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Des boursiers Mitacs au service des politiques scientifiques gouvernementales

Onze postdoctorants passent un an dans divers ministères fédéraux.

par TIM LOUGHEED | 29 MAR 17

Depuis plus de 40 ans, des centaines de scientifiques et d’ingénieurs profitent d’un programme annuel de stages au gouvernement fédéral américain offert par l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS). Pour certains, le stage débouche sur un poste permanent dans la fonction publique, alors que d’autres poursuivent ensuite leur carrière ailleurs. Toutefois, les stagiaires forment un vaste réseau qui unit deux milieux isolés : celui des chercheurs universitaires et celui des décideurs du gouvernement.

Une telle initiative est maintenant proposée au Canada par Mitacs, organisme à but non lucratif voué à la recherche et à la formation créé à la fin des années 1990 comme réseau de centres d’excellence. L’automne dernier, 11 boursiers de divers horizons ont entamé un stage d’un an en élaboration des politiques scientifiques au sein de ministères fédéraux à Ottawa. Ils ont ainsi découvert comment l’appareil gouvernemental traite les principes scientifiques et les données probantes.

Les boursiers du programme pour l’élaboration de politiques scientifiques canadiennes, incluant (de gauche à droite) Kimberly Girling, Joelle Thorpe et Aaron Franks – ont rencontré la ministre des Sciences Kirsty Duncan en octobre. Photo de Mitacs.

Sally Otto, professeure au département de zoologie à l’Université de la Colombie-Britannique, est l’une des personnes à l’origine de l’initiative. Obtenir une bourse de la fondation John D. and Catherine T. MacArthur en 2011, lui a permis de consacrer la somme de 100 000 $ pour démarrer le programme de bourses, ce qui témoigne de son désir d’élargir l’expérience et les perspectives de carrière des étudiants en sciences.

« Comme éducateurs, nous aimons outiller les gens et les voir réussir », indique-t-elle, en plus de souligner que de nombreuses personnes intéressées par les politiques publiques ne savent tout simplement pas comment s’engager dans cette voie. Selon Gail Bowkett, directrice, Politique d’innovation à Mitacs, le programme a suscité un fort engouement dès son lancement lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes, à l’automne 2015.

« Il a provoqué beaucoup d’enthousiasme dans les ministères fédéraux et le milieu universitaire », se remémore-t-elle. Une fois les dossiers acceptés au printemps dernier, les organisateurs devaient choisir parmi des dizaines de candidats hautement qualifiés et aux profils très variés. Les personnes retenues sont titulaires d’un doctorat dans une discipline, allant de la neuroendocrinologie à la science politique. La plupart ont aussi acquis de l’expérience pratique au sein d’organisations qui travaillent sur le terrain pour orienter les politiques publiques.

Parmi les personnes retenues, citons Marie Claire Brisbois, stagiaire à Ressources naturelles Canada, qui était professeure auxiliaire à l’École d’environnement, de ressources et de durabilité à l’Université de Waterloo, et qui a aussi travaillé à la sensibilisation à l’environnement au Canada au sein du Sierra Club du Canada. Elle a en outre fait un stage à l’ancienne Agence canadienne de développement international, où elle s’est penchée sur l’accès à l’eau en Amérique latine.

Mme Brisbois analyse actuellement le rôle des données ouvertes dans la formulation de politiques. Selon elle, ces données sont essentielles pour assurer la transparence maximale des politiques. « Les données ouvertes sont fondamentales afin de renforcer la confiance du public envers les évaluations environnementales », déclare-t-elle, en ajoutant qu’elles sont tout aussi cruciales pour bien cerner les enjeux politiques. Comme elle l’explique, même si des données scientifiques ou des innovations technologiques règlent un problème (en trouvant par exemple une source en eau potable pour des collectivités éloignées), la solution technique n’élimine pas nécessairement les obstacles sociaux, économiques ou réglementaires connexes.

Cette perspective plus vaste des politiques, Pierre-Olivier Bédard, titulaire d’un doctorat en science politique de l’Université Laval et actuellement stagiaire à Affaires mondiales Canada, a pu la développer grâce au programme de Mitacs. « Il est possible de réfléchir pendant des années à l’administration publique et aux politiques gouvernementales sans savoir comment les choses se déroulent, indique M. Bédard. J’ai pu découvrir les rouages du gouvernement et le processus de planification et d’analyse des projets. »

M. Bédard et Mme Brisbois prévoient réintégrer le milieu universitaire en septembre après leur stage. Cependant, certains ministères pourraient très bien offrir des postes permanents à d’autres boursiers.

« Le programme était pour nous un moyen de sélectionner des candidats à de futurs postes », explique Loren Matheson, conseillère en sciences et technologie à l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Elle souligne que le programme de Mitacs a permis de découvrir un bassin de candidats extrêmement talentueux du Canada – avec beaucoup plus d’efficacité que le processus de concours habituel.

Mme Bowkett abonde dans le même sens et donne en exemple les résultats de longue date du programme de l’AAAS aux États-Unis. Mitacs collabore aussi étroitement avec l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique de l’Université d’Ottawa pour enrichir les activités des stagiaires et leur proposer des conférences et des ateliers.

« Une bonne camaraderie règne dans le groupe, affirme Mme Bowkett. Elle ajoute que ce programme est une initiative à long terme qui n’en est qu’à ses débuts. Le programme profite grandement à la fois aux stagiaires et aux ministères participants, mais nous souhaitons tout de même continuer de l’améliorer au fil des ans. »

Kimberly Girling a soutenu sa thèse de doctorat en neurosciences à l’Université de la Colombie-Britannique pendant son stage à Recherche et développement pour la défense Canada. Ce travail a nourri l’intérêt croissant qu’elle porte aux politiques publiques depuis le début de sa carrière universitaire.

« Aucun chemin clairement tracé ne mène les scientifiques vers le secteur des politiques », explique-t-elle. Elle donne comme exemple les chercheurs qui travaillent comme elle à la mise au point de nouveaux médicaments, et qui sont peu nombreux à comprendre pleinement le processus complexe de conversion des données scientifiques en médicaments approuvés. « Étant donné ma formation scientifique et ma bonne connaissance du milieu des sciences, je me devais de mettre à profit mon savoir pour que les décideurs et la population sachent que les données scientifiques probantes se traduisent en politiques publiques. »

Alexandra Mallett travaille elle aussi en ce sens comme professeure adjointe à l’École de politique et d’administration publiques de l’Université Carleton, où elle aide les étudiants en génie à comprendre les politiques publiques touchant les carrières de leur choix. Grâce à sa bourse Mitacs, Mme Mallett a fait un stage à Ressources naturelles Canada pour enrichir son enseignement par une expérience pratique de travail, telle que la rédaction de documents d’information destinés à un ministre. « Au bout du compte, affirme-t-elle, si nous voulons véritablement changer les choses, nous devons sortir du cadre de l’enseignement et de la recherche et aller au-delà de notre zone de confort. »

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