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Changements importants à la recherche mettant en cause des sujets humains

Les changements proposés par les organismes subventionnaires répondent aux préoccupations des chercheurs en sciences humaines

par NICK TAYLOR-VAISEY | 26 JAN 09

Il aura fallu sept ans et plusieurs séries de consultations auprès des chercheurs de partout au pays, mais un volet controversé de la politique canadienne en matière d’éthique de la recherche est sur le point de subir des changements qui répondent en grande partie à des préoccupations vieilles d’une dizaine d’années dans le milieu de la recherche en sciences humaines.

Ces changements concernent l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (EPTC), adopté par les trois organismes subventionnaires fédéraux en 1998. L’EPTC sert de lignes directrices aux comités d’éthique de la recherche (CER) des universités canadiennes pour l’approbation ou la modification des propositions de recherche mettant en cause des sujets humains.

La version originale de l’EPTC a vu le jour à l’initiative du Conseil de recherches médicales – depuis remplacé par les Instituts de recherche en santé du Canada – qui souhaitait établir des lignes directrices fermes en matière d’éthique en recherche biomédicale. Comme l’influence du Conseil et d’autres intervenants de la recherche en santé a pesé lourd dans l’élaboration de l’EPTC, bon nombre de chercheurs en sciences humaines considèrent que l’Énoncé ne tient pas compte de l’approche qualitative qu’ils utilisent généralement et qui diffère grandement des méthodes biomédicales.

Le nouvel Énoncé établit clairement la distinction : « Les approches qualitatives en recherche ont un caractère dynamique et s’appuient sur des hypothèses différentes de celles qui façonnent le modèle de recherche biomédical », peut-on lire au début du nouveau chapitre sur la recherche qualitative.

La Version préliminaire de la 2e édition de l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, élaborée par le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche, peut désormais être consultée (au www.pre.ethics.gc.ca).

Elle comprend deux chapitres entièrement nouveaux consacrés à la recherche mettant en cause des Autochtones et à la recherche qualitative, ainsi que d’abondantes notes sur l’application des dispositions. En recherche qualitative, l’étape de l’exploration et les travaux reposant sur des observations ne sont plus assujettis à l’évaluation par un CER, entre autres changements (lire l’encadré « Profonds changements au processus d’évaluation » içi).

Le chapitre traitant de la recherche mettant en cause des Autochtones est le fruit du remaniement des « bonnes pratiques » de la version originale de l’EPTC ainsi que de vastes consultations menées auprès des Premières Nations, des Métis et des Inuits. On y souligne l’importance de la participation responsable et l’obligation pour les chercheurs d’expliquer clairement aux CER la nature de leur intervention auprès des communautés autochtones.

Selon Tony Porter, professeur de science politique à l’Université McMaster qui suit l’évolution de la gouvernance de l’éthique de la recherche au Canada depuis 10 ans, rien ne laissait présager que l’EPTC serait à ce point problématique pour la recherche en sciences humaines : « C’est une accumulation de frustrations au fil des ans qui a mené à cette nouvelle version. »

En l’absence de lignes directrices conçues précisément pour la recherche en sciences humaines, les CER ont parfois suivi des lignes directrices de la recherche biomédicale, explique-t-il. Par exemple, un CER pouvait exiger le consentement écrit des participants, une pratique que beaucoup de chercheurs utilisant des méthodes qualitatives jugeaient lourde comparativement à leurs modalités habituelles de consentement (oral, présumé ou par réponse à un questionnaire).

Le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche a été mis sur pied par les organismes subventionnaires en 2001 pour interpréter, examiner et réviser l’EPTC. Sa directrice exécutive, Susan Zimmerman, partage l’avis du milieu des sciences humaines au sujet de certaines lacunes de la version originale de l’EPTC, notamment le caractère insuffisamment inclusif de la terminologie et des références : « Dès le début, l’EPTC se voulait un document en constante évolution », précise-t-elle, faisant référence aux groupes de travail – dont le Comité de travail spécial de l’éthique de la recherche en sciences humaines (CTSH) – créés pour consulter les différents milieux de la recherche sur les améliorations possibles.

De l’avis de Glenn Griener, membre d’office du CTSH, le nouvel Énoncé vient corriger beaucoup de lacunes, mais ne répond peut-être pas entièrement aux attentes de certains chercheurs, par exemple ceux en criminologie pour qui les données recueillies doivent être protégées afin de ne pas être accessibles aux corps policiers ou aux tribunaux.

M. Porter ajoute que la version préliminaire contient encore des principes directeurs fermes relatifs à la protection des participants à la recherche, ce qui peut poser problème aux chercheurs dont les travaux ne se prêtent pas nécessairement à cette protection. Il cite en exemple des études sur les politiques publiques dont les conclusions pourraient dépeindre négativement un personnage public influent.

Les consultations en cours se dérouleront jusqu’en mars. Par la suite, le Groupe consultatif modifiera la version préliminaire à la lumière des observations recueillies et la transmettra aux organismes subventionnaires. Selon Mme Zimmerman, l’EPTC révisé pourrait recevoir l’approbation des trois organismes dès l’automne.

Profonds changements au processus d’évaluation

Voici quelques faits saillants du chapitre sur la recherche qualitative :

  • En certaines circonstances, le consentement écrit n’est pas exigé pour une recherche qualitative;
  • on peut déduire qu’un participant a donné son consentement éclairé s’il a accepté de collaborer avec le chercheur, aucune vérification supplémentaire n’étant alors requise;
  • l’évaluation par un CER n’est pas nécessaire pour des observations en public ou pour une recherche de renseignements affichés sur des sites Web publics;
  • les CER doivent déléguer l’évaluation des recherches reposant sur l’observation, y compris celles qui recueillent sur le Web des renseignements personnels et de l’information identifiable;
  • les CER doivent concentrer leurs efforts sur les projets qui dépassent le seuil minimal de risque;
  • les CER doivent reconnaître que, parfois, les sujets souhaitent être identifiés pour leur contribution à la recherche;
  • l’étape d’exploration, pendant laquelle a lieu la conception de la recherche, n’est pas assujettie à l’évaluation du CER.
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