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Conflit entre les universités et une société de gestion collective des droits d’auteur

Le nouveau tarif proposé est beaucoup plus élevé que le précédent et comprend aussi les documents numériques.

par JOHN LORINC | 16 AOÛT 10

L’une des plus importantes sociétés de gestion de droits d’auteur au pays affronte actuellement le secteur de l’enseignement supérieur canadien sur un enjeu de taille concernant une nouvelle licence. La dispute risque fort de se retrouver devant la Commission du droit d’auteur.

En cause : un nouveau tarif proposé par Access Copyright aux établissements d’enseignement supérieur pour 2011-2013 qui remplacera l’entente de licence conclue il y a longtemps avec l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC). (En fait, l’AUCC négocie un modèle de licence que ses établissements membres signent par la suite.) L’entente s’applique à la reproduction de documents protégés par un droit d’auteur sur tous les campus canadiens, à l’exception de ceux du Québec qui font affaire avec une société différente, Copibec.

Access Copyright prévoit mettre le nouveau tarif en vigueur à compter de janvier 2011.

Plus tôt cette année, Access Copyright – une société coopérative qui perçoit et administre, au nom de milliers d’auteurs et de maisons d’édition canadiens, les droits de reprographie versés par les établissements – a annoncé qu’elle prévoyait remplacer l’ancien modèle de licence par un nouveau modèle qui imposera un tarif pour la reproduction de documents, formats papier et numérique, qui servent de compléments de cours, sont distribués en classe ou sont utilisés à des fins pédagogiques. Access Copyright n’a pas apporté de modifications substantielles à son entente avec l’AUCC depuis le milieu des années 1990.

L’organisation prévoit aussi accroître sensiblement les tarifs imposés aux établissements d’enseignement supérieur. Sous l’ancienne licence, les établissements payaient 3,38 $ par étudiant équivalent temps plein (ETP), et 10 cents par page pour la reproduction de compléments de cours. Le nouveau tarif proposé par Access Copyright – qui doit ultimement être établi et approuvé par la Commission du droit d’auteur – consisterait en un coût global de 45 $ par ETP.

La hausse des frais préoccupe les universités qui sont aux prises avec des budgets extrêmement serrés. Les responsables de l’Université de la Saskatchewan estiment par exemple que cette hausse fera grimper les frais de licence d’environ 550 000 $ annuellement, les faisant passer de 190 000 $ à 732 500 $. « Nous évaluons nos options en ce moment, a déclaré au service de nouvelles de l’Université Judy Yungwirth, directrice de l’administration de cet établissement. Il faut en discuter : devrions-nous, oui ou non, à titre d’université, payer de tels frais? »

Le conseil d’administration de l’AUCC a consulté ses établissements membres au printemps et, selon le consensus généralisé, « l’Association doit contester le tarif proposé », affirme Steve Wills, gestionnaire des Affaires juridiques à l’AUCC. L’Association a envoyé un avis d’opposition au tarif à la Commission du droit d’auteur à la mi-juillet. La Commission pourrait entendre la cause dans plusieurs mois, bien après la date où le tarif devrait entrer en vigueur.

Les représentants d’Access Copyright ont reconnu en entrevue qu’ils ne s’attendent pas à ce que la Commission du droit d’auteur établisse le tarif final à 45 $ par ETP, mais ont toutefois nié ce que certaines personnes du milieu universitaire soupçonnent, à savoir que l’organisation tente d’accroître ses revenus pour contrer la baisse du volume de reproduction. « Nous n’obtiendrons pas 45 $ », a déclaré la conseillère juridique d’Access Copyright, Erin Finlay, selon qui cette estimation est optimiste.

M. Wills a pour sa part avoué ne pas comprendre comment Access Copyright en est arrivé au montant de 45 $ par ETP. Access Copyright, dit-il, tire environ 2,5 millions de dollars des frais de 3,38 $ par ETP, et au moins 11 millions de dollars des frais de reproduction pour les compléments de cours. Si on combine ces chiffres et qu’on les convertit en prélèvement par étudiant, le total des frais se situe sous les 20 $ par ETP. « Porter les frais à 45 $ par ETP représente une énorme hausse », estime M. Wills. La plus grande portion de ces frais, s’ils sont approuvés par la Commission du droit d’auteur, sera probablement refilée aux étudiants.

Un autre obstacle de taille concerne l’objectif d’Access Copyright de mettre sous licence la reproduction de documents numériques – une première pour cette organisation.

Karen Adams, directrice des bibliothèques à l’Université du Manitoba et représentante de l’Association des bibliothèques de recherche du Canada, explique que la licence proposée semble couvrir les copies faites à partir d’articles électroniques contenus dans des revues de la collection de l’Université et qui sont déjà couverts par la licence d’une autre organisation, comme le Réseau canadien de documentation pour la recherche (RCDR), ou des éditeurs. « Je ne comprends pas comment Access Copyright parvient à s’immiscer entre les bibliothèques et les éditeurs », poursuit-elle.

La bibliothécaire de l’Université Wilfrid Laurier, Sharon Brown, ajoute que son établissement verse des centaines de milliers de dollars en abonnement à des revues électroniques et craint que le tarif proposé par Access Copright pour les documents électroniques constitue un double paiement. M. Wills de l’AUCC explique que de nombreux documents électroniques sont déjà couverts par des licences des éditeurs ou d’autres organisations comme le RCDR.

Bien qu’elle reconnaisse que la notion de licence « générale » crée la confusion, Mme Finlay, d’Access Copyright, insiste sur le fait qu’il n’y aura pas de double paiement parce que la Commission du droit d’auteur donnera aux deux parties la possibilité de déterminer quelle part des œuvres numériques est déjà couverte et quelle part doit l’être. Les documents qui sont déjà couverts par la licence d’une autre organisation seront soustraits à la nouvelle licence d’Access Copyright, affirme-t-elle.

Cette dispute aura tout de même eu l’avantage d’inciter certaines bibliothèques universitaires à clarifier et à faciliter l’accès à l’information sur le statut des droits des documents électroniques qui composent leurs collections. « Nous avons été forcés de remanier notre catalogue pour que les professeurs sachent quoi faire », raconte Mme Adams, qui souligne que son groupe vient de mettre en ligne un système qui offre de l’information sur les droits et l’utilisation de toutes les revues électroniques. Les nouveaux professeurs qui élaborent des compléments de cours suivent actuellement une séance d’information sur le système.

Pendant ce temps, à l’Université Wilfrid Laurier, Mme Brown a embauché deux bibliothécaires qui font connaître la collection de revues électroniques de l’Université aux professeurs, en insistant sur le fait que la collection sert précisément à appuyer les programmes d’études. « Les professeurs n’ont désormais plus d’excuses pour ne pas trouver tout ce qu’ils cherchent à la bibliothèque. »

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