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Des changements au Programme de subventions à la découverte du CRSNG suscitent la controverse

Le nouveau système d’attribution des subventions de l’un des plus importants programmes canadiens destinés aux chercheurs universitaires crée des remous.

par JOHN LORINC | 13 JUIN 11

Jim Colliander, professeur de mathématiques à l’Université de Toronto, compare ce problème à un propriétaire de rutilantes voitures de sport qui serait incapable de payer son essence.

Au cours de la dernière décennie, les universités canadiennes ont recruté avec succès des centaines d’universitaires reconnus mondialement grâce à des programmes comme celui des Chaires de recherche du Canada. M. Colliander affirme toutefois que la nouvelle méthode controversée d’allocation des subventions à la découverte – l’une des principales sources de financement public destinées aux chercheurs en sciences et en génie – du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) a privé de fonds certains chercheurs émergents et établis tandis que d’autres doivent se débrouiller avec un financement insuffisant.

« Le nouveau système met en péril les investissements consentis aux chercheurs au cours des 10 ou 15 dernières années, explique M. Colliander, directeur adjoint à la recherche du département de mathématiques de l’Université de Toronto. Il est facile, pour d’autres universités, de recruter ces personnes brillantes. »

Depuis quelques mois, au Canada, de telles critiques retentissent dans certains secteurs comme celui des mathématiques, dont les membres ont fait grand bruit des lacunes d’un système qui est le résultat de trois ans passés à réviser les politiques du CRSNG. « Les fonctionnaires du CRSNG voulaient accroître le dynamisme du système, le rendre avant-gardiste, indique le mathématicien Nassif Ghoussoub, à l’Université de la Colombie-Britannique. Or, le nouveau est pire que l’ancien. »

Pour leur part, les fonctionnaires du CRSNG sont conscients des inquiétudes du milieu des mathématiques, mais défendent fermement le nouveau processus d’examen par les pairs utilisé en mars dernier pour une troisième fois dans l’attribution des subventions de 2011. Selon cette nouvelle méthode, les demandes sont notées (d’« exceptionnel » à « insuffisant ») en fonction de trois critères de sélection (excellence du chercheur, mérite de la proposition et formation de personnel hautement qualifié). Les demandes de subvention de qualité globale équivalente sont ensuite regroupées en « catégories ». Le montant de chaque subvention au sein d’une discipline donnée dépend de la catégorie à laquelle appartient la demande. En outre, le nouveau système adopte une méthode interdisciplinaire d’évaluation des demandes, car de nombreux projets de recherche chevauchent les frontières entre les disciplines.

« Toutes les disciplines se disent sous-financées; chacune d’elles voudrait qu’un montant accru soit accordé à leur programme », précise Isabelle Blain, vice-présidente, Direction des subventions de recherche et bourses du CRSNG. Elle ajoute toutefois que « généralement, on nous dit que cette nouvelle méthode constitue une amélioration », et les résultats d’un sondage mené auprès de pairs examinateurs corroborent ses dires.

De nombreux universitaires comptent sur les subventions à la découverte, réparties sur cinq ans, pour aider les étudiants aux cycles supérieurs à travailler sur le terrain ou en laboratoire et leur offrir la possibilité de participer à d’importantes conférences internationales. Parce qu’il est mieux connu que les programmes semblables offerts par des organismes de financement comme la National Science Foundation des États-Unis, le Programme de subventions à la découverte se révèle également utile pour trouver d’autres sources de financement (selon M. Colliander, en 2007, chaque dollar des subventions à la découverte a permis, en moyenne, d’obtenir deux autres dollars d’autres sources).

La décision du CRSNG de procéder à une refonte du programme de 330 millions de dollars, reconnu comme l’un des piliers du financement des sciences au Canada, repose sur des études menées par deux importants comités consul-tatifs, dont un de l’étranger. Selon Mme Blain, puisque le précédent système semblait confier des subventions à ceux qui en bénéficiaient déjà, le CRSNG craignait que des chercheurs émergents se retrouvent sous-financés. M. Ghoussoub croit toutefois que le nouveau système n’atteint pas cet objectif, non seulement en raison de la nouvelle méthode d’évaluation, mais également parce que la sélection du jury est problématique et que, selon lui, certains comités et le CRSNG lui-même ne respectent pas les règles. Son blogue, Piece of Mind, qui est devenu un point de rencontre des opposants à cette nouvelle méthode, présente d’ailleurs certains chercheurs établis qui ont perdu du financement malgré leurs bons résultats.

Selon George Dixon, vice-recteur à la recherche et professeur de biologie à l’Université de Waterloo, la méthode par catégories est moins conciliante que la précédente envers les candidats qui connaissent des ratés dans l’un ou l’autre des trois critères d’évaluation. Il reconnaît cependant que le taux de réussite de l’Université de Waterloo, depuis l’adoption du nouveau système, est plutôt élevé. En effet, ce taux, pour les nouveaux candidats, a grimpé à environ 75 pour cent. La valeur monétaire des subventions a également augmenté; certains des meilleurs chercheurs de l’Université ont vu leurs subventions à la découverte augmenter de 20 pour cent, voire doubler dans quelques cas.

Cela dit, M. Dixon estime qu’entre 15 et 20 chercheurs chevronnés ont complètement perdu leur financement. Il n’est pas rare que des chercheurs perdent leurs subventions, mais selon lui, ils sont maintenant beaucoup plus nombreux. « Depuis, certains de nos collègues se montrent très réticents à présenter une demande. »

Steve Liss, vice-recteur à la recherche à l’Université Queen’s, affirme que l’Université a bien réagi au nouveau système mais que des obstacles se sont présentés au cours de la transition. « C’est un processus d’examen par les pairs, rappelle-t-il. Je crois que la situation se résorbera. »

Comme dans d’autres universités, explique M. Liss, certains chercheurs ont effectivement perdu leurs subventions, dont certains qui avaient tenu leur renouvellement « pour acquis ». C’est pourquoi l’Université Queen’s passe les demandes de subventions en revue de façon sérieuse avec les professeurs afin qu’elles « convainquent » le jury, précise-t-il en ajoutant que les résultats de certaines personnes se sont déjà améliorés. L’Université Queen’s invite également les chercheurs à se « réinventer » au cours des cinq ans que dure une subvention à la découverte.

L’Université de Waterloo joue aussi un rôle actif dans l’évaluation du contenu des demandes et des budgets proposés, souligne M. Dixon. « Chaque demande doit être examinée par deux spécialistes du domaine. »

En voyant certains chercheurs reconnus perdre des subventions en vertu du nouveau système, certaines universités – du moins, celles qui peuvent se le permettre – ne se contentent pas d’offrir de simples encouragements. M. Colliander cite le cas d’un jeune collègue convoité par l’Université de Toronto, qui avait soumis une demande au CRSNG l’an dernier, pendant qu’il se trouvait à l’Institut des études supérieures de Princeton, au New Jersey. Il n’avait reçu que 13 000 $, soit une fraction de ce qu’il aurait pu obtenir aux États-Unis. « Mais l’Université de Toronto va intervenir pour ne pas laisser aller ce chercheur », conclut M. Colliander.

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