforcées de modérer les activités organisées dans le cadre de la semaine d’orientation. Pourtant, des chants de mauvais goût entonnés à l’Université Laval et des animateurs arborant des chandails où on pouvait lire l’expression vulgaire « F*** Safe Space » à l’Université Carleton ont, encore cette année, causé de vives protestations de la part des médias, de la population et des universités elles-mêmes.

Le problème des agressions sexuelles sur les campus cause d’importantes difficultés aux universités. Comme le rapport du groupe de travail de la Maison-Blanche pour la protection des étudiants contre les agressions sexuelles le fait remarquer, une école qui attire l’attention sur la question et encourage les victimes à dénoncer leur agresseur peut sembler être un endroit dangereux. Une école qui ignore le problème peut, au contraire, sembler plus sûre. « La concurrence qui se joue pour attirer les meilleurs étudiants ou accéder au palmarès des meilleures écoles peut pousser une école à passer ses problèmes sous silence. » Cependant, la pression croissante des étudiants et la surveillance accrue de la population ont forcé les universités du Canada et des États-Unis à repenser la façon dont elles gèrent le problème.

Dans un rapport phare du ministère de la Justice des États-Unis paru en 2000, les chercheurs Bonnie Fisher, Francis Cullen et Michael Turner ont estimé qu’au cours de leur parcours universitaire, entre une femme sur quatre et une femme sur cinq serait victime d’un viol ou d’une tentative de viol. Ces taux sont plus élevés que ceux observés dans la population générale. Dans le cadre de la production du rapport, 4 000 étudiantes ont été interrogées. L’enquête a révélé que la plupart des viols et des tentatives survenaient lorsque la victime était seule avec l’agresseur, habituellement un petit ami, un ancien partenaire, un collègue de classe ou une connaissance. La plupart des incidents se déroulaient au domicile de la victime ou dans des résidences d’étudiants hors campus, et moins de cinq pour cent étaient déclarés à la police.

Kari Sampsel, directrice médicale du Programme de soins aux victimes d’agression sexuelle ou d’abus par un partenaire de l’Hôpital d’Ottawa et professeure adjointe à l’Université d’Ottawa, a analysé 204 cas d’agressions sexuelles déclarées à l’hôpital en 2013. (Selon le Code criminel canadien, le terme « agression sexuelle » englobe plusieurs crimes, des attouchements sexuels non désirés au viol avec usage de la force.) L’agression se déroulait lors d’un rassemblement pour environ le quart des victimes, le plus souvent au jour de l’An, à la Fête du Canada, à l’Halloween ou lors de la semaine d’orientation. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes ont affirmé avoir volontairement consommé des drogues ou de l’alcool et 60 pour cent pensent avoir été droguées. Le tiers de celles-ci connaissaient leur agresseur. « Bien des choses se produisent dans les résidences universitaires », dit la Dre Sampsel, mais à l’hôpital, on voit un nombre important de patientes qui se sont réveillées nues dans un champ ou une cage d’escalier ou sans souvenir de s’y être rendues. « C’est très courant », déclare-t-elle.

Les étudiantes de première année sont les plus à risque. « Elles sont plus jeunes, plus naïves. Elles sont probablement moins habituées à consommer de l’alcool et veulent être acceptées », a souligné David Lisak, un éminent chercheur spécialiste des agressions sexuelles, dans une entrevue donnée en 2010 à la radio publique nationale. Il soutient que les agresseurs ont très rarement besoin de couteaux ou d’armes à feu : « L’arme de choix est l’alcool ».

Dans le cadre d’une étude publiée en 2002, M. Lisak (qui est aussi pro–fesseur de psychologie retraité de l’Université du Massachusetts à Boston) et Paul Miller, psychologue, ont interrogé pendant plus de sept ans plus de 1 800 hommes dans une université américaine de taille moyenne. Cent vingt d’entre eux ont admis avoir commis un viol ou une tentative non déclarés. Plus de 80 pour cent des violeurs ont dit avoir agressé des femmes ivres ou droguées, et près des deux tiers ont déclaré avoir commis plus d’un viol, soit sur plusieurs victimes, soit plus d’une fois sur la même victime. Les résultats ont mené MM. Lisak et Miller à conclure qu’une proportion relativement petite d’hommes était responsable d’un grand nombre de viols, et que ces hommes jouissaient d’une impunité parce qu’ils ciblaient des victimes de leur propre milieu social.

