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Appuyer le changement systémique via une nouvelle association nationale de décideurs autochtones

Un sentiment d’isolement exacerbé par la pandémie pousse les cadres supérieurs autochtones des universités canadiennes à unir leurs forces.

par MATTHEW HALLIDAY | 01 MAR 22

Pour plusieurs, l’été 2020 a été synonyme de projets éphémères qui ont permis de déjouer l’ennui et l’isolement des premiers mois de la pandémie.

Jacqueline Ottmann et Michael Hart, de leur côté, ont voulu être productifs.

En août, Mme Ottman, alors vice-provost de l’Engagement auprès des peuples autochtones à l’Université de la Saskatchewan, a décidé d’appeler M. Hart, son homologue de l’Université de Calgary. Elle voulait donner vie à une idée depuis longtemps sur la table : une association qui regroupe les cadres supérieurs autochtones des universités canadiennes.

« Un sentiment d’isolement planait, surtout pendant la pandémie », confie Mme Ottman, une Saulteaux de la Première Nation de Fishing Lake en Saskatchewan. « Je trouvais le moment idéal pour faire avancer ce projet de rassemblement, dont nous parlions depuis longtemps. »

Le fruit de ces travaux a été annoncé en janvier : la création de l’Association nationale des cadres supérieurs autochtones d’universités. Celle-ci regroupe 41 décideurs universitaires autochtones de partout au pays. M. Hart et Mme Ottman, qui est actuellement rectrice de l’Université des Premières Nations du Canada, sont les premiers coprésidents de l’Association. Ses membres comptent des leaders métis, inuits et membres des Premières Nations de 29 universités, allant de l’Université Memorial, à l’Université de Victoria, en passant par l’Université du Yukon.

L’objectif de l’Association est principalement de créer un réseau de soutien au sein duquel les cadres supérieurs autochtones peuvent échanger sur leurs expériences et leurs difficultés « à créer de l’espace et à prendre leur place », par exemple en apportant des changements systémiques, souvent sans collègues autochtones ni alliés pour les épauler. L’Assocation vise aussi à autochtoniser le monde universitaire dans son intégralité, de l’approvisionnement aux ressources humaines, et au-delà.

Cet effort « nécessite de naviguer et de repousser les limites de politiques, de processus, de structures et de systèmes qui ne respectent pas la diversité, ou d’en créer de nouveaux », explique Mme Ottman. Elle ajoute qu’historiquement, de nombreuses politiques universitaires qui s’appliquent au personnel et aux étudiants autochtones ont été élaborées sans que leur communauté soit consultée. Depuis que des personnes autochtones ont commencé à se faire une place à la table des décideurs, « certaines personnes du milieu universitaire ont peut-être accueilli ce changement, mais d’autres restent réfractaires », souligne-t-elle.

Véritable soutien plutôt que fausses promesses

« Il faut des dirigeants qui prennent l’autochtonisation au sérieux », commente Shelly Johnson, professeure agrégée à l’Université Thompson Rivers et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en autochtonisation de l’enseignement supérieur. Mme Johnson, une Saulteaux-Ojibwée de la Première Nation de Keeseekoose en Saskatchewan, n’a pas de lien avec l’Association nationale des cadres supérieures universitaires autochtones, mais elle souhaite que celle-ci soit en mesure d’appuyer les cadres autochtones dans leurs efforts, surtout qu’ils sont souvent plus ou moins isolés dans leur travail.

« Malheureusement, mon expérience m’indique que l’autochtonisation récolte beaucoup de fausses promesses, et assez peu de véritable soutien », déplore-t-elle.

Mme Johnson cite en exemple sa tentative de mettre sur pied, il y a de cela plusieurs années, un cours de méthodologie de la recherche en contexte autochtone. Elle raconte avoir réussi en grande partie grâce au financement et à l’appui de celle qu’on appelle simplement Airini, alors doyenne de la Faculté interdisciplinaire de l’éducation et des services sociaux, un poste qu’elle a quitté depuis. « Son absence se fait ressentir dans les projets d’autochtonisation qu’elle a aidé à construire. Depuis son départ, ils ont changé de trajectoire, ou manquent de fonds. Pour les cadres supérieurs, se passer de cet appui financier est vraiment difficile. »

Mme Johnson estime que la nouvelle association pourrait apporter une aide précieuse aux cadres non titulaires et non syndiqués, qui sont donc plus vulnérables et rencontrent peut-être de la résistance à l’échelle institutionnelle.

Selon elle, ce regroupement pourrait aussi se révéler utile dans des situations semblables à celle qui touche son université ce mois-ci, tandis que l’association des professeurs a déposé une motion de défiance à l’encontre du recteur Brett Fairbairn. La motion cible la manière dont l’Université a traité les accusations de racisme anti-autochtone portées contre un vice-recteur et un vice-recteur adjoint en raison de certains de leurs commentaires.

« Le soutien d’une organisation qui représente les cadres d’autres établissements serait le bienvenu, observe Mme Johnson. Les conseillers autochtones de ce recteur et de ce provost pourraient avoir des difficultés à s’exprimer sous leur supervision. »

Recrutement

La semaine prochaine (9 et 10 mars), l’Université des Premières Nations du Canada sera l’hôte du Dialogue national sur l’identité autochtone. La préparation de l’événement est une priorité immédiate de l’Association. À cette occasion, la problématique de longue date concernant la fraude d’identité autochtone sera abordée. Celle-ci a resurgi dans la presse quand Carrie Bourassa, professeure en santé communautaire de l’Université de la Saskatchewan, a été mise en congé lorsque des doutes ont été formulés quant à ses origines métisses, anishinabeg et tlingites.


À lire aussi : Une série d’incidents poussent les universités à se pencher sur la fraude d’identité autochtone


« Nous savons que depuis des siècles, des gens prétendent à tort avoir une filiation autochtone, explique Mme Ottman. En revanche, maintenant que des espaces et des bourses sont créés spécialement pour les personnes autochtones, on se demande de plus en plus qui représente vraiment notre communauté et peut bénéficier de ces avantages. »

L’Association nationale des cadres supérieurs universitaires autochtones n’en est toutefois qu’à ses débuts. Mme Ottman nous explique que l’Association naissante structure encore ses lettres de mandat et son modèle de financement, et s’interroge sur la manière de représenter au mieux la diversité de ses membres, qui appartiennent à différentes communautés métisses, inuites et des Premières Nations de tout le pays.

Elle cherche à gonfler ses rangs, lesquels sont ouverts à tous les cadres supérieurs autochtones qui travaillent à l’échelle des campus, et ce, afin de refléter tous les problèmes et inquiétudes touchant la communauté universitaire autochtone du pays.

« Notre diversité est grande, tout comme la distance qui nous sépare. Pour certains, une limite. À mon sens, une force. »

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