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Des universités chinoises et canadiennes se réunissent pour discuter d’arts libéraux

L’intérêt croissant pour les arts libéraux en Chine est le signe d’un retour à l’apprentissage traditionnel.

par CHRISTINE TAUSIG FORD | 12 SEP 11

Des universitaires chinois et canadiens ont découvert tout ce qu’ils avaient en commun lors du tout premier forum Canada-Chine sur les arts libéraux tenu à Beijing cet été. Organisé par Robert Campbell, recteur de l’Université Mount Allison et Ron Byrne, vice-recteur aux affaires internationales et étudiantes, le forum a réuni 46 dirigeants d’universités chinoises et huit participants canadiens provenant de Mount Allison, d’Acadia, de Wilfrid Laurier, du Collège Victoria de l’Université de Toronto, de Mount Royal, du Collège universitaire King’s de l’Université Western Ontario, ainsi que de l’Association des universités et collèges du Canada.

Né d’une réunion tenue l’année dernière entre MM. Campbell, Byrne et Zhang Xiuquin, une haute fonctionnaire du ministère de l’Éducation de la Chine, le forum a été organisé en collaboration avec l’Association chinoise pour les échanges internationaux en éducation, dont la sous-secrétaire générale, Yang Meng, a passé deux ans à l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, dans le cadre d’un échange d’étudiants. Elle considère le Canada comme un chef de file de l’enseignement des arts libéraux. « Les arts libéraux nous amènent à apprendre des autres cultures, déclare Mme Yang. Même forte de milliers d’années d’histoire, la Chine a encore beaucoup à apprendre. »

L’idée derrière l’enseignement des arts libéraux est d’exposer les étudiants à un vaste monde d’idées, en espérant qu’ils se découvrent une passion pour au moins certaines d’entre elles, indique M. Campbell, qui a dit aux dirigeants universitaires chinois que les arts libéraux se caractérisent par l’exposition à un « pluralisme d’idées… sans les contraintes des idées reçues ». Il souligne qu’au Canada, les universités spécialisées dans les arts libéraux ont souvent été fondées par des « fils de leurs œuvres », des gens qui croyaient en la capacité illimitée de la personne et au rôle de la formation universitaire à habiliter les diplômés à vivre une vie dotée de sens.

Ses paroles ont trouvé un écho auprès de bon nombre des dirigeants universitaires chinois.

« L’espérance de vie moyenne en Chine est de 73 ans. L’université vise à donner un sens à cette vie », affirme Shi Jian, vice-recteur de l’Université du Sichuan. Il fait remarquer qu’en 2008, lorsqu’un séisme mortel a secoué la région du Sichuan, l’Université a incité les étudiants à retourner dans leurs collectivités et à aider les habitants de la région à la reconstruction.
« Nous portons attention à l’engagement civique et nous mettons l’accent sur la responsabilité qu’ont nos diplômés envers leurs familles et la société à titre de citoyens du monde du XXIe siècle », ajoute M. Shi, qui a lui-même étudié à l’Université de Toronto et à l’Université de Regina et qui collabore encore à des projets de recherche avec des collègues de l’Université de Regina.

L’étude des arts libéraux est profondément ancrée dans la culture chinoise. « En Chine antique, l’enseignement était axé sur “le grand apprentissage”, plutôt que sur “l’apprentissage mineur” reposant davantage sur les compétences, explique Yang Huilin, vice-recteur de l’Université de Renmin. Lorsque les universités modernes sont apparues en Occident, leurs objectifs étaient assez semblables à la vision traditionnelle chinoise du grand apprentissage. »

D’une certaine façon, disent les administrateurs chinois, l’intérêt croissant à l’égard des arts libéraux représente un retour aux traditions qui se sont perdues au cours de la Révolution cultu-relle. Les universités chinoises adoptent diverses méthodes d’enseignement des arts libéraux et les dirigeants universitaires revoient leur façon d’élaborer, au premier cycle, des programmes de qualité axés sur les étudiants.

Certains restructurent même les programmes d’études afin de les assouplir. D’autres ont calqué leurs programmes sur le type d’exigences pédagogiques générales qui sont courantes aux États-Unis – un ensemble de cours conçus pour initier les étudiants à un large éventail de matières et de méthodes.