Kate du Toit a été agressée lorsqu’elle avait 15 ans lors d’une soirée typique pour une adolescente, soit bien avant son arrivée sur le campus de l’Université de Windsor. Elle et son groupe d’amis avaient utilisé de fausses cartes d’identité pour entrer dans une boîte de nuit. Elle avait bu quelques verres et se tenait à l’extérieur du bar lorsque quatre hommes l’ont approchée. Ils ont commencé à lui parler, et l’un d’entre eux s’est emparé de son sac à main. Elle se souvient que l’un d’entre eux a dit : « Nous allons te le redonner si tu nous suis ». Le iPod de sa mère se trouvait dans le sac. « Je voulais le récupérer », a-t-elle affirmé.

Ce qui s’est passé par la suite a changé le cours de sa vie. Ils l’ont emmenée dans une résidence étudiante hors campus près de l’Université de Windsor, une maison devant laquelle elle passe encore régulièrement. Un des hommes est parti; les trois autres l’ont emmenée dans une chambre, ont verrouillé la porte et l’ont agressée sexuellement tour à tour. « Je criais et je pleurais », dit-elle. Un voisin ou un colocataire — elle n’en est pas sûre — a entendu le bruit, a frappé à la porte et a fait cesser le supplice. Il l’a aidée à prendre un taxi, et elle est rentrée seule. Le lendemain, elle a pris un contraceptif d’urgence acheté dans une pharmacie. Elle n’a parlé de l’incident à personne pendant quatre ans. « Je ressentais alors beaucoup de honte et de culpabilité », explique Mme du Toit, maintenant âgée de 20 ans et étudiante de dernière année à l’Université de Windsor. « J’avais 15 ans et j’étais au centre-ville en tenue très suggestive. J’avais enfreint tellement de règles, alors je me suis dit que je l’avais cherché. »

Mme du Toit est devenue anorexique et a développé d’autres problèmes comportementaux jusqu’au jour où, incapable de garder le secret plus longtemps, elle décide de se confier à ses parents. Ceux-ci ont communiqué avec le centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle de la ville et, avec leur soutien et celui de conseillers, elle a entrepris un processus de guérison. Maintenant, elle essaie d’aider d’autres victimes d’agression sexuelle. Elle est intervenante dans un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle sur le campus et participe à l’initiative pour l’intervention des témoins de l’Université, un programme visant à aider les étudiants à détecter les situations risquées et les comportements coercitifs, et à intervenir avant qu’une agression ne survienne.

L’Université de Windsor a été l’une des premières au Canada à adopter un programme très reconnu qui avait été élaboré par l’Université du New Hampshire. Ce programme enseigne aux étudiants à se pencher sur des pratiques de fréquentations considérées normales qui mettent les femmes à risque, et il réfute les mythes sur le viol, comme le fait que la drague et les vêtements suggestifs soient des facteurs contributifs, explique Anne Forrest, directrice du programme d’étude des femmes de l’Université de Windsor. Le programme ne traite pas les hommes comme des agresseurs potentiels, mais comme des alliés des survivantes d’agressions. Il transmet aux étudiants les connaissances pour intervenir de manière sûre et efficace — ce qui ne veut pas dire qu’on en vient aux poings, ajoute Charlene Senn, professeure de psychologie et d’étude de la femme, qui a lancé le programme avec Mme Forrest. Pour intervenir efficacement, il suffit souvent de renverser un verre sur l’agresseur ou d’allumer la lumière.

Mmes Forrest et Senn ont élaboré deux cours de premier cycle à la faculté des arts et des sciences sociales pour former des animateurs d’atelier parce que l’Université n’avait pas les fonds pour les payer. Les étudiants doivent poser leur candidature pour obtenir une des 50 places, dont la moitié est réservée aux hommes. Le recrutement des hommes demeure difficile, et elles ont demandé à des collègues masculins de les aider. Une fois formés, les animateurs étudiants travaillent en paires — un homme et une femme — pour donner des ateliers aux autres étudiants. Depuis le lancement du programme en 2010, environ 60 animateurs ont été formés et 800 étudiants ont participé à l’atelier. Cette année, des étudiants du cours d’introduction au commerce et tous les nouveaux étudiants en droit devront y participer. Le programme prend de l’expansion.

