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La gestion universitaire vue de l’intérieur

La rectrice de l’Université du Québec à Chicoutimi, Nicole Bouchard, revient sur ses deux premières années en tant que chef d’établissement.

par PASCALE CASTONGUAY | 08 AOÛT 19

Quelque deux ans après avoir pris les rênes de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), la rectrice Nicole Bouchard a profité du colloque sur les Systèmes d’enseignement supérieur : vision prospective, enjeux et tensions lors du congrès de l’Acfas en mai dernier pour revisiter ces deux dernières années et partager, en toute franchise, quelques-unes de ses réflexions.

Sans se laisser ralentir par les conventions, Mme Bouchard n’a pas hésité à aborder entre autres les tabous entourant les enjeux de gestion, les leçons qu’elle a apprises depuis le début de son mandat, les défis d’une course au rectorat ou l’importance des relations avec la communauté universitaire.

Celle qui a accepté de livrer son expérience s’étonne qu’on parle peu de la gestion universitaire, même entre collègues. « C’est comme un sujet interdit, chacun essayant de se débrouiller comme il peut, sachant que la plupart des gestionnaires universitaires ne sont pas des gestionnaires de carrière. On aime mieux ne pas en parler parce que c’est compromettant et chacun ayant son orgueil, on préfère vivre nos petits bonheurs et nos petits malheurs individuellement. »

Photo de l’Université de Montréal.

Une situation qui s’étend aussi à l’ensemble de la communauté universitaire. Mme Bouchard déplore notamment que la gestion soit pratiquement invisible dans les plans stratégiques qui se limitent généralement à l’enseignement, à la recherche et aux services aux collectivités. Malgré la résistance rencontrée, la rectrice a fait du développement organisationnel basé sur les meilleures pratiques de gestion le quatrième enjeu du plus récent plan stratégique de l’UQAC. « Les gens ne souhaitaient pas le voir y figurer, comme si dans le fond les universités vivaient dans le nirvana et qu’il ne fallait pas se salir les mains avec la gestion et faire comme si nous étions au-dessus de la mêlée », se souvient-elle.

Celle qui a amorcé son mandat en juin 2017, alors qu’un vent de changement soufflait sur l’UQAC, conseille notamment de se méfier de « ses propres zones d’ombre » et rappelle qu’il est important de ne pas aller trop vite. « Les mandats sont courts, le temps est compté et il y a comme un sentiment d’urgence, mais on s’aperçoit vite quand on embarque sur la chaise que si on va trop vite, on va peut-être être dans le train, mais il n’y aura plus personnes en arrière. » Mme Bouchard qui n’a pas hésité à revenir en arrière à quelques occasions lorsque c’était nécessaire estime qu’il a fallu un certain temps pour que les gens apprivoisent cette façon de gérer. « Ça dérange, on n’est pas habitué à cette vision. Ça prend quand même plusieurs mois avant que la communauté ne voie plus ça comme une faiblesse, mais comme du courage et un désir de s’améliorer. »

Sur un plan plus personnel, la rectrice invite les gestionnaires à rester à l’écoute. « Il y a plusieurs acteurs qui sont capables de nous le dire quand ce n’est pas une bonne idée, il s’agit de les écouter. » Elle associe d’ailleurs le fait de prendre des décisions très rapidement à répétition comme étant un piège. « On en vient à décider tellement rapidement que finalement, après trois ou quatre mois, je me suis aperçue que j’avais perdu beaucoup de ma capacité d’écoute. Il faut taire ses réponses puis écouter autour de soi », poursuit-elle.

Processus de sélection

Bien qu’elle le préfère au processus électif en vigueur dans les universités à charte, elle ne cache pas que « la première épreuve » qui attend le chef d’établissement d’une université faisant partie du réseau de l’Université du Québec est le processus de sélection. Mme Bouchard décrit ce processus comme étant « consultatif, mais qui ressemble drôlement à un processus électif ». À son avis, l’ambigüité vient du fait que « ça doit être confidentiel, mais tout le monde le sait. Alors, si tu parles, tu brises la confidentialité, et si tu ne parles pas, les gens pensent que tu as un plan caché. Donc, déjà, tu vois l’ambivalence de la posture que tu devras occuper. Je pense que le processus est organisé pour créer cette ambigüité, ça devient une école de formation. »

D’ailleurs, l’une des premières décisions qu’elle a été amenée à prendre pendant la course au rectorat lui aura permis de jeter les bases du type de relation qu’elle entendait entretenir avec la communauté universitaire. Plutôt que de s’adresser qu’à ce qui est couramment appelé le « collège électoral », l’autre candidat au poste et la rectrice ont d’un commun accord plutôt choisi d’inclure la communauté universitaire dans son ensemble. « Ça été un premier choix qui n’était pas anodin et donnait déjà une image de mon souhait de rassembler tout le monde. »

Celle qui avait opté pour un discours qui lui permettrait d’expliquer aux gens la vision qu’elle portait a trouvé dans cette façon de faire un bon moyen pour communiquer avec l’ensemble de la communauté universitaire. Elle a depuis répété l’expérience à plusieurs occasions. Au moment de livrer de son allocution, elle planifiait se plier à l’exercice une fois de plus dans la semaine suivant le congrès. Elle profite de ces moments pour « faire un bilan, démontrer les projets, dire là où on en est rendu, les défis qui nous attendent, nos bons coups, nos ²mauvais coups², les choses qui ont moins bien marché. »

Pour la rectrice, « l’intelligence collective contenue dans ces communautés est extraordinaire » et il ne faut pas s’en priver. « Si on est généreux, notre communauté le devient aussi. » À titre d’exemple de la participation des gens aux différents dialogues proposés à la communauté, Mme Bouchard cite les 250 commentaires reçus sur le premier jet du document visant à officialiser la mission, la vision et les valeurs de l’établissement dans le cadre de la planification stratégique. « Entre le premier jet et le dernier, vous pourriez voir toute l’avancée qui a été faite », se réjouit-elle.

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