Suède, 1949 : Des scientifiques découvrent la minuscule particule qui donne aux arbres leur rigidité. Le nanocristal de cellulose, une fibre en forme d’aiguille qui compose 20 pour cent de la masse d’un arbre.
Au milieu des années 1990, Derek Gray compte parmi les premiers chercheurs au Québec à étudier ces fibres qui donnent une substance appelée la cellulose nanocristalline (CNC). Le chercheur de l’Université McGill travaillait à l’époque avec un autre scientifique, Jean-François Revol, sur les propriétés iridescentes de la CNC qui, lorsqu’elle est dans l’eau ou ajoutée à du verre, permet de refléter un large spectre de couleurs.
Dans le laboratoire de Montréal, M. Gray et son équipe parviennent à raffiner le procédé d’extraction des nanocristaux de la pâte de bois et produire plusieurs grammes de la substance. À l’époque, M. Gray ne concevait pas encore toutes les applications possibles de la CNC. « La recherche était à l’origine motivée par la curiosité », confie-t-il. Il a fallu attendre près de 10 ans avant de voir des débouchés commerciaux se concrétiser.
« Une crise recèle toujours de nouvelles possibilités », précise Jean Bouchard, chercheur principal chez FPInnovations, un institut de recherche privé sur les produits forestiers. Il y a trois ans, l’industrie forestière traversait une crise. M. Bouchard s’est alors vu confier le mandat de trouver de nouveaux débouchés aux produits forestiers. Et la solution allait provenir du laboratoire de M. Gray.
Selon les chercheurs, les possibilités d’utilisation de la CNC sont pratiquement illimitées; on les utilise entre autres dans le verre des fenêtres de grandes tours à bureaux et dans les cockpits d’hélicoptères, à l’intérieur des voitures, ainsi que sur le revêtement de maisons et de planchers. L’avantage de ces minuscules fibres, qui sont plus fortes que l’acier, réside dans le fait qu’elles confèrent rigidité et durabilité aux matériaux, tout en préservant leur légèreté.
Pour l’instant, les peintures et vernis comptent parmi les produits les plus simples pour intégrer la CNC – l’ajout de la petite particule permet d’en augmenter la durabilité. Plusieurs autres applications sont encore au stade expérimental. Mais les promoteurs voient grand. D’ici cinq à 10 ans, la fibre pourrait être présente dans des centaines de produits. Plus étonnant encore, la CNC pourrait se retrouver dans le corps humain : les chercheurs explorent en ce moment la possibilité d’incorporer la particule dans les matériaux utilisés pour remplacer des hanches ou des dents.
Aujourd’hui, le Canada est le premier producteur de CNC au monde et occupe le premier rang en recherche dans ce domaine. Selon les données de FPInnovations, le marché nord-américain de la CNC représenterait environ 250 millions de dollars.
L’institut de recherche FPInnovations s’est allié à la papetière Domtar pour bâtir en Estrie une usine pouvant produire de la CNC en grande quantité : une tonne par jour d’ici septembre. De nombreux chercheurs pourront obtenir des échantillons de nanoparticules pour concevoir de nouvelles applications. Cela permettra de propulser la recherche vers de nouveaux sommets, estime Pierre Lapointe, président-directeur général de FPInnovations.
Le gouvernement de l’Alberta a aussi annoncé récemment un investissement conjoint avec le gouvernement fédéral, de 5,5 millions de dollars dans une usine pilote pour fabriquer de la CNC à Edmonton. L’usine « permettra aux chercheurs de mettre à l’essai et de valider la CNC provenant d’une variété de matières forestières et agricoles utilisées dans diverses applications. »
La CNC sauvera-t-elle l’industrie? Il s’agit évidemment d’un des ingrédients qui pourrait l’aider, estime Ron Crotogino, président d’ArboraNano, un consortium visant à promouvoir les nanotechnologies du bois. « C’est l’innovation qui va sauver cette industrie, et la nanotechnologie en est une », dit-il. Le bassin de chercheurs au Canada dans le domaine forestier est exceptionnel. Cette collaboration entre chercheurs universitaires et industrie s’avère un laboratoire expérimental qui, sans aucun doute, accélérera l’innovation. Pour le moment, la collaboration est fructueuse, et les résultats sont prometteurs, ajoute-t-il. Réponse similaire de la part du président de l’Association des produits forestiers du Canada, Avrim Lazar, qui précise « Le marché potentiel est fort, mais pas assez pour maintenir l’industrie forestière à flot. La question n’est pas de savoir si le marché existe, mais plutôt de savoir comment nous allons y faire une percée. »
Wow! Un article vraiment fascinant. Pour un simple citoyen, c’est magique d’avoir ces informations et de voir toutes les possibilités et avantages que cette matière apporte et apporyera aussi dans le futur. Bravo à nos scientifiques !
Merci de vulgariser tout ça pour nous.
Marguerite