Passer au contenu principal
Actualités

Des scientifiques réfutent les allégations au sujet de l’innocuité de l’amiante

L’amiante est un sujet chaud au Québec, où le minerai est un important produit d’exportation.

par DANIEL DROLET | 12 OCT 10

Une lettre ouverte signée par un groupe de géologues de l’Université Laval vient de relancer l’épineux débat de l’innocuité de l’amiante et a suscité de vives réactions de la part d’universitaires de l’établissement et d’ailleurs.

Dans une lettre publiée plus tôt cette année dans Au fil des événements, le journal de l’Université Laval, quatre géologues font valoir que les études sur la santé sont biaisées puisqu’elles ne tiennent pas compte du fait que l’amiante est un terme générique englobant plusieurs substances minérales dont les propriétés diffèrent. L’amiante chrysotile n’est pas aussi dangereux que l’amiante d’amphibole, peut-on lire dans la lettre, ce que soutient également l’Institut du chrysotile, une organisation établie à Montréal qui a pour objectif avoué de faire la promotion de l’amiante chrysotile.

L’affirmation des géologues a été réfutée par deux universitaires de Laval dès la semaine suivante, qui estiment que les effets indésirables de l’amiante – qu’il s’agisse du chrysotile ou de l’amphibole – sur la santé sont incontestables.

L’amiante est un minerai fibreux qui était autrefois largement utilisé dans les domaines de la construction et de la fabrication en raison de sa résistance au feu. On en compte six variétés, dont le chrysotile et l’amphibole. Le Canada est un important producteur d’amiante chrysotile, et la production est concentrée au Québec.

L’exposition à l’amiante est liée à des maladies pulmonaires, en particulier le mésothéliome (une forme de cancer) et l’amiantose. En raison de ces risques pour la santé, des douzaines de pays interdisent désormais l’utilisation de l’amiante. Le Canada continue tout de même d’exploiter des mines d’amiante et d’exporter le minerai dans des pays où son utilisation n’est pas prohibée. L’Institut du chrysotile continue d’en promouvoir l’utilisation en faisant valoir que l’amiante chrysotile peut être manipulé de façon sécuritaire.

Dans leur lettre ouverte, les géologues Georges Beaudoin, Josée Duchesne, Tomas Feininger et Réjean Hébert indiquent que l’amiante chrysotile est beaucoup moins toxique que l’amiante d’amphibole. M. Beaudoin a expliqué en entrevue que l’on continue de mettre tous les types d’amiante dans le même panier et que ceux qui omettent de faire la distinction entre les différents types sont des « charlatans ». Toujours selon M. Beaudoin, nous manipulons quotidiennement des produits dangereux, comme l’essence, mais nous avons simplement trouvé des façons de les manipuler en toute sécurité.

« Les géologues ne côtoient pas de patients », réplique Tim Takaro, ergothérapeute et spécialiste de la médecine environnementale qui est également vice-doyen de la faculté des sciences de la santé de l’Université Simon Fraser.

M. Takaro a été le premier signataire d’une lettre endossée par 100 scientifiques de 28 pays qui demandent au premier ministre Jean Charest de mettre fin à l’exportation de l’amiante vers les pays en développement. La lettre ouverte a été publiée dans l’International Journal of Occupational Environmental Health en avril dernier.

« Les géologues ont raison d’affirmer que l’amiante est un matériau très hétérogène, explique M. Takaro. Ainsi, les avis divergent sensiblement au sujet du degré de toxicité des différents types d’amiante. Il semble qu’il y ait effectivement des variations, mais les propriétés cancérigènes ou inflammatoires de l’amiante ne font aucun doute, tout comme le fait que l’amiante chrysotile est for-te-ment cancérigène et peut causer l’amiantose. »

Toujours selon M. Takaro, « il est faux d’affirmer que l’amiante peut être utilisé de façon sécuritaire. En continuant de l’exporter vers des pays en développement, nous ne faisons que déplacer le fardeau de la maladie sur les nations les plus vulnérables ».

Yv Bonnier-Viger partage ce point de vue. Professeur au département de médecine sociale et préventive à l’Université Laval, le Dr Bonnier Viger a signé la lettre ouverte et est l’un des deux professeurs qui ont réfuté les allégations des géologues dans le journal universitaire. Lors d’une entrevue, il a comparé les défenseurs de l’amiante aux lobbyistes pro-tabac. « Il y a 100 ans, l’amiante nous a rendu un fier service, mais il existe aujourd’hui des produits de remplacement. »

Le dossier de l’amiante est toujours d’actualité au Québec, car on demande à la province de sauver des emplois en subventionnant l’industrie, explique Amir Khadir, médecin et député de Québec solidaire – un parti opposé à l’exploitation de l’amiante – à l’Assemblée nationale. « On nous demande d’injecter de l’argent dans une industrie moribonde », déplore le Dr Khadir.

Selon M. Takaro, il n’est pas rare qu’une industrie présente avantageusement un produit problématique lorsque sa survie en dépend. Il croit que l’industrie de l’amiante tente peut-être de faire de même en mettant en doute les fondements scientifiques du problème. « La science repose rarement sur des certitudes. Il y a généralement des zones grises, que l’industrie de l’amiante veut exploiter à son avantage », conclut-il.

M. Beaudoin, de l’Université Laval, a indiqué que l’Institut du chrysotile n’a pas financé ses travaux de recherche.

COMMENTAIRES
Laisser un commentaire
University Affairs moderates all comments according to the following guidelines. If approved, comments generally appear within one business day. We may republish particularly insightful remarks in our print edition or elsewhere.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Click to fill out a quick survey