Tandis que des programmes comme l’initiative pour l’intervention des témoins se consolident, la plupart des universités canadiennes n’ont pas de politiques sur les agressions sexuelles comme celles que rendent obligatoires aux États-Unis la loi fédérale sur la violence contre les femmes, les modifications du Title IX of the Education Amendments de 1972 et d’autres règlements, souligne Mme Senn. Au début de 2013, le gouvernement ontarien a publié, à l’intention des collèges et des universités de la province, un guide des ressources qui recommandait des mesures pour prévenir les agressions sexuelles et un protocole d’intervention. On ignore combien d’établissements ont mis en œuvre ces mesures.

L’Université York a formé un groupe de travail chargé d’élaborer des politiques en matière de sensibilisation, de prévention et d’intervention, ainsi que des procédures disciplinaires fondées sur le guide des ressources ontarien. Elle a vérifié la sécurité sur le campus et conçu une application permettant d’appeler directement les services de sécurité, le 911, une ligne de soutien ou d’autres services. Elle a mis sur pied un programme de certification et de formation des agents de sécurité du campus et amorcé l’élaboration d’un programme destiné aux témoins.

Ces changements ont été apportés à la suite d’un terrible événement qui a eu lieu pendant la semaine d’orientation il y a sept ans. Aux petites heures d’un matin de septembre, deux anciens étudiants de l’Université se sont rendus dans une résidence étudiante et ont pénétré dans plusieurs chambres dont la porte était déverrouillée. Daniel Katsnelson a violé une étudiante de première année de 17 ans. Au moyen de son téléphone, il a ensuite photographié Justin Connort en train d’agresser sexuellement la victime à son tour. Ce soir-là, M. Katsnelson a violé une autre femme pendant que M. Connort regardait.

« Le 7 septembre 2007, ma vie a changé à tout jamais », a déclaré l’une des victimes dans une déclaration présentée lors de l’audience de détermination de la peine de M. Katsnelson en 2010. Elle souffrait encore de crises de panique et d’anxiété, de cauchemars et de flash-back deux ans et demi après l’incident, a-t-elle dit à la cour. La vulnérabilité des jeunes femmes attaquées cette nuit-là n’a rien d’unique, a écrit le juge dans sa décision. « Elle est partagée par des milliers de jeunes de 17 et 18 ans qui quittent la maison chaque année pour aller au collège ou à l’université. […] La population a tout intérêt à ce que les campus soient des endroits sûrs et à ce qu’ils soient perçus comme tels. » M. Katsnelson a été condamné à huit ans de prison.

L’Université York n’est pas la seule université à intervenir à la suite d’incidents effrayants ou troublants :

  • L’Université de la Colombie-Britannique a formé un groupe de travail après six agressions survenues sur son campus entre avril et octobre de l’année dernière. Elle a récemment déclaré qu’elle améliorerait l’éclairage sur le campus, qu’elle augmenterait la surveillance à vélo et qu’elle mettrait en place d’autres mesures de sécurité. L’agresseur court toujours.
  • L’Université McGill a organisé en février un forum sur le consentement éclairé et élabore une politique en matière d’agressions sexuelles après s’être attiré de nombreuses critiques de la part d’étudiants sur la façon dont elle avait traité l’allégation d’agression sexuelle portée en 2011 par une étudiante de l’Université Concordia contre trois joueurs de football de l’Université McGill. Les hommes ont été accusés, et le procès est en cours. Le forum de février visait à dissiper les mythes concernant le consentement et à discuter de la façon dont l’Université McGill et l’ensemble des Montréalais peuvent créer un environnement sûr pour discuter de sujets tels que le consentement, la culture du viol et l’agression sexuelle.
  • À l’Université St. Francis Xavier, une initiative étudiante financée par le gouvernement fédéral a permis d’effectuer un sondage sur la santé sur le campus et une vérification de la sûreté ainsi que de mettre en œuvre un programme destiné aux témoins dans lequel les athlètes étudiants et les entraîneurs jouent un rôle important.
  • En juin, un groupe de travail de l’AUCC a mis à la disposition des recteurs une ressource Web les invitant à utiliser la semaine d’orientation pour informer les étudiants des comportements adéquats et des politiques de prévention des agressions sexuelles et d’intervention en vigueur dans l’établissement.
  • L’Université Saint Mary’s met en œuvre les 20 recommandations d’un groupe de travail formé par le recteur après l’utilisation du slogan pour le viol l’année dernière.

