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Bourses Vanier : des échéanciers trop serrés?

Les bourses font du Canada une destination de choix pour les étudiants étrangers les plus brillants, mais sont-elles en mesure de les attirer dans l’immédiat?

par PEGGY BERKOWITZ | 01 DÉC 08

Lors du budget fédéral de 2008, les Bourses d’études supérieures du Canada Vanier ont été présentées comme un pôle d’attraction pour les meilleurs étudiants étrangers aux cycles supérieurs. D’une valeur annuelle libre d’impôt de 50 000 $, elles sont les toutes premières bourses doctorales fédérales destinées aux étudiants du Canada et de l’étranger.

Mais les règles du programme et les échéanciers serrés de cette année poussent certains intervenants du milieu universitaire à se demander si les bourses sont en mesure de remplir leur rôle, du moins dans l’immédiat.

D’une durée de deux ou trois ans, les bourses visent à récompenser l’excellence : « Nous voulions faire en sorte que les bourses Vanier soient remises aux étudiants les plus brillants et que le processus global soit concurrentiel », explique Pamela Moss, directrice, Division des bourses au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG).

La première année, le programme remettra 165 bourses réparties également entre les trois principaux organismes subventionnaires, qui financent la recherche en santé, en sciences naturelles et en génie ainsi qu’en sciences humaines. Au terme d’un processus d’évaluation par les pairs en deux volets, un comité de sélection interorganisme indépendant composé de spécialistes dévoilera les noms des candidats retenus.

Les universités se réjouissent de cette nouvelle forme d’aide financière et appuient l’objectif d’attirer les doctorants les plus prometteurs : « Ce qui est exceptionnel, c’est qu’il s’agit d’un programme de haut niveau qui vise à attirer les meilleurs étudiants étrangers au Canada, explique John Hepburn, vice-recteur à la recherche à l’Université de la Colombie-Britannique. Il y a longtemps que le Canada ne s’est pas démarqué sur la scène internationale grâce à des bourses qui attirent autant l’attention. C’est un grand pas dans la bonne direction. »

Claire Morris, présidente-directrice générale de l’Association des universités et collèges du Canada, croit pour sa part qu’il s’agit d’un « investissement qui permet au Canada de faire concurrence à d’autres prestigieux programmes de bourses ».

Des échéanciers serrés

Le programme a été lancé en septembre et la date limite pour soumettre une candidature était le 14 novembre. Des représentants des organismes subventionnaires ont parlé du programme sur les campus et par vidéoconférence au cours de l’automne, mais les administrateurs du programme savaient pertinemment, en raison des échéanciers serrés, qu’il serait difficile de le faire connaître à l’étranger à temps pour recevoir une quantité appréciable de candidatures provenant d’autres pays pour le premier concours.

Outre les échéanciers serrés, certains considèrent qu’un autre aspect du programme va à l’encontre de l’objectif énoncé : la « garantie de Bourse ».

Pour qu’un étudiant au doctorat soit admissible aux bourses Vanier du CRSNG et du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), sa candidature doit être soumise par l’université où il souhaite étudier. Les deux organismes subventionnaires ont fait savoir que tout étudiant canadien admissible dont la candidature ne serait pas retenue recevrait à la place une Bourse d’études supérieures du Canada. Également très concurrentielles et plus nombreuses que les bourses Vanier, celles-ci sont d’une valeur de 35 000 $ au niveau doctoral.

Les étudiants étrangers n’y sont toutefois pas admissibles. Certains administrateurs hésitent donc à utiliser leurs précieux quotas de candidats pour des étudiants étrangers. (Le CRSNG et le CRSH acceptent seulement 120 candidatures chacun pour l’ensemble des universités admissibles. Les quotas sont déterminés par le montant du financement versé à l’établissement.)

Prenons l’exemple de l’Université Dalhousie, qui peut soumettre trois candidatures à chaque organisme. L’établissement a demandé à ses unités d’enseignement de proposer des noms d’étudiants étrangers à ses comités internes de sélection, explique le vice-doyen aux études supérieures, Dieter Peltzer.

« Dans les faits cependant, la plupart des candidats étaient canadiens. C’est là un défaut inhérent au programme de bourses Vanier. » En effet, si un département doit choisir, à compétences égales, entre un étudiant canadien et un étudiant étranger, il optera probablement pour le premier, « car celui-ci a de bonnes chances d’obtenir au moins 35 000 $ ».

Mme Moss, du CRSNG, est au fait des préoccupations soulevées par cet élément du programme, mais elle rappelle également le double objectif des bourses, soit d’attirer d’excellents universitaires étrangers et de retenir au Canada les meilleurs étudiants aux cycles supérieurs. Lors du choix des candidats, « les universités doivent déterminer leur stratégie. Cherchent-elles à augmenter leurs effectifs étrangers? Si tel est le cas, elles peuvent utiliser leurs quotas à cette fin. »

C’est là l’intention de certains établissements de grande taille comme l’Université de la Colombie-Britannique, dont la mission est axée sur l’excellence sur la scène internationale. Selon Barbara Evans, doyenne aux études supérieures, tout candidat étranger non retenu pour une bourse Vanier « est presque assuré » de recevoir une bourse de l’Université, même s’il n’est pas admissible à une Bourse d’études supérieures du Canada. Ces bourses, accordées à l’interne, peuvent atteindre 27 500 $.

« Malheureusement, nous ne disposons pas de ressources équivalentes à celles de la UBC », se désole M. Peltzer, de l’Université Dalhousie.

