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Des solutions partielles à la pénurie de postes de résidence en médecine

Les étudiants en médecine craignent toutefois que le problème s’aggrave si le ratio postes-candidats n’augmente pas.

par WENDY GLAUSER | 10 OCT 18

Les universités, les gouvernements et même les Forces armées discutent ouvertement de la crise des diplômés en médecine « non jumelés » et tentent petit à petit d’y remédier. La Fédération des étudiants et des étudiantes en médecine du Canada (FEMC) estime toutefois que même si ces initiatives profitent à certains, elles ne peuvent à elles seules régler le problème.

« Qu’il s’agisse des étudiants au premier cycle ou aux cycles supérieurs, des résidents en médecine ou des doyens de faculté de médecine, tous jugent la situation problématique, affirme la vice-présidente sortante aux affaires pédagogiques de la FEMC, Kaylynn Purdy. Le problème est considéré comme systémique, et c’est ce qu’on affirme depuis bien longtemps. »

Après l’obtention de leur diplôme, les étudiants en médecine doivent se porter candidats à un poste de résidence dans la spécialité de leur choix. La résidence est la dernière étape de la formation qui fera d’eux des médecins praticiens. Or, un nombre croissant de diplômés en médecine dits « non jumelés » ne parviennent pas à obtenir de résidence. Ils peuvent présenter une nouvelle demande dans le cadre d’un second tour, mais s’ils échouent à nouveau, ils doivent attendre un an avant de retenter leur chance.

En 2018, 172 diplômés canadiens en médecine se sont retrouvés non jumelés au terme des deux tours, contre 149 seulement en 2017. En 2008, à peine 28 s’étaient retrouvés dans cette situation. Ces chiffres s’expliquent par la chute du nombre de postes de résidence en anglais financés par rapport au nombre de diplômés.

La situation des diplômés francophones en médecine est très différente. Cette année au Québec, 69 postes de résidence n’ont pas trouvé preneur. Il s’agissait principalement de postes en médecine familiale exigeant la maîtrise du français.

Les gouvernements provinciaux décident seuls du nombre de postes de résidence qu’ils financent chaque année. Cette année, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont décidé de financer un nombre accru de postes.

Le gouvernement libéral ontarien a ainsi annoncé en avril le financement de 53 postes de résidence additionnels. Ces postes n’ont été proposés qu’une fois le processus de jumelage achevé, pour permettre aux diplômés non jumelés de poursuivre leur formation. Les candidats retenus doivent toutefois, au terme de leur résidence, exercer deux ans dans les collectivités ontariennes mal desservies.

La récente arrivée des conservateurs au pouvoir pourrait par ailleurs changer la donne en Ontario : on ignore si des postes supplémentaires seront proposés à l’avenir. Dans un communiqué diffusé par courriel, Mark Nesbitt, le porte-parole du ministère ontarien de la Santé et des Soins de longue durée, a indiqué ce qui suit : « Le ministère est conscient que les postes de résidents en Ontario sont très convoités. Le gouvernement va déterminer comment remédier à long terme au problème des diplômés en médecine non jumelés. »

La Nouvelle-Écosse a pour sa part annoncé la création de 10 postes de résidence en médecine familiale, auxquels les étudiants pourront se porter candidats dans le cadre du processus de jumelage de 2019 et des années ultérieures. « Ces postes visent à multiplier les occasions de formation offertes en milieu rural et dans les petites villes », a indiqué la chargée des communications du ministère néo-écossais de la Santé et du Bien-être, Tracy Barron, précisant qu’ils sont à pourvoir dans des villes comme Truro, Inverness et Yarmouth. Des études montrent que les médecins sont plus enclins à choisir d’exercer en région rurale s’ils y ont été formés. Avec plus de 50 000 citoyens sur liste d’attente, la Nouvelle-Écosse est aux prises avec une pénurie de médecins de famille, surtout dans les régions rurales et éloignées.

Les Forces armées canadiennes s’attaquent elles aussi au problème. Le printemps dernier, cinq diplômés non jumelés ont ainsi obtenu, au sein d’universités canadiennes, des postes de résidence en médecine familiale financés par les Forces armées. Les titulaires de ces postes touchent une prime d’embauche de 150 000 $, mais doivent s’engager à servir dans les Forces armées pendant cinq ans au terme de leur formation.

Selon le major Mike Strawson, médecin militaire et médecin de l’air au sein des Forces armées canadiennes, il est fréquent que des étudiants très compétents se retrouvent non jumelés parce qu’ils ont opté pour des spécialités où la concurrence est féroce. Cela dit, nombre de ceux qui ont eu la chance de découvrir la médecine militaire affirment ensuite qu’ils auraient aimé la pratiquer plus tôt. « La médecine militaire n’est ni de la médecine familiale, ni de la médecine de travail, ni de la médecine d’urgence. C’est une médecine particulière, qui combine l’ensemble de ces spécialités », souligne le major Strawson.

En dépit de ces initiatives, quelques diplômés canadiens en médecine n’ont pu obtenir de poste de résidence financé par les Forces armées ou un des postes additionnels que finance le gouvernement ontarien. « On a beau faire le maximum, certains se retrouvent quand même non jumelés », déplore le major Strawson.

L’Université du Manitoba travaille depuis six ans avec le gouvernement manitobain à créer des postes additionnels pour les diplômés non jumelés. La province, qui n’abrite qu’une école de médecine, ne compte jamais plus de cinq diplômés non jumelés. Dans certains cas, ces derniers se voient offrir des postes qui n’ont pas trouvé preneur. Il arrive aussi que le gouvernement finance la création de postes à leur intention – le plus souvent en médecine familiale, mais aussi, pour le quart d’entre eux, dans des spécialités en manque de médecins (anesthésie, par exemple).

Selon le doyen du collège de médecine Max Rady de l’Université du Manitoba, Brian Postl, les diplômés non jumelés sont « de bons étudiants qui, malgré leurs bonnes notes à l’école de médecine, sont souvent victimes de la fluctuation du nombre de candidatures dans les différentes spécialités au fil des ans ».

M. Postl estime que les autres provinces devraient suivre l’exemple du Manitoba pour garantir des postes aux diplômés non jumelés souhaitant opter pour la médecine familiale ou pour une autre spécialité en manque de médecins. « C’est une question à la fois de volonté politique de la part des provinces, et de volonté tout court de la part des écoles de médecine », affirme-t-il.

Tout en se félicitant des initiatives mises en place, Mme Purdy de la FEMC estime que le problème des diplômés non jumelés ne fera qu’empirer parce que le nombre de postes de résidence par rapport au nombre de candidats n’augmente pas. « Tant que ce ratio ne bougera pas, la situation va perdurer. »

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  1. Luc Simon / 11 octobre 2018 à 15:11

    Il y a quelques mois, suite à la réaction de l’Arabie Saoudite de rapatrier ses ressortissants étudiants au Canada, on apprenait que plusieurs d’entre eux étaient en formation comme résidents en médecine dans plusieurs milieux hospitaliers canadiens.

    Serait-il possible que le financement important lié à ces postes attribués aux étudiants étrangers puisse avoir une quelconque influence sur le niveau de pénurie pour les candidats canadiens dont il est question dans cet article?

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