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En quête d’un remède contre le simple rhume

Le laboratoire de l’Université de Calgary est le seul autorisé par Santé Canada à inoculer le virus du rhume à des humains, mais les volontaires se font rares.

par DAVID HAYES | 10 FEV 15

S’il y a une quête qui s’apparente à celle du Saint-Graal, c’est bien la recherche d’un remède contre le rhume. Peu de maladies autant étudiées demeurent malgré tout aussi inconnues. Le rhume est une affection saisonnière : dans la plupart des parties du monde, il se manifeste à l’automne, fait rage pendant l’hiver, et disparaît vers le milieu du printemps. Bizarrement, le rhume est pratiquement inexistant en été, que ce soit à Alert, au Nunavut, ou à Adelaide, en Australie, l’une des villes les plus chaudes de la planète. Les adultes canadiens attrapent en moyenne de deux à quatre rhumes par année, et les enfants, de six à huit. La horde de médicaments vendus en pharmacie, les remèdes à base de plantes médicinales (comme l’échinacée et l’hydraste du Canada) et les remèdes de grand-mère (comme la soupe au poulet, les gousses d’ail ou le sirop de miel et de vinaigre) n’offrent rien de plus qu’un léger soulagement.

Il est donc difficile d’imaginer que quelqu’un puisse volontairement attraper un rhume. C’est pourtant ce qu’a fait Jennifer Kim, mère à la maison de Calgary, le printemps dernier au Cold Lab – dont le nom officiel est le Centre d’essais cliniques respiratoires –, situé dans l’unité respiratoire expérimentale Tamaratt de l’Institut de maladies chroniques Snyder de l’Université de Calgary. Le Cold Lab est le seul laboratoire canadien autorisé par Santé Canada à inoculer à des humains le virus du rhume, et plus précisément le rhinovirus de type 39. Plus de 200 virus causent le rhume.

Au centre d’essais cliniques de l’Université de Calgary, une équipe de pneumologues et de coordonnateurs cliniques supervisent deux études : l’une porte sur des personnes asthmatiques et des non asthmatiques, l’autre, sur des fumeurs et des non-fumeurs. « Certains de mes amis, et les enfants de mes amis, souffrent de maladies respiratoires, se désole Mme Kim, qui participait à la seconde étude à titre de non-fumeuse. Un simple rhume les frappe deux fois plus fort. »

Le projet de recherche, dirigé par David Proud, est d’une importance cruciale sur le plan médical. « Une personne en santé ne peut mourir d’un rhume, explique le professeur au département de physiologie et de pharmacologie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les maladies inflammatoires des voies aériennes. Cependant, le rhinovirus est un pathogène qui a pour effet d’exacerber des affections plus graves, comme l’asthme, la fibrose kystique, l’emphysème et la maladie pulmonaire obstructive chronique. »

Le Cold Lab s’intéresse à la façon dont le rhinovirus humain manipule les gènes. Le virus en soi ne cause pas le rhume. Ce sont plutôt les cellules qui, lorsqu’elles sont attaquées, sécrètent des protéines appelées « cytokines » afin de déclencher une réponse du système immunitaire. Celui-ci stimule la sécrétion d’une cascade de cytokines, ce qui exacerbe la réponse immunitaire. Des symptômes comme la congestion nasale, le mal de gorge, les éternuements et la toux se manifestent alors.

« Nous cherchons à découvrir comment le virus modifie la biologie des cellules infectées, poursuit le Dr Proud. Plus l’inflammation et l’enflure sont importantes, plus les effets risquent d’être dévastateurs chez les personnes souffrant de maladies respiratoires, dont les voies aériennes inférieures sont déjà enflées. »

La technologie des puces à ADN a permis de découvrir que 48 heures après l’infection au rhinovirus, plus de 6 500 gènes sont touchés. Les recherches du Dr Proud ont montré que l’exposition au virus a pour effet de modifier de nombreux gènes, causant de l’inflammation ou stimulant des mécanismes de défense antivirale. Le laboratoire du Dr Proud a été le premier à révéler qu’une protéine antivirale appelée « viperine » est fortement sécrétée par les enrhumés, et que cette protéine limite la capacité du virus à se multiplier et à se propager.

S’ils parviennent à cibler les meilleures défenses de l’organisme contre le virus, les scientifiques pourraient être en mesure de stimuler leur production dans l’organisme ou de les administrer sous forme de comprimé ou de vaporisateur nasal. L’humain continuera d’attraper des rhumes – ce qui est une bonne chose en soi, car il peut ainsi développer des anticorps qui le protégeront à son prochain contact avec la même souche de rhinovirus – mais les chercheurs pourraient éventuellement trouver des façons de réduire considérablement ou d’éliminer complètement les symptômes.

Un remède contre le rhume aurait des retombées positives sur la santé et sur l’économie. Selon le Dr Proud, 50 pour cent des coûts des soins de santé au Canada seraient associés à l’asthme. Plus des trois quarts des crises d’asthme aiguës chez les enfants sont causées par des infections respiratoires simples, et plus précisément par le rhume deux fois sur trois. Par ailleurs, 70 pour cent des coûts du traitement de la maladie pulmonaire obstructive chronique sont liés à des crises graves, lesquelles sont principalement attribuables aux rhumes qui ont également tendance à causer les maladies les plus graves et les plus longues. Une étude réalisée en 2010 par le Conference Board du Canada estime que les maladies pulmonaires chroniques entraînent des coûts de santé directs et indirects de l’ordre de 12 milliards de dollars au Canada. « Si nous parvenons à renforcer la capacité du corps à combattre les rhinovirus, nous pourrons réduire considérablement les coûts des soins de santé », affirme le Dr Proud.

Les volontaires comme Mme Kim passent des tests pour s’assurer qu’ils ne sont pas porteurs d’anticorps contre le rhinovirus de type 39, puis se font inoculer. Ils sont ensuite soumis à une batterie de tests sur une période de plusieurs semaines, dont des frottis et des lavages nasaux, des tests respiratoires et deux bronchoscopies (insertion d’un endoscope dans les poumons, sous sédation).

Rien d’étonnant, donc, au fait que les participants se fassent rares, surtout que le comité mixte d’éthique en recherche sur la santé de l’Université interdit leur rémunération. (Ils peuvent obtenir un remboursement de leurs dépenses et, parfois, un petit montant pour le temps de travail perdu, mais rien qui représente un incitatif financier suffisant pour endurer les effets d’un vilain rhume.) « Bien entendu, les gens nous demandent pourquoi ils accepteraient d’attraper volontairement un rhume, explique Curtis Dumonceaux, inhalothérapeute et coordonnateur de recherche clinique au laboratoire. Il est difficile de trouver des volontaires. La plupart le font par altruisme, et beaucoup connaissent quelqu’un qui souffre d’une maladie respiratoire. »

C’est le cas de Mme Kim, qui admet que l’expérience n’a pas été des plus amusantes. « J’ai eu un vrai de vrai rhume, avec congestion et maux de tête, confirme-t-elle avant d’ajouter qu’elle souffre elle-même d’une maladie chronique, la fibromyalgie. Comme j’espère avoir un jour accès à de nouveaux traitements, je suis prête à aider ceux qui souffrent d’autres problèmes de santé. »

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