Aussi juvénile et inoffensif qu’il puisse paraître, ce slogan était « indicatif d’une culture du viol », a estimé le groupe de travail, une culture qui ne serait pas l’apanage de l’Université Saint Mary’s, mais présente sur tous les campus. Wayne MacKay, professeur de droit à l’Université Dalhousie et président du groupe de travail, affirme que le slogan était symptomatique de problèmes plus profonds liés à la perception des femmes. Lors des audiences, M. MacKay a été surpris de découvrir combien de jeunes hommes et de jeunes femmes ne comprenaient pas le concept du consentement. « Il est fondamental de définir ce qui est consensuel et ce qui ne l’est pas. Nous pouvons et devons éduquer toute la population universitaire afin d’éliminer tout doute sur la question », a-t-il expliqué.

Le groupe de travail a souligné que la consommation d’alcool embrouille le jugement et constitue un important facteur de risque de violence sexuelle sur le campus, ce qui a suscité la critique de personnes soutenant que de parler de la quantité d’alcool ingérée équivalait à faire porter le blâme aux victimes. C’est peut-être vrai, convient M. MacKay, mais il ne fait aucun doute que l’alcool embrouille le jugement et empêche de lire les signaux correctement. Le rapport du groupe de travail de l’Université Saint Mary’s tire la conclusion suivante : « La culture d’hypersexualisation, la consommation d’alcool, les fréquentations ponctuelles, la persistance des mythes sur le viol et le manque de sensibilisation adéquate sont tous des facteurs qui contribuent à la confusion et à l’incertitude. » Le rapport montre également du doigt la culture sportive sur les campus et précise que les étudiantes n’étaient pas les seules personnes à risque : trois professeures avaient également déclaré avoir été victimes d’agression sexuelle.

Le groupe a conclu que les universités devaient intervenir pour changer les attitudes et les comportements, et recommande que l’Université Saint Mary’s élabore un code de conduite et revoie les activités de la semaine d’orientation afin d’accorder moins d’importance à la fête et à la consommation d’alcool. Il propose aussi que l’Université mette sur pied une équipe d’intervention formée en cas de violence sexuelle; qu’elle mène des campagnes de sensibilisation pour améliorer la compréhension du concept de consentement chez les étudiants; qu’elle aborde le problème de la consommation de drogues et d’alcool; qu’elle mette en œuvre un programme destiné aux témoins, des mesures que l’Université s’est engagée à mettre en œuvre cette année. Enfin, le rapport demandait à l’Université d’enquêter et de juger efficacement les cas d’agression sexuelle.

Cette dernière recommandation représente le défi le plus important pour les universités, car elle exige que soit établi un équilibre entre les besoins et les droits des victimes et ceux de leurs agresseurs présumés. En octobre dernier, le Chronicle-Journal de Thunder Bay publiait une lettre anonyme d’une étudiante de l’Université Lakehead qui prétendait avoir été violée par un collègue de classe hors campus. Elle écrivait que son directeur de programme lui avait refusé tout accommodement. On avait aussi refusé qu’elle fasse ses examens finaux dans un endroit séparé. « J’ai été abasourdie, affirme-t-elle. Combien d’autres ont essayé d’obtenir des réponses ou de l’aide des professeurs et ont été rejetées avant moi? Combien d’autres ont été forcées de demeurer dans la même salle de classe que leur agresseur? » Après la publication de la lettre, le recteur a formé un groupe de travail qui a recommandé que l’Université nomme un agent des droits de la personne chargé de gérer ce type de problème et qu’une nouvelle politique et un nouveau protocole sur l’inconduite sexuelle soient adoptés.

Plus récemment, l’Université d’Ottawa a suspendu tous les membres de son équipe de hockey masculine pour la saison 2014-2015 après l’allégation d’agression sexuelle survenue à Thunder Bay et après qu’un rapport indépendant ait dévoilé un « climat malsain au sein de l’équipe », a affirmé le recteur Allan Rock. La décision de suspendre l’équipe a reçu un vaste appui, mais a aussi été décriée par certaines personnes jugeant que l’Université n’en faisait pas assez ou en faisait trop. En août, la police de Thunder Bay a inculpé deux des joueurs, le capitaine et le capitaine adjoint, pour agression sexuelle.

