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Acfas: Prendre le pouls des communicateurs

Un nouveau projet encourage les chercheurs à mettre en valeur leurs recherches en apprenant à mieux communiquer.

par VALÉRIE OUELLET | 08 JUIN 10

Dans le cadre du 78e Congrès de l’Acfas, Isabelle Tremblay, étudiante au postdoctorat en littérature à l’Université de Montréal, a présenté ses travaux au public. Un défi de taille pour la jeune femme, qui n’a jamais reçu de formation en communication scientifique malgré ses études postsecondaires approfondies. À la fin de son allocution, elle a toutefois pu compter sur le diagnostic personnalisé d’une conseillère en communication, un projet novateur offert par l’Association des communicateurs scientifiques (ACS).

La jeune femme, qui a présenté ses recherches sur « les romancières des Lumières face à la lecture », déplore l’absence de formation offerte aux étudiants. « Nous n’avons jamais eu de cours de communication scientifique ou d’enseignement au cours de notre formation. »

En partenariat avec l’ACS, près de la moitié des conférenciers invités aux séances de communications libres de l’ACFAS ont reçu un bulletin personnalisé après leur exposé. Le projet vise à encourager les chercheurs de tous les domaines à mettre leurs recherches en valeur en apprenant à mieux communiquer.

L’initiative est une première pour l’ACFAS, qui rassemble chaque année des conférenciers de tous les domaines scientifiques, de la linguistique à la botanique. Pour Bruno Lamolet, responsable du projet à l’ACS, l’intérêt des chercheurs à mieux communiquer est palpable. « L’année dernière, des ateliers en communication scientifique ont été très populaires lors du congrès de l’ACFAS à Ottawa. Il y a un désir des chercheurs de mieux communiquer; on le constate avec la popularité grandissante des cafés sciences. »

Parmi les critères évalués par les 18 conseillers en communication, on retrouve notamment la structure de l’exposé, la pertinence du support visuel ainsi que certaines qualités du conférencier. Pour présenter un exposé dynamique, on incite le conférencier à « faire face à l’auditoire et [à] s’adresser à lui », à « récapituler les points importants » et à « choisir une couleur de texte qui contraste bien avec le fond des diapositives ».

Le diagnostic, remis sous forme de grille qualitative, ne concerne toutefois que les aspects de l’exposé relatifs à la communication, sans juger le contenu scientifique présenté, insiste Philippe Allard, directeur des activités scientifiques pour l’Acfas. « Le but du projet est d’abord de sensibiliser les chercheurs à l’importance d’une bonne communication, rappelle le porte-parole de l’Acfas. Le diagnostic contient des commentaires du conseiller en communication ainsi que 30 astuces à respecter si on souhaite présenter un exposé dynamique. Les chercheurs peuvent se servir de cette fiche pour préparer des conférences plus efficaces. »

Première constatation de la part des conseillers en communications : plusieurs chercheurs omettent de présenter leurs travaux dans un contexte concret. C’est pourtant une qualité essentielle lorsqu’on s’adresse à un auditoire néophyte, constate Bruno Lamolet, lui-même formateur en communication scientifique à l’ACS. « Nous constatons que beaucoup de conférenciers ont de la difficulté à susciter l’intérêt du public dès le départ. Si un chercheur ne parvient pas à vendre son sujet à un pair du milieu scientifique, il aura encore plus de difficulté lorsque viendra le temps de parler aux journalistes et au grand public. »

Pour les conseillers en communication de l’ACS, l’expérience est aussi très formatrice. « Je croyais que les conférenciers en sciences sociales seraient de meilleurs communicateurs, mais le manque de supports visuels m’a étonné », raconte la journaliste Isabelle Dubé. « Par exemple, j’ai appris qu’en philosophie, on recommande aux étudiants de lire intégralement leur texte lors d’une communication. Je ne comprends pas pourquoi, où est l’intérêt pour le public? En fait, l’exposé qui m’a le plus impressionnée est celle d’étudiants en pétrochimie! »

Malgré la bonne volonté qui anime les chercheurs, la formation en communication scientifique semble plutôt disparate au sein des établissements, note M. Lamolet. « Les jeunes professeurs ou communicateurs vont reproduire les gestes de leurs plus vieux professeurs. C’est ainsi que des faux plis sont transmis de génération en génération. »

C’est le cas d’Yves Bourque, étudiant au doctorat en études françaises à l’Université de Toronto. Le chargé de cours a présenté pour la quatrième fois devant public les résultats de ses recherches en linguistique. Pour le faire, il doit se fier à son instinct et à quelques techniques glanées au cours de son parcours universitaire. « J’observe et j’essaie d’imiter les professeurs dont j’apprécie les exposés. Au niveau doctoral, les étudiants sont obligés d’enseigner, alors j’y vais d’instinct. »

L’absence de cours de communication mine parfois la confiance des jeunes conférenciers. « Lorsqu’on poursuit des études supérieures, on reçoit peu de commentaires sur ses communications. Je suis heureuse d’avoir eu cette rare confirmation que tout va bien », confirme Mme Tremblay.

Une formation en communication scientifique pourrait permettre aux chercheurs de mettre leurs recherches en valeur, estime Mme Dubé. « Beaucoup de chercheurs travaillent pendant des années à un projet qui les passionne et pourtant, lorsque vient le moment d’en parler, ils ont de la difficulté à soulever l’enthousiasme de leur auditoire. C’est très dommage. Ils doivent apprendre à garder concret le sujet de leurs recherches afin de susciter l’intérêt », remarque-t-elle.

De l’avis de tous, l’interdisciplinarité de nombreux grands dossiers scientifiques, dont les changements climatiques, va amener les chercheurs à vulgariser de plus en plus leur travail, souligne M. Allard. L’Acfas compte d’ailleurs appliquer la formule des diagnostics à l’ensemble des conférenciers invités au 79e Congrès, qui se tiendra l’année prochaine aux universités de Sherbrooke et Bishop’s.

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