Le Canada doit grandement accroître ses investissements dans la recherche sur les vaccins pour empêcher qu’une autre maladie ravage nos vies, notre société et notre économie comme l’a fait la COVID-19, selon Volker Gerdts, directeur de l’organisme de recherche sur les vaccins et les maladies infectieuses (VIDO) de l’Université de la Saskatchewan.
« Chaque année, environ trois nouvelles maladies font leur apparition. Tous les deux ou trois ans, elles causent une éclosion dont nous devrions nous préoccuper », explique-t-il en faisant notamment référence à l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, au syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO), à la grippe porcine et à la fièvre Zika. « Pourquoi devons-nous attendre l’apparition des maladies pour agir? Pourquoi n’arrivons-nous pas à prédire ce que ce sera et ne développons-nous pas à l’avance des vaccins pour qu’ils soient prêts? », demande-t-il dans le cadre d’un webinaire tenu le 18 février par le Partenariat en faveur des sciences et de la technologie.
Déterminer quel virus sera le prochain à passer des animaux aux humains n’est pas mission impossible comme on pourrait le croire, selon M. Gerdts. Après le SRAS et le SRMO, il était assez clair que les coronavirus constituaient une grave menace. Il serait donc possible de créer un vaccin qui ciblerait un matériel génétique commun à toute la famille des coronavirus, parce qu’il s’agit de virus à ARN. « Nous pourrions tenter de trouver des éléments semblables entre les coronavirus connus », précise-t-il.
Les scientifiques du monde entier pourraient collaborer pour déterminer si plusieurs coronavirus qui ne sont pas enclins à muter partagent un même matériel génétique, car celui-ci constituerait alors une bonne cible vaccinale. « Il faut agir en amont », souligne-t-il.
Premier centre au Canada à isoler le virus SARS-CoV-2 en collaboration avec le centre des sciences de la santé Sunnybrook et à soumettre un candidat vaccin à des essais sur les animaux, le VIDO possède le plus grand laboratoire à haut niveau de confinement au Canada. Ainsi, il est envisageable d’y manipuler des pathogènes de classe 3 qui peuvent se transmettre par voie aérienne et causer de graves maladies.
Hébergeant des animaux tels que des chauves-souris brunes et des alpagas, le centre étudie les maladies touchant les animaux et les humains. Il a créé et commercialisé 10 vaccins depuis sa fondation en 1975. Le fait de pouvoir étudier les petits et grands animaux procure un avantage considérable, puisque 70 pour cent des nouvelles maladies infectieuses chez l’humain proviennent du monde animal. « Il est maintenant possible de prédire à quoi ressemblera le prochain agent pathogène problématique grâce à des modèles et à des simulations fondés sur la biologie computationnelle et la génomique », ajoute-t-il. Le centre attire des scientifiques de partout dans le monde et a collaboré avec plus de 80 entreprises, y compris la Fondation Bill et Melinda Gates.
Malgré ses succès, le VIDO est freiné par son incapacité sur le plan de la fabrication; c’est d’ailleurs ce qui explique que les essais cliniques sur les humains de son vaccin viennent seulement de commencer. « Nous avons amorcé la conception en janvier [2020]. Nous avions un vaccin prêt pour les essais sur des animaux et avions déjà démontré son efficacité sur des furets en mars », précise-t-il. Le centre ne possède toutefois pas encore sa propre usine de fabrication de vaccins et de médicaments, mais sa construction devrait être terminée d’ici la fin de l’année. M. Gerdts et son équipe ont donc dû négocier avec deux fabricants et attendre que les entreprises aient rempli leurs autres obligations contractuelles pour que la production commence. Ce processus a ajouté six mois à l’échéancier, selon lui. Cependant, si le vaccin est jugé sécuritaire et efficace, il pourrait être offert d’ici la fin de l’année ou le début de l’année prochaine.
Les ressources humaines représentent également un obstacle. M. Gerdts souligne qu’il faut environ quatre mois pour que les nouveaux employés du VIDO soient « à l’aise de travailler dans les laboratoires avec un équipement de protection personnelle complet et un virus potentiellement mortel ». Ce ne sont pas les connaissances scientifiques qui manquent, mais la « formation pratique en laboratoire », précise-t-il. L’Université de la Saskatchewan utilise actuellement les installations du centre pour former les étudiants à la maîtrise en vaccinologie et immunothérapie ainsi qu’au certificat d’études supérieures One Health (« Un monde, une santé »).
Or, il faudrait augmenter les investissements dans les infrastructures de laboratoire et la formation à l’échelle du pays afin que nos chercheurs soient prêts pour l’émergence d’une nouvelle maladie, insiste-t-il.
À un membre de l’auditoire qui lui a demandé s’il craignait de voir une baisse de l’intérêt pour la recherche sur les pandémies comme ce fut le cas après l’épisode du SRAS, M. Gerdts a
répondu : « Notre génération est désormais consciente de l’ampleur des répercussions d’une pandémie mondiale. J’espère qu’elle s’en souviendra pendant au moins une décennie ou deux pour que ces programmes ne tombent pas dans l’oubli et que les centres continuent d’être financés. »