Le traitement des écarts de conduite des étudiants, y compris des accu-sations d’agression sexuelle, diffère de celui des enquêtes ou des procès criminels. Au Canada, il repose généralement sur la « prépondérance des probabilités », explique Corinna Fitzgerald, membre extraordinaire du conseil d’administration de l’Association des services aux étudiants des universités et collèges du Canada, ce qui signifie que l’enquêteur doit déterminer si une allégation est fondée ou non plutôt que d’apporter des preuves hors de tout doute raisonnable. Les allégations d’agression sexuelle peuvent être des cas très difficiles à traiter parce qu’il n’y a généralement aucun témoin et qu’elles vont souvent de pair avec la consommation d’alcool et de drogues. Gaye Wishart, conseillère en prévention du harcèlement et en gestion des conflits à l’Université Dalhousie, affirme que bon nombre d’étudiantes qui viennent la voir ne veulent pas engager de poursuites criminelles; l’Université finit donc par émettre une ordonnance de non-communication contre l’accusé, apporte des changements aux horaires et fournit d’autres accommodements.

Malgré tout, la plupart des experts disent que les universités doivent aborder le problème de façon efficace, comme elles l’ont fait pour les problèmes de santé mentale. Mais le changement sera difficile. « Nous luttons contre des problèmes sociaux qui dépassent les frontières universitaires », explique M. MacKay, et ces problèmes ne se résoudront pas facilement ni d’eux-mêmes. Mais si les établissements n’adoptent pas une meilleure démarche, « comment pourra-t-on offrir un apprentissage réellement efficace dans un environnement qui est dangereux, discriminatoire et sexiste? », se demande-t-il. « En réalité, c’est impossible. Il faudra donc trouver les moyens et les façons d’y parvenir. »

Des progrès aux États-Unis

Aux États-Unis, de nombreuses allégations d’agression sexuelle sur les campus ont fait la une dans les derniers mois et ont attiré l’attention du gouvernement américain et de la Maison-Blanche. Depuis mai, le ministère de l’Éducation des États-Unis enquête sur plus de 60 établissements qui n’ont pas respecté le Title IX of the Education Amendments de 1972, qui interdit la discrimination sexuelle dans tout établissement d’éducation financé par le gouvernement fédéral. La loi a évolué pour inclure l’agression sexuelle comme forme de harcèlement et exiger des universités qu’elles répondent aux allégations d’agression déclarées par les étudiantes.

Le groupe de travail de la Maison-Blanche pour la protection des étudiants contre les agressions sexuelles a publié de nouvelles directives en avril pour aider les établissements à prévenir les agressions sexuelles et à intervenir. Il leur a distribué une trousse d’outils pour effectuer des enquêtes sur la sûreté des campus, a recommandé que les établissements mettent sur pied des programmes d’intervention des témoins, qu’ils adoptent de nouveaux protocoles de déclaration et de confidentialité, qu’ils élaborent des politiques sur l’inconduite sexuelle ou qu’ils revoient leurs politiques existantes. Le groupe de travail a lancé un site Web, notalone.gov, qui fournit de l’information sur la façon de prévenir les agressions sexuelles sur les campus, d’y répondre et de présenter une plainte en vertu du Title IX of the Education Amendments.

En vertu de la loi sur la déclaration des crimes sur les campus promulguée en 1990, connue sous le nom de Clery Act, les collèges et les universités qui reçoivent des fonds fédéraux d’aide aux étudiants sont tenus de compiler et de divulguer annuellement des statistiques sur les crimes commis sur leur campus. La loi a été modifiée plusieurs fois de manière à renforcer les exigences en matière de déclaration, notamment en juin dernier par l’administration Obama. En juillet, un groupe de sénateurs dirigé par Claire McCaskill a présenté une loi visant à renforcer les règles de divulgation et à imposer des pénalités plus sévères aux établissements contrevenants.

Rédigé par
Rosanna Tamburri
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  1. 1011 Art / 16 février 2020 à 01:33

    En lien avec votre article, plasticienne engagée, j’ai réalisé une installation dans un centre d’art en France sur les violences faites aux femmes. Intitulée « Loi n°2010-769 », elle rend tristement hommage aux 130 femmes décédées en 2018 et 141 en 2019 en France et à toutes les autres décédées dans le monde, victimes de leur partenaire ou ex-partenaire. A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/loi-n2010-769_2.html

    Autre partage, une oeuvre intitulée « Phallocratie » qui fait écho à votre sujet, à découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/phallocratie.html, sur le sujet de la domination sociale, culturelle et symbolique exercée par les hommes sur les femmes. Quand l’art permet de parler toutefois avec humour de cette prégnance virile !

    Ces séries ont été présentées à des lycéens. Quand l’art contemporain ouvre le débat ?

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