À l’Université Sun Yat-Sen, dans la province de Guangdong, par exemple, le programme de base comprend des cours d’histoire de Chine, de philosophie, de géographie, d’études de l’environnement, d’anthropologie, de droit et de sociologie. À compter de cet automne, chaque étudiant au premier cycle participera à au moins une discussion au sein de petits groupes com-posés d’au plus 20 étudiants, qui se réuniront toutes les quatre semaines sous la direction de doctorants. S’inspirant des méthodes occidentales, l’Université sollicite des dons de la part d’anciens étudiants pour soutenir son programme d’arts libéraux.

D’autres universités adoptent le modèle du « grand livre ». Par exemple, l’Université de Fudan préconise un enseignement axé sur un ouvrage classique, dans le cadre duquel la lecture est d’une importance capitale. Son programme, calqué sur celui de l’Université Columbia à New York, fait appel à une méthode pluridisciplinaire qui repose essentiellement sur une lecture intensive de textes originaux d’auteurs comme Platon, Kant, Goethe ou Marx.

Pendant ce temps, à l’Université de Guangxi, on accorde une grande place aux arts libéraux non seulement au sein du programme, mais également dans les activités parallèles et parascolaires, sous la forme de conférences et d’activités culturelles conçues pour améliorer les liens entre les étudiants et la collectivité locale. « Tout se résume à faire des étudiants des personnes solides et équilibrées, déclare Li Jibing, vice-président du conseil universitaire.

Les dirigeants universitaires chinois et ca-nadiens font face à certains enjeux communs. Comme les universités mettent l’accent sur des disciplines, les démarches pluridisciplinaires favorisées par les arts libéraux peuvent se heurter à la résistance du corps professoral.

« Nous craignons de ne pas avoir les meilleurs professeurs pour enseigner les arts libéraux, indique Chen Chunsheng, vice-recteur de l’Université Sun Yat-Sen. Les meilleurs professeurs veulent toujours enseigner au sein de leur propre département. »

Il est également difficile d’offrir des expériences d’apprentissage enrichissantes aux étudiants au premier cycle à l’ère de l’éducation de masse. Les universités des deux pays ne concentrent souvent leurs programmes d’arts libéraux que sur un petit nombre des meilleurs étudiants et les coûts peuvent être élevés.

Mais il existe aussi des différences. Les programmes canadiens incitent les étudiants à faire preuve de créativité et d’esprit critique ainsi qu’à remettre l’autorité en question, une démarche qui n’est possible au Canada que grâce à sa culture plus individualiste et à sa population peu nombreuse. En Chine, où l’on recense 30 millions d’étudiants universitaires, on cherche avant tout à instaurer des valeurs fondamentales et communes.

Toutefois, quelle que soit la démarche adoptée en ce qui a trait aux arts libéraux, une question fondamentale demeure, tant pour les dirigeants universitaires canadiens que pour leurs homologues chinois : Quelles sortes d’emplois attendent les diplômés des arts libéraux? La demande pour les programmes d’arts libéraux ne diminue pas et les étudiants sont enthousiastes et emballés de s’y inscrire. Mais dans les deux pays, les parents s’inquiètent souvent au sujet des perspectives d’emploi.

Les universitaires répondent que les arts libéraux préparent les étudiants en leur donnant les compétences transférables permettant d’occu-per des emplois qui n’existent pas encore. « Je dis à mes étudiants qu’ils disposent de quatre ans pour lire des livres et explorer de nouvelles idées », déclare Robert Perrins, doyen de la faculté des arts de l’Université Acadia. En Chine, ajoute Cao Li, vice directrice du centre des arts libéraux de l’Université de Tsinghua « nous cherchons des façons de doter les étudiants d’une souplesse et d’une facilité d’adaptation accrues. L’innovation et la créativité sont de plus en plus importantes sur le marché du travail ».

Le deuxième forum Canada-Chine sur les arts libéraux devrait se tenir l’an prochain au Canada, à l’Université Mount Allison à Sackville, Nouveau-Brunswick.

Christine Tausig Ford est vice-présidente et administratrice en chef à l’Association des universités et colleges du Canada, ainsi que l’éditrice d’Affaires Universitaires.

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