Décompte des candidatures

Au 14 novembre, le CRSH avait reçu 115 candidatures sur un total possible de 120, et le CRSNG (qui permet, par un concours parallèle, à 20 universités de petite taille d’obtenir trois des 120 candidatures) en avait reçu 129. Aucun des deux organismes n’accepte de dévoiler la répartition des candidatures entre étudiants canadiens et étudiants étrangers.

Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont recours à un processus de demande différent, exempt de la « garantie de Bourse ». Ils acceptent un nombre illimité de candidatures soumises directement par les étudiants canadiens admissibles, et ont fixé à 70 le nombre total de candidatures d’étudiants étrangers que peuvent présenter les universités admissibles (il s’agit du nombre maximal de candidatures que chaque organisme peut présenter à l’étape finale du concours). Les quotas des établissements sont fixés en fonction du montant du financement versé par les IRSC. Tous les candidats, qu’ils soient canadiens ou étrangers, sont évalués selon les critères habituels applicables aux subventions de recherche doctorale aux IRSC. Les 70 dossiers les plus méritants sont ensuite transmis au comité de sélection interorganisme des bourses Vanier.

Les IRSC ont reçu 44 candidatures d’étudiants étrangers sur une possibilité de 70.

Selon Catherine Conrad, directrice, Développement de la capacité en recherche aux IRSC, l’organisme a été « un peu surpris » de voir que les quotas n’ont pas été remplis, mais s’y attendait tout de même. Comme le programme a été lancé seulement en septembre, « il était évident que les établissements auraient du mal à recruter des candidats étrangers.

« Je crois également que les établissements se montrent à juste titre très sélectifs. Ils ne présentent pas de candidatures qui manquent de sérieux. »

En vue du prochain concours, les trois organismes subventionnaires ont promis d’harmoniser leur processus de candidatures, indique Gordana Krcevinac, directrice, Division de bourses et de subventions institutionnelles au CRSH.

Des mesures pourraient ainsi être prises pour résoudre le problème de la « garantie de Bourse », comme l’adoption d’échéanciers décalés pour les différents concours.

« Nous ignorons encore comment nous procéderons l’an prochain. Nous sommes en mode apprentissage et en saurons plus dans les semaines ou les mois à venir », précise-t-elle.

Entre-temps, M. Hepburn, vice-doyen à la recherche à l’Université de la Colombie-Britannique, réitère qu’il trouve « très positif que le Canada se fasse connaître sur la scène internationale grâce à un programme de bourses d’études semblable à ceux des bourses Guggenheim ou Rhodes.

« J’aimerais simplement contribuer à trouver des façons de faire du programme un outil de recrutement international que les universités pourraient réellement utiliser pour orienter leurs initiatives à l’étranger », ajoute-t-il.

Des bourses généreuses

Créées en mémoire de Georges P. Vanier, ancien soldat décoré, diplomate et gouverneur général du Canada, les bourses Vanier ont été conçues pour faire concurrence à d’autres bourses prestigieuses portant des noms comme Rhodes et Fulbright.

Certains administrateurs estiment toutefois que les bourses Vanier, d’une valeur annuelle libre d’impôt de 50 000 $, sont trop généreuses. Les récipiendaires d’une bourse Rhodes aux cycles supérieurs reçoivent annuellement environ 22 000 $ ainsi que le montant de leurs frais de scolarité. Les bourses Fulbright s’élèvent quant à elle à 19 000 $US (les universités américaines ont la possibilité d’ajouter à ce montant).

« Du point de vue des universitaires, il est certain qu’un grand nombre de bourses de 30 000 $ plutôt qu’un petit nombre de bourses de 50 000 $ aurait amélioré notre capacité à former des étudiants au troisième cycle », explique J. J. Berry Smith, vice-doyen aux études supérieures à l’Université de Toronto.

Plusieurs vice-doyens aux études supérieures soulignent que les boursiers Vanier pourraient toucher un revenu supérieur à celui d’un jeune professeur adjoint, dont le salaire moyen brut est de 75 000 $.

Certains s’inquiètent également des écarts de valeur entre les différentes bourses doctorales; les bourses Vanier s’élevant à 50 000 $, les Bourses d’études supérieures du Canada à 35 000 $, et les bourses doctorales remises par chaque organisme subventionnaire variant entre 20 000 $ et 23 000 $.

« L’idée qu’il existe des niveaux d’excellence est sans contredit un élément que nous prenons en considération », affirme Mme Krcevinac, du CRSH, soulignant qu’une évaluation du programme de Bourse d’études supérieures du Canada est en cours. Mais elle et d’autres personnes préviennent qu’il est peu probable que cette évaluation mène à un rajustement de la valeur des bourses, un tel changement n’étant pas du ressort des organismes subventionnaires.

Le gouvernement entend promouvoir les bourses Vanier bien avant le début du prochain concours, affirme Ursula Gobel, directrice des communications au CRSH. Un site Web leur est d’ailleurs entièrement consacré. Les partenaires universitaires et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international les font également connaître dans les salons de l’éducation qui se tiennent dans des marchés cibles comme l’Inde, la Chine et les Amériques, sous la nouvelle bannière « Education in/au Canada ».

Selon M. Hepburn, certaines grandes universités prévoient également la promouvoir collectivement de même qu’individuellement. « Il est frustrant pour les universités canadiennes de se présenter à l’étranger, car nous avons très peu à offrir. Maintenant, les bourses Vanier nous fournissent un nouvel argument. Si je m’adresse à un groupe d’étudiants à Bengaluru, je sais qu’ils ne seront peut-être qu’une demi-dizaine à obtenir la bourse, mais ce n’est pas grave, parce que cela les motive et qu’ils ont maintenant une raison d’envisager le Canada comme une destination d’études. »

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